Adriano Panatta : "Nous avons une génération merveilleuse"

Nicola Pietrangeli et Adriano Panatta, tous deux vainqueurs à Roland-Garros, reviennent sur la renaissance du tennis italien.

 - Iris Chartreau

Ils s'appellent Matteo Berrettini, Jannik Sinner et Lorenzo Musetti et représentent le renouveau du tennis Italien. Pour la première fois de l'ère Open, trois joueurs transalpins sont qualifiés pour les huitièmes de finale d'un tournoi du Grand Chelem. Berrettini, 25 ans, s'est installé dans le top 10 mondial depuis octobre 2019 et disputera les quarts de finale après le forfait de Roger Federer ce dimanche.

Derrière, la relève pousse encore. Jannik Sinner (19e) et Lorenzo Musetti (76e), tous les deux âgés de 19 ans, affrontent respectivement Rafael Nadal et Novak Djokovic ce lundi.

Les deux plus grands champions italiens, Nicola Pietrangeli et Adriano Panatta, tous les deux sacrés à Roland-Garros, portent évidemment un regard bienveillant sur cette génération, qu'ils suivent avec un plaisir certain.

Nicola Pietrangeli, ancien vainqueur en 1959 et 1960

Il y a trois Italiens en huitièmes de finale d’un Grand Chelem pour la première fois de l’ère Open. Que vous inspire cette génération ?

C’est pas mal… Pendant dix ans, nous n’avons pas eu de résultats extraordinaires, Fabio Fognini mis à part. Pendant une dizaine d’années, on a été portés par les femmes (Francesca Schiavone, Flavia Pennetta, Roberta Vinci, Sara Errani, ndlr). Je trouve que l’on a désormais une très belle équipe. Cela veut dire que la fédération a bien travaillé. La France a eu de très bons résultats pendant des années, maintenant, c’est un peu moins bien. Mais, vous savez, ce n’est pas une question d’école, c’est une affaire de chance. Le champion, on ne le fabrique pas. Avant tout, on le découvre.

Quelles relations entretenez-vous avec Matteo Berrettini, Jannik Sinner et Lorenzo Musetti ?

Je connais bien Matteo parce qu’il est Romain comme moi. Je connais très bien son coach (Vincenzo Santopadre, ndlr) qui est quelqu’un d’extraordinaire. Les deux autres, assez peu. Mais je n’ai pas pu beaucoup aller sur les tournois avec le Covid. On ne rencontre même pas les joueurs, on les voit de loin. Il ne faut pas oublier que Matteo est dans les dix meilleurs joueurs du monde. C’est très bien ! Les deux autres sont encore jeunes. Ils jouent le Masters "Next Gen". J’espère que ça va durer, mais je ne sais pas jusqu’où ils peuvent aller. Celui que je vois aller le plus loin, c’est Berrettini. Mais je préfère ne pas faire de pronostic.

Adriano Panatta, vainqueur de Roland-Garros en 1976

Que pensez-vous des succès de Berrettini, Sinner et Musetti ?

Je suis très heureux car ça faisait des années que nous n’avions pas eu autant de jeunes aussi forts. Je suis le premier satisfait. J’attends avec curiosité de les voir à l’œuvre contre des monstres sacrés comme Nadal et Djokovic. Même si, déjà, l’année dernière, Sinner a montré qu’il pouvait faire de belles choses contre Nadal à Roland-Garros.

Musetti est le plus récent dans l’élite, mais il est très talentueux, créatif. Il ressemble peut-être plus au prototype du joueur italien alors que Berrettini, qui est le plus fort pour le moment, est le joueur moderne classique avec un gros service et un gros coup droit. Sinner, tout le monde le voit comme un joueur destiné à briller, et c’est sans doute vrai. Il est déjà très performant alors qu’il est encore très jeune. Nous avons une génération merveilleuse et nous sommes ravis.

Peut-on comparer cette génération avec celle que vous formiez avec Corrado Barazzutti et Paolo Bertolucci. Celle qui a gagné la Coupe Davis en 1976 ?

Chaque période à ses joueurs. Il ne faut pas faire de comparaison, c’est un autre monde. Quarante-cinq ans sont passés. Profitons de ce moment. Il n'y a pas si longtemps, personne n’aurait espéré voir autant de garçons aller aussi loin dans un tournoi comme Roland-Garros. Nous y sommes et c’est un événement très positif, mais je ne ferais pas de comparaison avec nous. Chacun sa propre carrière.

Est-ce qu’il existe encore un style de jeu italien ?

Ce sont trois joueurs complètement différents, avec trois styles différents, venant de trois régions différentes. Maintenant, il n’y a plus d'école italienne, française, suédoise ou américaine… Tout est mondialisé. Qui pouvait penser que le joueur, peut-être le plus fort de l’histoire, serait Suisse ? On ne pouvait pas le prévoir et je ne crois pas qu’on puisse affirmer qu'il y ait une école suisse. Maintenant, dans le tennis, on peut devenir fort dans n’importe quel pays du monde. Les écoles qui développaient un certain style n’existent plus.