Bianca Andreescu, retour gagnant

La Canadienne de 23 ans n'avait jamais rallié le troisième tour à Roland-Garros. Elle possède les armes pour se projeter plus loin.

Bianca Andreescu, deuxième tour, Court 14, Roland-Garros 2023 ©Nicolas Gouhier / FFT
 - Marius Veillerot

Inspirée par sa grand-mère, Bianca Andreescu a renversé une situation mal embarquée contre Victoria Azarenka pour lancer son "Roland". Présente pour la première fois au troisième tour du Majeur parisien, l'Ontarienne est "dans la zone", en paix avec son corps et avec elle-même.

Crise de la vingtaine

Le sport de haut niveau est un monde à part. Si l’humour de Bianca Andreescu est universel et que les rires fusent en salle de conférences de presse, il n’est pas certain que le commun des mortels ait le même rapport à l’âge que la Canadienne. "J’espère bientôt gagner, car le temps passe vite, glisse-t-elle. J’ai bientôt 23 ans. Je dis ça comme si j’étais très vieille, mais franchement, quand vous voyez Coco Gauff ou Fruhvirtova… Le temps presse !"

Il faut dire que l’Ontarienne a déjà vécu mille vies sur le circuit. Elle s’est invitée à la table des championnes en Grand Chelem dès ses 19 ans, grâce à son titre à l’US Open en 2019, mais le festin a été moins copieux que prévu. Des blessures l’ont éloignée des courts. Après une année 2020 blanche, elle a réappuyé sur pause au début de la saison dernière afin de préserver son équilibre mental.

Andreescu en a profité pour écrire un livre, s'impliquer bénévolement dans l'accompagnement des victimes de violences domestiques et se lancer dans la musique. L’occasion de redonner du souffle à l’être humain, souvent relégué derrière la sportive. Adepte de la méditation, "Bibi" a aussi appris à perdre, ou plutôt, à accepter la défaite, elle qui collectionnait les succès depuis son enfance.

Bianca Andreescu, first round, Roland-Garros 2023© Julien Crosnier/FFT

Mamie déclic

"Quand j’ai commencé à perdre, je ne comprenais pas ce qu’il se passait, a-t-elle précisé au Guardian. Je ne savais pas comment faire face. J’étais choquée, ce qui était très bizarre car toutes les semaines, ça arrive à plein de monde de perdre au tennis." Plusieurs séries positives ont laissé entrevoir un retour au premier plan. Avant une nouvelle désillusion en mars dernier. Mais la malédiction s’est transformée en petit miracle.

En huitièmes de finale du tournoi de Miami, la cheville plie, l’ex-numéro 4 mondiale est en larmes : "Je n’avais jamais ressenti une telle douleur", se plaint-elle sur le court. "Je me suis dit : ‘Pourquoi moi ? Pourquoi ça, encore ?’, a-t-elle décrit au Guardian. A chaque fois que je viens à Miami, en 2019, 2021 et 2023, je joue très bien, puis je me blesse." Sa sortie en fauteuil roulant fait craindre le pire. Un mois plus tard pourtant, Andreescu pointe de nouveau sa visière sur un court.

Néanmoins, Roland-Garros a débuté par un set concédé contre une pointure : Victoria Azarenka. Avant le déclic. "J’ai commencé à penser à ma grand-mère car elle vieillit et je suis très proche d’elle, a-t-elle révélé en conférence de presse après sa victoire contre l’ex-numéro 1 mondiale (2/6, 6/3, 6/4). Elle m’a dit, en roumain car elle ne parle pas anglais : ‘Je veux vraiment te voir gagner un autre Grand Chelem.’ J’avais ça dans un coin de ma tête quand j’étais menée 3-1. Cela m’a émue. A cet instant, ç'a été le déclic et j’ai commencé à mieux jouer."

Un jeu taillé pour l'ocre

Résultat : si les douleurs traînent encore par ci, par-là, le "fighting spirit" de la Canadienne est de retour. "Je veux retrouver la faim que j’avais en 2019, plus que jamais." Pour ce faire, elle se nourrit des images de ses parties à Miami et Indian Wells, afin "de retrouver cet état d’esprit" et pour ressentir des émotions positives.

Cette aventure l’a menée sur le court 14, où les drapeaux canadiens ont remplacé les pavillons français pour l’occasion. Andreescu n’avait jamais passé le deuxième tour d’un Grand Chelem en dehors du Majeur américain. Emma Navarro est tombée sur elle au mauvais moment. "J’étais dans la zone du début à la fin", a-t-elle souri au terme d’une partie où elle a enchaîné glissades, amorties et prises de risque, avec des frappes de fonds de court sans prendre de marge par rapport au câble (6/1, 6/4).

La droitière n’a jamais évolué à un tel niveau Porte d’Auteuil. Dotée d’une panoplie bien fournie pour jouer sur terre battue, elle doit désormais faire en sorte "de frapper le bon coup au bon moment". Une justesse qu’elle assimile "de mieux en mieux".

Bianca Andreescu, first round, Roland-Garros 2023© Julien Crosnier/FFT

Olas et cours de tweeners

En tout cas, le court 14 a apprécié et l’a remerciée en lançant des olas. "L’un de mes objectifs, c’est d’être un bon modèle, d’avoir une influence positive sur les autres, a-t-elle lancé. Au bout du compte, le tennis, c’est du spectacle. Je pense que je sais faire le show, être marrante et interagir avec le public !"

Avant de servir pour le match contre Navarro, elle a effectivement électrisé le public d’un simple geste du poignet, lâché dans le bon timing. Pour s’assurer d’amuser la galerie, la Canadienne suit des cours de tweeners auprès d’Ons Jabeur. "Aide-moi", avait-elle aussi écrit à Nick Kyrgios sur Twitter, alors qu’elle avait publié une vidéo où l’exécution de ce coup laissait à désirer.

Le fantasque Australien lui a prodigué ses conseils sur le réseau social, Jabeur l’a relayé sur le court 7. "J’ai une vidéo où j’en réussis un, sourit Andreescu. C’est une bonne prof'". Lesia Tsurenko, sa future adversaire au troisième tour, est prévenue. Le "Bibi show", c’est ce samedi en troisième rotation sur le court Simonne-Mathieu.