Avec Fabio Fognini comme chef de file, le tennis transalpin, fort de 16 représentants parmi les 200 meilleurs joueurs du monde, dont sept dans le top 100, est en train de retrouver une nouvelle jeunesse. À Roland-Garros, ils étaient neuf sur la ligne de départ. L'occasion -peut-être- de reprendre le cours de la belle histoire qui a uni l'Italie à ce tournoi. Avant l'entrée en lice ce mardi du numéro un italien, retour sur cinq de ses prédécesseurs qui ont marqué la Porte d'Auteuil.
Fognini sur les traces de ses aînés ?
Retour sur les héros italiens de Roland-Garros.
Giorgio De Stefani : l’Italien qui ne faisait que des coups droits
Meilleur résultat : finaliste en 1932
Après la France et les États-Unis, l’Italie est chronologiquement la troisième nation à avoir placé l’un de ses joueurs en finale de Roland-Garros, en 1932. Cette année-là, l’ambidextre Giorgio De Stefani, dépositaire du jeu le plus étrange jamais vu ici, obtient le meilleur résultat de sa carrière en ne rendant les armes que le dernier jour contre le Français Henri Cochet. Ou plutôt son arme. Sa seule et unique : le coup droit.
Ce futur président de la Fédération Internationale de Tennis n’a en effet jamais joué le moindre revers, se tenant prêt à faire passer, tel un jongleur, sa raquette d’une main à l’autre pour ne frapper que des coups droits.
Pour l’anecdote, c’est aussi ici que De Stefani a vécu son pire cauchemar : lors d’une rencontre de Coupe Davis disputée à Roland-Garros en juillet 1930 face aux États-Unis, De Stefani avait laissé filer dix-huit balles de match (dont 16 dans le même jeu) contre Wilmer Allison. Record mondial.
Giuseppe Merlo : l’Italien qui fit scandale
Meilleur résultat : demi-finaliste en 1955 et 1956
"Il ne sait pas jouer au tennis" ; "C’est triste de voir gagner un joueur aussi incomplet " ; "Son jeu est une gifle à la tradition". Pourquoi ce poids plume au cordage totalement détendu fit polémique en 1955 ? Parce qu’en plus de jouer tout en caresse, il a été le premier demi-finaliste à jouer son revers à deux mains, ce qui à l’époque est considéré comme une faute de goût par les puristes.
Pire, comme une tricherie. Mais sa victoire en quarts de finale sur le favori numéro un, l'Américain Vic Seixas, en fait le chouchou du grand public. Ou l’incarnation de la ruse. Une sorte de tailleur de Grimm version tennis. "Dans la raquette de Merlo, les boulets adverses sont comme des galets tombant dans le filet d'un pêcheur", commenta le chanteur Henri Salvador, alors présent tous les jours.
Mais l’effet surprise de "Merlo l’enchanteur" n’a duré que trois saisons. Après une deuxième demi-finale en 1956 et un quart de finale en 1958, l’Italien est un peu tombé dans l’oubli. Mais s’inscrivait encore dans les qualifications, à 40 ans passés, au début des années 70.
Nicola Pietrangeli : l’Italien noceur
Meilleur résultat : vainqueur en 1959 et 1960
"Si je m’étais entraîné plus, j’aurais gagné plus. Mais je me serais amusé beaucoup moins !" Tout Nicola Pietrangeli (que l'on voit ci-dessous remettre le trophée à Rafael Nadal en 2010) est résumé dans cette phrase. La vie sur le circuit ressemblait à la "Dolce Vita", en somme, pour ce grand ami de l’acteur Marcello Mastroianni.
Sur le court, avec son tennis tout en finesse, il a triomphé deux fois à Roland-Garros (1959-1960) et disputé deux autres finales (1961-1964). En dehors du court, Pietrangeli a croqué la vie à pleines dents. Pour sa première finale, en 1959, il a fait son arrivée au stade en Buick cabriolet blanche conduite par la danseuse numéro un du Crazy Horse, nommée Miss Candida.
La veille, il était passé boire un coup –un soda dit-il- chez Régine, une amie. "J’y allais tous les soirs, j’ai eu peur qu’en n’y allant pas avant la finale, ça me porte la poisse."
En 1964, il est tellement acclamé par le public du Central après sa victoire sur le tenant du titre Roy Emerson qu’il doit revenir sur scène. "Je suis entré dans les vestiaires et Pierre Ostertag, le juge-arbitre, m’a dit de retourner sur le terrain. Je ne comprenais pas." En fait, les spectateurs tentaient un rappel. Et Pietrangeli est revenu saluer, sur scène, tel un acteur. Unique !
Adriano Panatta : l’Italien plongeur
Meilleur résultat : vainqueur en 1976
La star des stars italiennes. L'aventure parisienne d'Adriano Panatta se raconte comme on raconterait une histoire fantastique à des enfants, au coin du feu. En 1976, tout juste arrivé de Rome, où il s’est imposé après avoir sauvé onze balles de match au premier tour, il récidive à Paris en écartant cette fois "seulement" une balle de match, mais le point est "culte" et raconté ici.
Francesca Schiavone (1980) : l’Italienne au grand cœur
Meilleur résultat : vainqueur en 2010
Dernière gagnante à jouer son revers à une main, la Milanaise était un modèle de joueuse de terre, avec des frappes enroulées et un flair bien aiguisé dans le petit jeu et au filet.
Après neuf Roland-Garros passés à naviguer entre le premier tour et les quarts de finale, Francesca Schiavone a connu la gloire pour sa dixième, un peu à l’image d’un Andres Gomez chez les hommes en 1990. En 2010, Schiavone avait aussi à cœur de faire oublier sa désillusion de 2009, où pour la première fois, elle s’était inclinée d’entrée Porte d'Auteuil, face à l’Australienne Samantha Stosur, l’une ses amies sur le circuit.
Hasard des tableaux et du parcours de chacune, c’est cette même joueuse australienne qu’elle allait retrouver en finale un an plus tard. Et cette fois, l’Italienne allait l’emporter, maîtrisant bien mieux ses nerfs et se comportant en patronne sur le court. L’histoire retiendra donc que le 5 juin 2010, la signora Schiavone di Milano est devenue la première Italienne à remporter Roland-Garros et par-là même un titre du Grand Chelem. On entend encore résonner les cris et les sauts des journalistes italiens dans l’enclave de la tribune presse, d’ordinaire si calme. L'année d'après, Schiavone ne fut pas loin de doubler la mise, s'inclinant simplement en finale contre Na Li.