Alizé Cornet s'apprête à vivre ses dernières émotions à Roland-Garros. A 34 ans, elle a en effet décidé de prendre sa retraite sportive à l'issue du tournoi. Opposée à Qinwen Zheng, tête de série numéro 7, elle vise un nouvel exploit pour repousser un maximum l'échéance sur le court Philippe-Chatrier (12h).
Carte blanche - Alizé Cornet
Dans le magazine de Roland-Garros, Alizé Cornet a souhaité adresser un message avant d'entamer sa dernière danse sur la terre battue parisienne.
ROLAND, toi qui m’as vue éclore, grandir, gagner, perdre, pester, m’encourager, mais avant tout me dépouiller sur chaque match. Toi qui m’as fait pleurer de joie, de stress, de désespoir. Qui m’as rendue tantôt immensément fière, tantôt infiniment honteuse. Mais rarement apaisée, si tu veux mon avis. Tu es beaucoup trop intense pour ça. Et moi donc.
Toi qui m’as donné mes premiers frissons de joueuse de tennis professionnelle, lors de mon premier Grand Chelem, à seulement quinze ans, sur ce court 7 plein à craquer, et mes plus gros chagrins, à chaque fois que ta quinzaine se terminait pour moi.
J’ai tant voulu te plaire, jusqu’à me rendre malade, jusqu’à en perdre le sommeil. Parce que tu es le rendez-vous que tout le monde attend, surtout pour nous, joueurs français, scrutés par la presse, dont chaque succès est mis en lumière, comme chaque faux pas.
Parce que tu es une référence dans le monde sportif, dans la culture française, et que briller sur ta terre battue a plus de portée que n’importe quel autre tournoi. Surtout sur mon court favori, ni plus ni moins que ton magnifique court Central, le Philippe-Chatrier.
Cette année marque les vingt ans de notre rencontre, et signera probablement notre ultime rendez-vous. Vingt ans d’un panel d’émotions indescriptibles et d’une connexion tant attendue avec le public. Un public qui m’a donné envie de soulever des montagnes, mais que j’avais aussi si peur de décevoir. Car ton public, vois-tu, n’est pas un public facile. Il peut être exigeant, intimidant, parfois injuste. Il peut te porter à bout de voix un jour et te siffler le lendemain. Français ou pas.
Son amour se gagne, se mérite. Par ma générosité dans l’effort, je pense l’avoir rallié à ma cause plus d’une fois, me faisant vivre des moments d’une puissance inégalable.
Au détour de tes couloirs, tu m’as aussi permis de croiser mes idoles de jeunesse : Andy Roddick, Rafael Nadal, Justine Henin, Martina Hingis, ces joueurs qui m’avaient donné envie de faire ce métier, et dont je partageais le même monde, désormais.
Je n’aurais jamais cru, dans ma tête d’adolescente pleine de rêves, devenir plus qu’une habituée de tes allées, de tes courts. Quasiment une résidente. Un visage familier pour les spectateurs circulant dans ton enceinte.
Pourtant, malgré ces vingt années passées au sein de l’élite mondiale, pas une fois, je n’ai oublié l’honneur qui était mien de fouler ton ocre, de toucher ta magie.
Je t’ai ainsi toujours regardé avec mes yeux d’enfant, mêlant fraicheur et enthousiasme à mon ambition dévorante. Quitte à perdre un peu d’énergie au passage, quitte à m’éparpiller plus que de mesure. Difficile de se canaliser en ta présence.
Mais je n’ai pas de regrets, ou si peu, car je t’ai toujours tout donné au nom de ma passion. Et si c’était à refaire, je ne changerais presque rien. Presque…
Cher Roland, toi qui me verras faire mes adieux au tennis professionnel, qui me tiendras la main jusqu’au bout, jusqu’au dernier point. L’émotion sera grande, mais je ne pouvais pas rêver de partir en meilleure compagnie, ni mieux que toi pour dire au revoir à vingt ans de ma vie et commencer un nouveau chapitre. Comme une sensation de boucler la boucle, d’être allée au bout de moi, de nous.
Tu as été la plus belle récompense de mon travail acharné. Alors si cette danse devait être la dernière, que la fête soit belle ! Notre aventure le vaut bien.
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