US Open J13 : Coco Gauff, nouvelle "American Idol"

La jeune Américaine a renversé la future reine du circuit pour s’offrir son premier titre en Grand Chelem.

Coco Gauff / Finale US Open 2023©Corinne Dubreuil / FFT
 - Romain Vinot

Au cœur d’une enceinte new-yorkaise pleine à craquer pour la voir triompher, Coco Gauff a transformé tous les espoirs en réalité. En signant sa 12e victoire consécutive – sans aucun doute la plus importante de sa carrière –, elle est devenue la première teenager américaine à remporter un Grand Chelem depuis Serena Williams en 1999. A seulement 19 ans, elle semble plus que jamais marcher dans les pas de son idole.

La meilleure attaque, c'est la défense

Pour obtenir le droit de s’écrouler en larmes sur le ciment du court Arthur Ashe puis de grimper dans les gradins afin de partager son immense joie avec son clan et sa famille, Coco Gauff a dû batailler pendant 2h06 contre Aryna Sabalenka (2/6, 6/3, 6/3). D’abord dominée dans l’échange par une joueuse concentrée sur son jeu et déterminée à repartir du Queens avec deux couronnes, la protégée de Pere Riba et Brad Gilbert ne s’est pas frustrée malgré des opportunités de break manquées et un score assez largement en sa défaveur après 40 minutes de jeu (6/2).

"C'était vraiment difficile. Je ne frappais que des balles courtes durant le premier set et je ne comprenais pas pourquoi, a-t-elle analysé en conférence de presse. Mon équipe me disait de trouver de la profondeur mais je n'y arrivais pas. C'était impossible de rediriger la balle dans la bonne direction parce qu'elle faisait toujours un pas en avant pour frapper très vite."

Coco Gauff / Finale US Open 2023©Corinne Dubreuil / FFT

Ni frustration, ni panique lorsque son adversaire – loin de tout réussir – s’est procurée deux balles de break pour s’envoler dès le début de la deuxième manche. Déjà très impressionnante défensivement sur certains points à rallonge au cours du premier set, elle a ajouté de la réussite, du caractère et du show à sa partition pour inscrire davantage de points en contre. Surtout, elle a visité le terrain en long, en large, et en travers pour contraindre la championne de l’Open d’Australie à constamment jouer un coup supplémentaire. Celui de trop, souvent.

Alors qu’elle semblait avoir la main mise sur le scénario de cette finale, la future patronne du circuit a vu ressurgir de vieux démons. Plus la résistance se faisait grande et plus elle tentait des coups décisifs pour écourter l’échange ou faire la différence. Conséquence, elle a ajouté 32 fautes directes aux 14 comptabilisées dans la manche inaugurale. Face à une joueuse bien plus régulière et résiliente, ça ne pardonne pas. Le tableau des scores s’est emballé pour passer de 6/2, 1-1 en sa faveur à 2/6, 6/3, 4-0 pour son adversaire…

Aryna Sabalenka / Finale US Open 2023©Corinne Dubreuil / FFT

Ses changements de raquettes après deux frappes manquées, le temps mort médical pour se faire masser la cuisse gauche et un dernier débreak en guise de baroud d’honneur n’ont nullement écarté sa jeune vis-à-vis de la voie royale. Agacée, parfois même résignée, Sabalenka s’est sabordée. Electrisée par un public en liesse sur chaque point inscrit, Gauff a triomphé.

"Je me suis dit qu'il fallait que je vise la ligne de fond plutôt que l'intérieur du court, a-t-elle poursuivi. Je ne pense pas avoir fait beaucoup d'erreurs dans la longueur [...] J'ai juste essayé de rester dans le match. Je savais qu'elle allait frapper dans tous les sens et que je n'allais pas pouvoir gagner ce match comme j'aime le faire. Honnêtement, je n'aime pas jouer comme je l'ai fait aujourd'hui. Courir partout sur le court, c'est amusant hein, mais ce n'est pas aussi amusant que de frapper des coups gagnants. Je savais en démarrant le match que j'allais devoir jouer de cette manière face à elle." Qu’importe le flacon pourvu qu’elle ait l’ivresse.

"A huit ans, j'imaginais déjà gagner ce tournoi"

Si ce succès majeur vient sublimer un été exceptionnel pour la native d'Atlanta (18 victoires en 19 matchs, deux titres à Washington et à Cincinnati), il faut rappeler que son état d'esprit n'était pas le même quelques semaines auparavant. "En fait, c'est probablement à Roland-Garros que ça a vraiment changé, a-t-elle admis. Je me suis sentie obligée de retourner en finale et je n'ai pas réussi. Je me suis dit qu'il fallait que je reparte à zéro. Et puis Wimbledon est arrivé et ma défaite au premier tour a été difficile à encaisser parce que je trouvais que je jouais bien au tennis."

En réalité, il faut même remonter bien plus loin dans son passé pour trouver l'origine de ce destin hors-norme. "Quand j'avais huit ans, j'imaginais déjà gagner ce tournoi, a-t-elle souri. Je suis venue ici trois ou quatre années de suite pour la journée des enfants sur le Arthur Ashe. Je me contentais de regarder les joueuses et joueurs s'affronter sur ce court. Quand j'avais 13 ou 14 ans, j'ai joué ici dans la catégorie juniors et j'avais regardé la finale hommes cette année-là. Je m'y voyais déjà, à l'époque."

Titrée à l'Orange Bowl à 12 ans, championne de Roland-Garros juniors à 14 ans puis huitième de finaliste du tableau simple dames à Wimbledon un an plus tard (en 2019 !), elle a suscité toute sa vie les espoirs les plus fous. Une ascension programmée et très médiatisée qui pendant longtemps s'est avérée difficile à assumer.

"Ça a été très difficile, c’est un long processus pour en arriver là, a-t-elle poursuivi. A l’époque, je n’étais pas une joueuse complète, j’avais beaucoup de progrès à faire. Les gens me mettaient énormément de pression pour que je gagne. J’avais l’impression qu’à 15 ans, je devais gagner un Grand Chelem. Ce n’était pas une erreur parce que tout ce chemin m’a conduite à ce titre. Aujourd’hui, je me rends compte qu’il faut juste que j’entre sur le terrain et que je fasse de mon mieux. Mais je me souviens qu’après une nouvelle élimination à 17 ans, les gens disaient ‘Oh non, elle ne va pas gagner un Majeur plus tôt que Serena’… Tout ça me donnait l’impression qu’il y avait une limite de temps pour en gagner un et que si je n'y parvenais que plus tard, ce ne serait pas un réel accomplissement. C’est fou ce que j'ai vu ou entendu à mon égard mais je suis vraiment heureuse d’avoir pu gérer tout ça".

Handshake between Venus Williams and Cori Gauff at Wimbledon 2019©Corinne Dubreuil/FFT

La naissance d'une reine ?

Mais si la route menant à la gloire peut parfois être jonchée de nids-de-poule, ce sont bien chacune de ses expériences – heureuses ou malheureuses – qui lui ont permis de se forger en tant que joueuse. A titre d'exemple, sa finale perdue à Roland-Garros 2022 l'a aidée à gérer ses émotions et ses attentes au moment d'entrer sur le Central ce samedi. "Je ne sais pas si ça a été filmé mais je n'ai pas quitté Iga des yeux quand elle a soulevé le trophée. Je me suis dit que je voulais ressentir ce qu'elle-même a ressenti. Etre à cette place aujourd'hui, c'est fou et ce sera probablement toujours le cas dans une semaine ou deux."

Coco Gauff et Iga Swiatek / Roland-Garros 2022©Corinne Dubreuil / FFT

Ce lundi, la 4e teenager américaine de l'histoire à avoir remporté un tournoi du Grand Chelem occupera son meilleur classement en carrière, en simple (n°3) comme en double (n°1). Son talent, sa mentalité, sa maturité et son vécu laissent à penser que sa moisson et son règne ne font que commencer. Mais si les attentes seront toujours plus grandes concernant ce phénomène de précocité, il est temps de la laisser profiter. "Pour l'instant, je ne ressens que de la joie et un tout petit peu de soulagement. Honnêtement, j'ai fait tout ça pour moi et pas pour les autres [...] Je n'ai pas les mots, je peux juste dire que les rêves deviennent réalité et que tout ça est fou."