Sur un court Philippe-Chatrier bardé de lumière et de chaleur humaine, Jo-Wilfried Tsonga n'était pas si loin de mener deux sets à rien face à Casper Ruud (n°8), puis d'égaliser à deux sets partout, avant de perdre 6/7(6), 7/6(4), 6/2, 7/6(0) un match de 3h49 qu'il a fini blessé et en larmes. Il aura néanmoins réussi un superbe et émouvant dernier combat. Et peut désormais partir sereinement à la retraite.
Tsonga, les adieux aux larmes
Pour son ultime match, le Français a livré face à Ruud un magnifique combat, qu'il a fini blessé.
Jo-Wilfried Tsonga n'est plus joueur de tennis. On va l'écrire à nouveau, pour mieux le réaliser : Jo-Wilfried Tsonga n'est plus joueur de tennis. Il avait annoncé le mois dernier que ce Roland-Garros serait le tout dernier tournoi de sa carrière, lassé, à 37 ans, de devoir composer avec les caprices d'un corps qui le torture depuis trop longtemps, pour ainsi dire depuis toujours. Et il a été battu au premier tour de ce Roland-Garros par Casper Ruud, ce mardi après-midi (6/7(6), 7/6(4), 6/2, 7/6), dans un match que le Français a fini en larmes, rattrapé bien sûr par le moment mais aussi par son corps fragile, puisqu'il s'est subitement blessé à l'épaule alors qu'il s'apprêtait à servir pour revenir à deux manches partout.
Tout cela n'a pas gâché la fin de l'histoire, bien au contraire. Cela en a même renforcé la charge émotionnelle et la dramaturgie, car on aura vécu deux derniers jeux assez lunaires lors desquels le Français, incapable de servir et contraint d'appeler le kiné au début du dernier tie-break, a pu au moins profiter à loisir de son long crépuscule et de la superbe ovation du public pour l'accompagner vers la sortie. Cet ultime effondrement de son corps était aussi sans doute le signe que sa décision d'arrêter était inéluctable. Il n'en pouvait plus, tout simplement.
Un dernier combat
On ne va pas se le cacher : tout le monde, peut-être même lui le premier, craignait une sortie un peu rude – désolé… - face à ce Casper qui passe, à juste titre, pour l'un des meilleurs terriens du circuit, statut qu'il vient encore de confirmer en s'imposant la semaine dernière à Genève. C'est vrai, on craignait un peu le match à sens unique, ou une défaite indigne de son statut.
Eh bien, pas du tout : Jo, revigoré par l'ambiance du court Philippe-Chatrier, a retrouvé des parcelles de sa splendeur passée et sérieusement compliqué la vie de son adversaire : servant comme à ses plus beaux jours (il n'a pas été breaké du 1er set), tirant sans compter les dernières cartouches de son coup droit bazooka, et faisant preuve d'audace dans le petit jeu pour perturber la machine norvégienne, il n'a pas été si loin de se détacher deux sets à rien puisqu'il a mené 2-0 dans le jeu décisif du 2e set.
Vague d'émotion
Il n'a pas été loin non plus de revenir à deux manches partout, puisqu'il a breaké à 5-5 dans le 4e set. Et c'est là, alors que Jo s'apprêtait à servir pour s'offrir un 5e set, et alors que le public l'ovationnait en déclenchant une Marseillaise, que le match, déjà empreint d'une émotion forcément particulière, a basculé dans le mélodrame le plus total. À la limite du soutenable pour les âmes les plus sensibles.
On vous avait prévenus qu'il faudrait sans doute sortir les mouchoirs à l'issue de ce match, quelle qu'en soit l'issue. Mais là, ce fut carrément l'usine à kleenex. La faute à Jo, aussi, qui a joué à un niveau bien au-dessus de sa 297e place mondiale actuelle. Pour son ultime prestation sur la plus grande scène tennistique de France, Tsonga aura été largement à la hauteur. Il n'y aurait pas eu d'adieux ratés, certes. Ceux-ci furent largement réussis.
Les adieux aux larmes se sont poursuivis ensuite lors d'une émouvante cérémonie sur le court à laquelle de nombreux joueurs français ont participé, parmi lesquels évidemment Gaël Monfils, Richard Gasquet et Gilles Simon, ses trois "potes" du Big French, auxquels son histoire restera irrémédiablement associée.
"Depuis mon plus jeune âge, j'ai toujours rêvé de devenir un grand sportif, a notamment déclaré au micro l'ancien n°1 français, qui avait préparé un long discours pour l'événement. Je n'ai jamais regardé derrière moi, mais aujourd'hui, je me l'autorise. Tout au long de ma carrière, j'ai toujours essayé d'agir et de faire du mieux possible. Merci Roland, Merci monsieur tennis, je t'aime." Amour plus que partagé, manifestement…
Pour Jo-Wilfried Tsonga, tout s'est donc arrêté là où tout avait commencé. C'est à Roland-Garros, en effet, qu'il avait disputé son tout premier tournoi du Grand Chelem, en 2005. Entre-temps, il a bâti l'une des plus phénoménales carrières de l'histoire du tennis français, riche notamment de 18 titres, dont deux Masters 1000 (Rolex Paris Masters 2008, Toronto 2014), une finale de Grand Chelem jouée à l'Open d'Australie en 2008 et une 5e place mondiale atteinte à son meilleur.
Il est aussi le joueur français ayant compilé le plus de victoires dans des tournois majeurs (121), juste devant Gaël Monfils (118), Richard Gasquet (110) et des monstres absolus comme Jean Borotra (103) et Henri Cochet (97). C'est dire le champion exceptionnel à qui le tennis français a dit adieu ce mardi 24 mai, jour anniversaire, pour la petite histoire, de Suzanne Lenglen. Il va falloir, c'est sûr, plusieurs jours pour s'en remettre. En attendant, Roland-Garros continue…