Entre des anciens toujours sémillants, des joueurs en pleine force de l’âge et des espoirs qui veulent d’ores et déjà faire leur place au soleil, ce Roland-Garros 2022 s’annonce passionnant et indécis. Zoom sur un tableau masculin plus ouvert qu’il n’y paraît.
Qu’attendre de ce Roland-Garros 2022 chez les messieurs ?
C’est une quinzaine palpitante qui va s’ouvrir Porte d’Auteuil. La course à la succession de Novak Djokovic s’ouvre officiellement ce dimanche. Têtes d’affiche, outsiders, surprises potentielles, ce cru 2022 s’annonce aussi ensoleillé que renversant.
“Tu n’as que cinq ans mais tu nous bats tous”
“Actuellement, tu es le meilleur joueur du monde.” Ce compliment signé Alexander Zverev au sortir de sa finale perdue à Madrid n’est pas destiné à Novak Djokovic ni même à Rafael Nadal. Le récipiendaire n’est autre que Carlos Alcaraz, 19 ans et tout sourire au moment de recevoir le trophée de vainqueur du tournoi et l'éloge de l’Allemand. “Même si tu n’as encore que cinq ans, tu nous bats tous.”
Malgré les rires nourris, la phrase du n°3 mondial reflète un constat de plus en plus partagé sur le circuit et autour. Carlos Alcaraz est destiné à régner. Longtemps. A 19 ans, le Murcien est entré dans le top 10 mondial sans même toquer à la porte. Actuellement 6e mondial, il aborde Roland-Garros dans la peau d'un favori. Une posture confortée par ses victoires récentes sur la terre de Barcelone et Madrid (où il a vaincu tour à tour Nadal, Djokovic et donc Zverev).
Son entraînement avec le n°1 mondial sur le court Philippe-Chatrier vendredi a attiré plusieurs milliers de spectateurs. Preuve s'il en est de la notoriété grandissante du jeune Espagnol. Placé dans la même partie de tableau que "Rafa" et "Nole", Alcaraz va rapidement devoir montrer de quoi il est capable puisqu'il pourrait retrouver dès le deuxième tour Albert Ramos-Viñolas après un premier tour face au lucky-loser Juan Ignacio Londero, spécialiste de la terre battue.
“Je me considère comme l’un des favoris”
“Les favoris, à l’heure actuelle, sont Djokovic et Alcaraz, confiait avant son arrivée à Paris Stefanos Tsitsipas. Pour ma part, je dois améliorer des petites choses dans mon jeu. Je ne sais pas si j’y parviendrai mais je vais tout faire d’ici Roland-Garros.” Finaliste l’an passé, le Grec préfère jouer la carte de la discrétion. Pourtant, un élément plaide en sa faveur : sa progression constante. Depuis ses débuts sur la terre parisienne en 2017, Tsitsipas a progressé étape par étape : 1er tour, 2e tour, huitièmes de finale, demi-finales et enfin finale l’an dernier. La conclusion pour le joueur serait donc un titre et ce, d’autant plus qu’il est en grande condition. Finaliste à Rome, il a également conservé son titre à Monte-Carlo. Attention néanmoins à ne pas avoir de retard à l'allumage puisqu'il retrouvera dès le premier tour Lorenzo Musetti, huitième de finaliste l'an passé Porte d'Auteuil.
Vainqueur de Tsitsipas à Rome et considéré comme favori par ce dernier, Novak Djokovic saura-t-il conserver sa couronne ? Opposé au Japonais Yoshihito Nishioka au premier tour, le Serbe est l’une des deux inconnues de l’équation parisienne. Absent à Melbourne pour la première levée des Grands Chelems cette saison, le n°1 mondial a également connu quelques creux inhabituels pour lui avant de retrouver pleinement la lumière dans la capitale italienne. “Avec mon classement et la façon dont j’ai joué ces dernières semaines, je me considère comme l’un des favoris, reconnaissait-il après son sacre romain. Je me suis toujours concentré sur moi. J’y vais avec les plus hautes ambitions.”
Nadal "ne pense pas être le favori"
Djokovic, qui fête ses 35 ans ce dimanche, cherchera à conquérir son 21e titre de Grand Chelem. Une performance réalisée par un seul homme, Rafael Nadal. Pour la première fois depuis sa victoire en 2005, le Majorquin n’est pas le premier nom cité par ses adversaires au moment d'évoquer le favori de la quinzaine. Lors de son rendez-vous avec la presse 48h avant les premiers échanges, il a fait preuve de franchise concernant son statut : "Les résultats récents le prouvent : aujourd'hui, vendredi, avant que le tournoi ne débute, je ne pense pas du tout être le favori." Un pronostic qui a plusieurs explications.
Tout d’abord l’âge de Nadal, qui pourrait fêter ses 36 ans sur le court s’il atteint les demi-finales. Autre élément clé, l’état de forme de l’Espagnol. Diminué à Rome, il y avait reconnu, après sa défaite contre Denis Shapovalov, que sa blessure au pied gauche l'handicapait régulièrement : “Je suis un joueur qui vit avec une blessure. C'est difficile pour moi de m'entraîner correctement plusieurs jours de suite." Touché physiquement, battu par Alcaraz à Madrid, à court de compétition, Nadal n’a jamais semblé aussi affaibli avant Roland-Garros. Et le sort ne lui a pas été favorable puisqu'il se retrouve dans la même partie de tableau que le jeune prodige espagnol et Novak Djokovic. Le chemin jusqu'à la finale s'annonce compliqué mais l'Espagnol veut rester optimiste.
"Bien sûr, au vu des noms, ce sera un haut de tableau très difficile. Mais c'est un tournoi du Grand Chelem, on ne sait pas ce qui peut se passer. Il peut y avoir beaucoup d'événements avant d'arriver au match auquel vous pensez... a-t-il commenté lors du Media Day. Je suis heureux d'être à Roland-Garros pour encore une année, c'est un plaisir. C'est un endroit que je connais bien et un des plus importants de ma carrière, sans aucun doute". Et avec treize sacres, personne ne maîtrise aussi bien que lui l'enceinte parisienne comme l'a confirmé Alexander Zverev : "Avec mon père on le regardait s'entraîner, il joue des coups droits qui vont beaucoup plus vite, a confié l'Allemand en conférence de presse. Quand il est sur ce court, on dirait qu'il joue 30% mieux."
Medvedev en terre inconnue, Zverev dans l’incertitude
Derrière les légendes et l’espoir qui monte et veut dépasser tout le monde, d’autres joueurs ont des atouts dans leurs raquettes. Numéro 2 mondial, Daniil Medvedev a occupé trois semaines le trône désormais repris par Djokovic. Habitué aux grands rendez-vous, il reste sur une finale à l’Open d’Australie et un sacre à l’US Open. Mais s’il est “le meilleur joueur de la nouvelle génération” selon Richard Gasquet, il n’a jamais dépassé les quarts de finale à la Porte d’Auteuil en cinq participations. Pire, il n’a franchi qu’une seule fois le premier tour. Il a néanmoins été plutôt épargné par le tirage au sort puisqu'il affrontera en ouverture l'Argentin Facundo Bagnis qui n'a jamais été plus loin que le deuxième tour ici.
Si Medvedev n’a jamais brillé à Roland-Garros, ce n’est pas le cas d’Alexander Zverev. Demi-finaliste l’an passé, l’Allemand a alterné les périodes fastes et les déceptions sur l’ocre. En témoigne son élimination dès le premier tour en 2017 avant ses deux quarts de finale en 2018 et 2019. Malgré une rechute en 2020 (huitièmes de finale), celui qui tutoie le double mètre (1,98m) reste sur une campagne sur terre battue convaincante avec deux demi-finales (Monte-Carlo et Rome) et une finale (Madrid). "Je pense que mon niveau de jeu s'est élevé après chaque tournoi durant cette saison sur terre battue. J'espère pouvoir jouer mon meilleur tennis ici. Si je remporte le titre ici, je serais ravi de ma saison." Le numéro 3 mondial devrait logiquement tenir son rang face au qualifié autrichien Sebastian Ofner lors de son entrée en lice puis il pourrait affronter Sebastian Baez (38e mondial) au deuxième tour pour ce qui pourrait être l'un des matchs les plus attrayants de la première semaine.
Davidovich pour confirmer
A l’image de Gaston Gaudio (2004) ou Gustavo Kuerten (1997), une surprise peut néanmoins venir chambouler l’ordre établi. Parmi ces trouble-fêtes, le premier de cordée pourrait être Alejandro Davidovich Fokina. Capable de tenir les longs échanges et d'asséner des accélérations fulgurantes, ce pur terrien de 22 ans est en pleine ascension. En témoigne sa victoire face à Novak Djokovic lors du dernier Masters 1000 de Monte-Carlo. Tournoi que l'Espagnol a terminé en finale, simplement battu par Stefanos Tsitsipas.
Canada Dream
Génération dorée du tennis canadien, Félix Auger Aliassime et Denis Shapovalov rêvent de gravir les quelques marches qui les séparent encore du sommet du tennis mondial. A Madrid et Rome, FAA a offert une belle résistance avant de céder contre Zverev et Djokovic. Mais il avait prouvé lors des tours précédents qu’il pouvait faire mal avec sa gifle de coup droit, qui avait mis au tapis Jannik Sinner, autre candidat déclaré au sacre à Paris. Pour Shapovalov, c’est son succès face à Rafael Nadal, certes marqué par la blessure de ce dernier, qui a marqué les esprits. Il reste néanmoins l'outsider qui a hérité du tirage le plus compliqué en ouverture puisqu'il affrontera le Danois Holger Rune.
Le vent du Nord
Dans le sillage des Canadiens, c’est toute une génération venue du Nord qui s’est invitée à la table du circuit mondial. Demi-finaliste à Rome, Casper Ruud est le premier Norvégien à entrer dans le top 10. Désormais 8e mondial, il a remporté en juillet 2021 trois tournois en trois semaines (Bastad, Gstaad et Kitzbühel). Une performance inédite depuis Andy Murray en 2011.
En finale à Genève ce samedi, Casper Ruud avait éliminé, à Monte-Carlo, une autre révélation de ces derniers mois : Holger Rune. Sorti des qualifications, le Danois de 19 ans avait proposé une belle résistance, avant de s’incliner (7/6, 7/5). Un revers comme une promesse convertie quasi immédiatement en succès. Moins de deux semaines plus tard, à Munich, le droitier a surpris Zverev devant son public (6/3, 6/2), avant de remporter le tournoi. Désormais 40e mondial, il ne cache pas ses très hautes ambitions : “Mon but ultime est de devenir numéro 1 mondial, donc il faut bien commencer quelque part. Ça aura donc été ici, à Munich". Il pourrait s’inviter à la table des géants plus vite que prévu. Son premier tour face à Denis Shapovalov sera l'une des attractions de ce début de tournoi.