La nuit rêvée de Gaël Monfils

Le Français a terminé en pleurs mais en vainqueur d'une partie d'anthologie face à Sebastian Baez (3/6, 6/3, 7/5, 1/6, 7/5).

 Gaël Monfils, Roland-Garros 2023, premier tour, Philippe-Chatrier©Philippe Montigny / FFT
 - Marius Veillerot

La Marseillaise a résonné dans l'enceinte du Philippe-Chatrier après la victoire renversante de Gaël Monfils face à l'Argentin Sebastian Baez (3/6, 6/3, 7/5, 1/6, 7/5 en 3h47). Indescriptible.

Gaël Monfils a remporté un match que Sebastian Baez avait déjà gagné. Alors qu’il était mené 0-4 dans l’ultime set, Monfils est encore parvenu à s’arracher au filet pour, enfin, marquer un jeu et toiser le Philippe-Chatrier, un sourire en coin rempli d’une assurance toute monfilsienne. Le Central s’était pourtant assoupi depuis une manche et demi. Il a suffi d’1 minute et 48 secondes, le temps de débreaker une première fois, pour faire exploser le taux d’adrénaline de l’assemblée.

Malgré son tempérament et son profil, terrien dans le sang et défenseur dans l’âme, Sebastian Baez a été happé par la folie du lieu, tandis que Gaël fredonnait presque la Marseillaise en compagnie de supporters déchaînés. "La Monf" a débreaké une deuxième fois. Il s’est alors téléporté dans une zone où ses 36 ans et ses récentes blessures ont disparu et où la partie adverse du court semble mesurer deux mètres de plus. Mais comme Monfils reste Monfils, il perd son engagement et replonge tout le monde dans un stress vertigineux (4-5).

Le Parisien dégaine l’antidote trois points plus tard : une amortie pleine ligne au bout d’un point où Baez a pourtant récité une leçon de défense à tout un stade. C’est le tournant définitif d’un match plein d’une émotion impossible à oublier. "A 3-0, je me suis dit 'C'est bizarre, je n'ai pas gagné un match depuis que je suis papa.' Ma fille est à Paris, je me suis dit que j'allais quand même en gagner un", a-t-il lancé à la fin de la rencontre.

Monfils avait les clés de la partie

Sans surprise, "la Monf", cinq petits matchs joués cette saison sur terre, était passé par la case réglages lors de la première manche. Des prises de risques non récompensées, une deuxième balle de service peu protectrice et il lâchait la première manche sur une 17e faute directe (3/6).

Mais, déjà, les clés de la partie ne semblaient pas si éloignées du cordage du Parisien. Ce dernier a commencé à privilégier le choix des zones à la puissance, il a breaké à 3-2, en s’éloignant de sa ligne de fond. S’il a perdu son service dans la foulée, le protégé de Mikael Tillstrom a harangué la foule, histoire de retrouver un volume sonore qui sied mieux à son tennis et a breaké de nouveau : le set était à lui (6/3).

Le Chatrier aussi. Monfils a mis la main sur les commandes et a joué avec la température sur le Central, comme il sait si bien le faire. La fièvre s’est incrustée chez Baez : double-faute, break d’entrée pour le Français, dont les déplacements sont plus légers. Il tarde tout de même à conserver son break, lâche un smash en dilettante : ça passe, mais le droitier de 36 ans ne peut réprimer un sourire crispé, presque penaud.

L'ascenseur de la folie est monté très haut

Le public le reconnaît complètement, c’est bien le Monfils qui avait foulé la terre parisienne deux ans plus tôt, avant son forfait en 2022. Il a été encore plus fidèle à lui-même à 4-3 lorsqu’il a laissé l’Argentin le débreaker sur un jeu blanc, avant de sauver trois balles de set, de collectionner neuf points de rang pour se mettre en position de servir pour ce troisième set.

Le court Philippe-Chatrier est définitivement en feu. Quelques hésitations plus tard, Monfils empoche enfin ce troisième acte (7/5). L’ascenseur de la folie a grimpé très haut, l’intensité est retombée très bas dans le quatrième set, facilement enlevé par Baez. La suite ? Seuls les couche-tard la connaissent avant que la France et le monde de la petite balle jaune ne se réveillent.

En tout cas, Holger Rune ne s'est sûrement pas couché avant de connaître l'identité de son adversaire au deuxième tour. Monfils peinait à prendre la mesure de l'exploit réalisé mais il a donné rendez-vous à tout le monde pour sa rencontre avec le Danois : "Ce n'est qu'un premier tour, on va essayer de faire une belle fête pour le deuxième".