Le quart de finale entre Karolina Muchova et Anastasia Pavlyuchenkova promet de voler bien plus haut que ce que le classement WTA n'indique (43e et 333e). Se présenter à 11h sur le Central, c'est la certitude d'assister à une bataille tactique bourrée d'échanges disputés.
Muchova - Pavlyuchenkova : tennis champagne de bon matin
Pour son premier quart à Roland-Garros, la Tchèque de 26 ans défie la finaliste de l'édition 2021.
Muchova, l'embarras du choix
Surnommé "le Magicien" quand il évoluait sur le circuit, Fabrice Santoro en connaît un rayon en matière de bagage technique. Dimanche sur le Suzanne-Lenglen, il a invité Karolina Muchova à dévoiler la richesse de sa palette, une fois la victoire assurée face à Elina Avanesyan (6/4, 6/3). La Tchèque a tellement de coups en magasin qu’elle peine parfois à sélectionner le bon, au moment opportun.
"C’est déjà difficile pour moi d’avoir l’esprit clair dans la vie, alors sur le court..., a-t-elle complété avec le sourire en conférence de presse. Quand je dois taper la balle, j'essaie de prendre la première option qui me vient à l'esprit, même si ce n'est pas la meilleure. Parfois, je prends la troisième ou quatrième, mais ça peut être catastrophique. Je me dis : 'J'espère que personne ne l'a vu', alors qu'il y a des gens partout", sourit-elle. Pourtant, depuis le début du tournoi, sa facilité fascine. Sur le court, la Praguoise semble réciter à la perfection le plan défini en amont avec son clan.
Service-volée, amorties, slices, décalages : Muchova flèche la circulation sur ocre depuis le début de la quinzaine. Jusqu’ici, l’itinéraire de ses adversaires est toujours le même et il indique : "Par ici la sortie". Maria Sakkari, tête de série n°8, Nadia Podoroska et Irina Begu ont toutes été chassées par la droitière de 26 ans.
Disposer de tant de possibilités semble être une qualité indéniable aller loin en Grand Chelem. "C’est à la fois une bénédiction et une malédiction, résume la native d’Olomouc. Je n’arrive pas à trouver un autre mot que ‘problème’. Ça n’en est pas vraiment un, mais c’est un bon problème à avoir !"
La tornade Pavlyuchenkova
D’autant que de l’autre côté du filet, Anastasia Pavlyuchenkova risque de lui en poser. La 333e joueuse mondiale a soumis des équations insolvables à ses opposantes, même si deux d’entre elles ont effleuré la victoire. Liudmila Samsonova a mené 5-2 dans le troisième set du deuxième tour avant de subir une bourrasque.
La tornade qui a emporté Elise Mertens a été encore plus violente. "On m’a rappelé que j’avais été menée 0-40 à 6/3, 3-1, j’avais déjà match perdu, a lancé Pavlyuchenkova à la presse au terme de son huitième de finale contre la Belge (3/6, 7/6 (3), 6/3). Mais j’ai continué à me battre sur chaque point, à y croire et je suis là, devant vous, en tant que gagnante."
Combative, voilà l’adjectif qui décrit le mieux celle qui n’a pas foulé un court entre mai 2022 et janvier 2023, à cause de son genou gauche. "Après ma blessure, j'avais des craintes, a-t-elle lâché. Je me disais que je ne gagnerais plus jamais un match, que je ne retrouverais jamais la forme, que je n'aurais plus de sensations au niveau du genou. Malgré tous les échecs, les défaites que j'ai connues cette saison, j'avais cette envie de revenir et de disputer des rencontres de 3 heures comme celle d'aujourd'hui. C'est mon moteur."
Alors qu’elle n’avait pas enchaîné plus de deux victoires sur terre cette saison, l’ex-numéro 11 mondiale va retrouver les quarts de Roland-Garros pour la troisième fois, douze ans après sa première apparition à ce niveau, et deux saisons après sa finale perdue face à Barbora Krejcikova. Contre Mertens, elle a de nouveau pu se familiariser avec les dimensions du court Philippe-Chatrier, avant d’y retourner face à Muchova : "Ça me rappelle de bons souvenirs de monter les escaliers, c’est quand même très spécial".
Des classements trompeurs
Les deux joueuses avaient deux ans de moins lors de leur dernier duel. Depuis, elles ont chacune connu quelques galères mais elles se rapprochent du niveau qu’elles avaient atteint en 2021, l'année du dernier carré de Muchova à l'Open d'Australie. Si au cumul, celle-ci est dominée (2-1), elle a remporté leur précédente rencontre à Wimbledon (7/5, 6/3).
A l’époque, elle était tête de série n°19 du Majeur londonien. 43e joueuse mondiale aujourd'hui, elle joue largement au-dessus de son classement à Paris, à l’instar de Pavlyuchenkova. Mais il faut remonter encore deux mois plus tôt pour observer leur partie la plus équivoque. En quarts du WTA 1000 de Madrid en 2021, "Nastia" avait pris le meilleur sur son adversaire à l'issue de deux tie-breaks.
L’ocre est la surface favorite de la joueuse de 31 ans. Toutefois, sa benjamine (26 ans) progresse sur terre battue. "Avec l’enchaînement des matchs, je pense que je prends confiance, a-t-elle affirmé. Ce n’est pas ma surface favorite, mais ça se passe super bien (depuis le début du tournoi) !"
Son jeu s’exprime mieux sur un revêtement plus rapide, mais la Tchèque possède les atouts pour construire ses points patiemment Porte d’Auteuil. "Le plus difficile, c’est que les échanges sont longs, observe-t-elle. Sur une surface plus rapide, je sais que si je frappe un puissant coup droit long de ligne, il y a 90% de chance que je gagne le point, ou alors je n’ai plus qu’à finir au filet. Ici, si mon adversaire est accrocheuse, la balle revient et il faut courir, c’est plus physique, c’est plus exigeant pour moi."
Pavlyuchenkova correspond à la lettre à la définition de la joueuse qui ne lâche rien. "C’est une très bonne joueuse, avec une super main et beaucoup de puissance", décrit sa future adversaire. Si, entre les lignes, Muchova laisse entendre qu’elle est plus à l'aise lorsque les débats ne s’éternisent pas, elle a l’avantage de débarquer plus fraîche physiquement. "Nastia" a passé plus de neuf heures sur les courts. Sa future vis-à-vis a plié chacun de ses trois derniers matchs en moins de deux heures. Alors, prime à l'expérience ou à la fraicheur ?