Jasmine Paolini, ode à l'efficacité

L'Italienne a récité son jeu de contre pour battre Elena Rybakina et atteindre le dernier carré. Décryptage.

Jasmine Paolini, quarter-finals, Roland-Garros 2024©Corinne Dubreuil / FFT
 - Naël Makhzoum

Pour remporter le premier quart de finale en Grand Chelem de sa carrière, Jasmine Paolini a usé de toute son intelligence tactique. Spécialiste du contre, elle a d'abord tout fait pour limiter les fautes avant d'accélérer pour déboussoler Elena Rybakina. L'Italienne a parfaitement joué avec toutes ses forces pour atteindre le dernier carré.

Cette fois, on ne pourra pas dire qu'elle se retrouve en demi-finales par "chance". Après avoir bénéficié d'un tableau plutôt ouvert en première semaine, la tête de série n°12 a accroché Elena Rybakina à son tableau de chasse et prouvé qu'elle pouvait rivaliser avec les meilleures du monde en Majeur. Plus particulièrement quand celles-ci se distinguent par leur puissance, ce qui est le cas de la Kazakhstanaise. La stratégie de Paolini repose alors sur le risque de ce type de jeu, celui également prôné par Aryna Sabalenka, entre autres. L'objectif ? Pousser son adversaire à la faute.

Agressivité contrôlée

Ce mercredi, elle a donné une masterclass de contre. D'abord sur l'une des pierres angulaires de la palette de Rybakina : le service, pour lequel elle privilégie la force aux effets. Sur deuxième balle, la tête de série n°12 s'est constamment avancée dans le court pour être agressive et précise au retour. "Elle a bien débuté le match, se déplaçait beaucoup. Moi, j'ai débuté lentement alors qu'elle était agressive dès le premier point, a analysé "Ryba" après sa défaite. J'ai essayé de retrouver mon tennis, en fait. Mais j'ai eu l'impression de toujours reculer et de ne jamais vraiment déployer mon jeu."

En règle générale, au retour sur première balle, la Toscane fait souvent le choix de reculer bien au-delà de la ligne de fond - notamment lors du lancer - afin de fausser l'appréciation de l'adversaire et ainsi se donner plus de temps de préparation. Si elle réussit à remettre la balle en jeu, contre une joueuse hésitante à monter au filet, elle peut alors jouer de la puissance de son coup droit comme de son revers pour faire durer l'échange.

Quand son adversaire n'est pas encore bien entrée dans son match, qu'elle ne s'est pas encore ajustée ou qu'elle manque de patience, le tour est joué. Face à Elena Rybakina, le plan était parfait puisque lors de cette édition 2024, elle a souvent eu du mal dans ses premières manches. Et la théorie s'est vérifiée dans le premier set : dès que l'échange s'est installé, elle est partie à la faute (16 fautes directes).

Croisé / décroisé puis contrepied

Paolini, qui fera son entrée dans le top 10 à l'issue de la quinzaine, est contrainte de combler certaines lacunes dans son jeu, liées à son petit gabarit (1,60m). À commencer par son service, probablement le moins dangereux du top 15 mondial."J'aurais aimé être plus grande, parce que j'aurais pu mieux réussir mes services, ironise-t-elle. Mais j'accepte de devoir faire avec mon corps. Je suis petite ! Et j'essaie de faire en sorte que ça ne soit pas un problème, de faire les choses différemment, d'améliorer d'autres aspects."

Alors sur le court, elle commence par des schémas qui la rassurent : croisé / décroisé puis contrepied. C'est ainsi qu'elle s'est relancée quand elle était menée 4-0 dans la première manche de son huitième de finale contre Elina Avanesyan : "Quand j'étais au retour, je me disais : 'S'il-te-plaît, essaie de faire du croisé / décroisé, plutôt qu'un long de ligne'. J'avais commis trop d'erreurs ! Donc j'ai essayé de rester calme, sereine et de mieux lire son jeu."

Mercredi, Rybakina n'a donc pas su dicter l'échange sans partir à la faute dans le premier set. Paolini, elle, a parfaitement respecté sa stratégie défensive (une seule faute directe) ; ce qu'elle avait déjà réussi avec brio au troisième tour face à Bianca Andreescu, dont la force de frappe est l'un des atouts majeurs (aucune faute directe dans le premier set).

Classique, mais diablement efficace

Évidemment, l'adversaire finit souvent par se régler, surtout quand il s'agit de la n°4 mondiale. C'est ce qu'il s'est passé dès le deuxième set, quand Elena Rybakina a réussi à inverser la tendance en imposant sa cadence. Mais avec la confiance accumulée en début de rencontre, la Transalpine a eu l'intelligence de modifier sa manière de jouer : elle a osé davantage, pris plus de risques dans ses trajectoires, enlevé du lift pour ajouter de la lourdeur dans ses frappes, et elle a même tenté quelques coups long de ligne.

Bien que le toucher ne soit pas sa caractéristique principale, elle peut aussi s'appuyer sur un slice qu'elle maîtrise très bien en revers comme en coup droit pour se sortir de situations délicates. Sans être capable de varier autant que les meilleures joueuses de terre battue, Jasmine Paolini s'appuie sur des bases solides et un style on ne peut plus classique, mais diablement efficace à ce niveau de maîtrise. À voir ce qu'elle en fera face à l'autre surprise du dernier carré : la jeune étoile de 17 ans, Mirra Andreeva.