En cette année 2020 où tout est chamboulé, où les marrons et les feuilles mortes ont remplacé les bourgeons et les fleurs dans les allées de Roland-Garros, certaines choses demeurent immuables. Le dernier dimanche du tournoi, sur le podium du court Philippe-Chatrier, et même sous le toit, c’est Rafael Nadal qui soulève la Coupe des Mousquetaires.
Rafael XIII
Injouable, Rafael Nadal a survolé sa finale contre Novak Djokovic pour s'offrir un 13e titre à Roland-Garros, le 20e en Grand Chelem.
Comme pour nous ancrer un peu dans une réalité chaque jour bouleversée, le "roi de Roland-Garros" s’est offert un treizième titre dans son jardin de la Porte d’Auteuil.
En finale, face à un Novak Djokovic pourtant décidé à le déboulonner de son piédestal, l’Espagnol n’a jamais tremblé pour s’imposer 6/0, 6/2, 7/5 en 2h41 et remporter son 100e match à Roland-Garros.
Entré sur le court avec sa détermination légendaire, le numéro deux mondial a défendu chaque centimètre carré de son territoire avec la volonté féroce qu’on lui connaît depuis ses débuts. A l’heure sur toutes les balles, agressif avec une longueur et une lourdeur de frappe plus importantes que depuis le début du tournoi, il a tout de suite mis le Serbe sous pression.
Alors qu’il a d’ordinaire la panoplie de coups et la tactique parfaites pour gêner le Majorquin, c’est lui, Novak Djokovic, qui a vite semblé perdu sur le court, abusant de sa nouvelle arme fétiche, l’amortie, à l’image des trois tentées en cinq points au tout début du match…
"Nole" dépassé
Breaké d’entrée, Novak Djokovic, condamné au quasi-exploit pour marquer des points, a pris tous les risques et commis un nombre inhabituel de fautes directes (13 dans le premier set, 52 sur l’ensemble du match). En panne au service avec seulement 42 % de premières balles dans la première manche, le numéro un mondial, qui restait sur 37 victoires en 38 matchs cette saison et un titre à Rome, a dû attendre... 54 minutes de match pour empocher son premier jeu. Le temps d’encaisser un surprenant 6/0 pour la 4e fois de sa carrière en Grand Chelem, la première dans une finale.
Campé sur sa ligne de fond de court, Rafael Nadal s’est lui cramponné à son coup droit pour repousser le Serbe et l’empêcher de prendre le jeu à son compte, n’hésitant pas à venir claquer son revers croisé pour faire la différence dans l’échange. Solide au service, il n’a pas tremblé pour sauver les trois balles de break que le Serbe s’est procurées dans les deux premiers sets pour se détacher 6/0, 6/2 après 1h35 de jeu.
Réaction d'orgueil
Seul un joueur, Gaston Gaudio, a réussi à remporter une finale de Grand Chelem après avoir perdu le premier set 6/0 (à Roland-Garros en 2004), mais Novak Djokovic n’est pas du genre à renoncer. Dos au mur, le vainqueur de 17 titres du Grand Chelem a bien tenté "d’en mettre plus".
Avec une première balle retrouvée, il a mieux tenu son service et réussi son seul break du match pour revenir à hauteur à 3-3, s’encourageant alors bruyamment, en haranguant la foule pour la première fois avant d’empocher un deuxième jeu de suite pour la première fois.
Un sursaut d’orgueil que Rafael Nadal, vigilant, a rapidement contrôlé en reprenant pour la septième et dernière fois de cette finale le service du Serbe. Au moment de servir pour un 13e titre à Roland-Garros, 15 ans, 4 mois et 7 jours après son premier sacre, l’Espagnol n’a pas tremblé, concluant cette finale à sens unique sur un ace. Laissant, comme un symbole, Novak Djokovic sans réaction.
"Je n’ai pas grand-chose à dire, à part qu’il m’a totalement surclassé, a reconnu ce dernier en conférence de presse. Il n’a rien raté, était sur toutes les balles. Il m’a surpris par la façon dont il a joué et sa qualité de jeu. Il a joué le match parfait pendant les deux premiers sets et au troisième, j’ai eu mes occasions, je ne les ai pas saisies et il a conclu le match, c'était lui le meilleur joueur sur le court."
Egal de Federer
Avec ce treizième sacre parisien, Rafael Nadal, seul joueur à avoir remporté un titre autant de fois dans un même tournoi, égale Roger Federer et ses 20 titres du Grand Chelem. Un record de plus pour l’Espagnol, qui préférait cependant se concentrer sur l’émotion du moment.
"C’est une année très difficile mais gagner ici représente tout pour moi, a confié l’Espagnol, les yeux embués. Là, tout de suite, ce 20e titre m’importe peu, ce qui compte, c’est d’avoir gagné Roland-Garros. Ce tournoi est tout pour moi. Le seul fait de jouer ici est un privilège, l’histoire d’amour que j’ai avec cette ville et ce tournoi est incroyable !"
Qu’on se le dise, il faudra bien plus qu’une pandémie, des conditions automnales et un Djokovic presque invincible pour mettre fin à la domination parisienne de Rafael Nadal.