Comment le style tennis s'est-il construit à Roland-Garros?

Roland-Garros, le tennis et la mode : récit d'une grande histoire d'amour à travers le temps.

 - Elodie Iriart

Depuis la fin des années 1920, joueurs et spectateurs du tournoi de Roland-Garros donnent le ton sur les courts, dans les allées et les tribunes de la Porte d'Auteuil.

C'est dans le stade parisien, temple français de la terre battue, qu'est né le fameux crocodile de René Lacoste.



Là aussi que les premières jupes plissées se sont raccourcies. Au fil du temps et à travers les époques, les athlètes sont parvenus à faire rimer style vestimentaire et performances sportives.

Icône incontournable du style sport-chic, le tournoi de Roland Garros et l’univers du tennis en général continuent de tisser leur histoire d’amour avec la mode. Et de lancer des tendances

Extrait du catalogue de l'exposition

Vestiaire d'athlètes

Au fil du temps à Roland-Garros, le vestiaire des champions et des championnes de tennis subit de grands bouleversements et révolutions stylistiques. Les athlètes affirment leur influence et démocratisent la mode sur les courts. Dans les Années folles, la première révolution vestimentaire arrive avec Suzanne Lenglen, qui, avec le grand créateur français de haute couture Jean Patou, va lancer la tendance de la "silhouette sportive". Le "sportswear" est né !

La "Divine" participe à l'émancipation féminine sur la terre battue, avec elle, le corps se libère et la robe se raccourcit. Jupes plissées et turbans font leur apparition. Fin des années 1920, c'est au tour de René Lacoste de conjuguer confort, liberté de mouvement et élégance. Le Mousquetaire invente la chemise polo en petit piqué qui devient rapidement incontournable sur les courts et qui, plus de 90 ans plus tard, demeure l'icône du vestiaire sportif chic.

Début des années 1930, la mutation se poursuit côté messieurs. Henry "Bunny" Austin décide de mettre le pantalon au placard et impose le short sur les tournois. Côté dames, c'est dans les années 1950 qu'une autre rupture s'effectue sous l'impulsion de la joueuse italienne Lea Pericoli. Elle était habillée par Ted Tinling, le créateur britannique avant-gardiste qui provoqua un véritable raz-de-marée sur la planète tennis avec ses créations audacieuses en totale rupture avec les canons de l'époque.

Dans les années 1990, Andre Agassi fait exploser les convenances et bouleverse le style du tennisman classique avec son look grunge emblématique. De nos jours, Serena Williams bouscule les codes avec audace et continue de participer toujours un peu plus à libération du corps de la sportive.

Extrait du catalogue de l'exposition

Les équipementiers au service

Dans les années 1990, les baskets, sweat-shirts et autres survêtements quittent les courts de tennis et les stades pour gagner la rue. Le style "sportswear" atteint son apogée auprès du grand public et les grandes griffes de sport l'ont bien compris. Cette décennie marque l'avènement des équipementiers qui font rimer performances et fonctionnalités avec style et tendances.

Ce phénomène s'accentue encore dans les années 2000, là où le "sponsoring" devient un véritable enjeu pour les marques de sport. Les champions de tennis soignent leur apparence et n'hésitent plus à affirmer leur personnalité sur les courts.

Le supporter s'approprie désormais les essentiels de la panoplie de son joueur préféré au quotidien. En balade, en week-end ou au bureau, la tendance de "l'athleisure" s'impose et perdure.

Extrait du catalogue de l'exposition

Les joueurs créateurs

Dans les pas de René Lacoste, nombreux sont les joueurs qui ont tenté de suivre le mouvement et se sont essayé à la création de mode:

  • À la fin des années 1940, le joueur britannique Fred Perry, champion de Roland-Garros en 1935 et triple vainqueur de Wimbledon, se reconvertit dans le textile et lance sa propre griffe. La version anglaise du polo est née ! 
  • Dans les années 1960, le joueur Sergio Tacchini crée sa propre marque et révolutionne notamment les relations joueurs-équipementiers en sponsorisant de nombreux athlètes.
  • En 2007, Venus Williams lance sa première marque de vêtements de tennis puis en 2016, une nouvelle ligne lifestyle voit le jour.
  • En 2012, c'est la joueuse Danoise Caroline Wozniacki qui lance sa propre marque de lingerie.

Le court Central en mode défilé

Si le sport et le tennis ont permis l'avènement du sportswear et de l'athleisure dans le quotidien du public, le contraire se produit également. Les codes "preppy" du tennis -à savoir : jupe plissée, pull au large col V, bermuda et fines rayures etc.- ont quitté les stades pour descendre dans la rue.

Mais de nos jours, un autre phénomène se distingue : les joueurs et les joueuses s'emparent des codes et tendances des défilés de haute couture pour se mettre en avant sur les courts et revendiquer leur propre style. La mode est à ce titre, le moyen d'expression privilégié. À Roland-Garros, notamment, on teste, on ose, on revendique et on parade.

Chaque printemps à Paris, une autre mini "Fashion Week" se met en place, le court Central devient podium et les athlètes déambulent affublés de leur plus belle tenue conçue spécialement pour l'occasion par leur équipementiers.