Interview : Jessica Pegula, la régularité récompensée ?

Très constante, l’Américaine a réalisé un formidable parcours lors de l’édition 2022 de Roland-Garros, en simple comme en double. Qu'en sera-t-il en 2023 ?

Jessica Pegula / Roland-Garros 2022©Nicolas Gouhier / FFT
 - Alex Sharp

Tout le monde a déjà eu besoin de décompresser après une dure journée de travail.

C'est ce qu'a ressenti Jessica Pegula après sa défaite 6/3, 7/6 face à Iga Swiatek en quart de finale du dernier US Open, au terme d’un duel âprement disputé.

L’Américaine s’est malgré tout montrée souriante et a glissé quelques bons mots lors de la conférence de presse d’après-match, se délectant même d’une petite bière en guise de consolation. Une image qui a fait le tour du monde et à laquelle beaucoup ont pu s’identifier.

Toujours très lucide dans ses propos, la joueuse de 29 ans est connue pour ses réponses de qualité. Cette anecdote n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de ce qui fait sa popularité auprès des amateurs de tennis et des autres joueuses du circuit.

"J’ai toujours eu un humour caustique. Ce genre de situation révèle tout mon naturel a confié l’intéressée à Rolandgarros.com depuis Madrid. Je ne m’attendais pas à autant de réactions à ce moment-là. Les gens ont vu que les athlètes restent avant tout des êtres humains. J’aime me montrer telle que je suis, avec mon humour. C’est important d’exprimer sa personnalité, car c’est ce que recherchent les supporters. Je pense que c’est aussi plus simple d’être soi-même dans la vie et sur les réseaux sociaux".

Au-delà de son faible pour les croissants, la France et Roland-Garros gardent une place particulière dans le cœur de l’actuelle numéro 3 mondiale.

L’édition 2022 du Grand Chelem parisien a en effet marqué un tournant dans sa carrière, avec un quart de finale en simple et une finale en double aux côtés de sa compatriote Coco Gauff. Tirant parti de leurs bonnes performances tout au long de cette quinzaine, les deux Américaines ont parfaitement su gérer les deux compétitions.

"Je n'avais jamais atteint une finale en Majeur, que ce soit en simple ou en double. J’ai vécu un moment tout simplement magique. En plus, Coco a atteint la finale en simple", se remémore-t-elle.

"Bien que très éprouvantes pour nous deux, ces deux semaines se sont conclues sur une formidable finale, qui reste notre meilleur résultat en équipe, reprend-elle. C'était très sympa parce qu'après avoir réalisé un très beau tournoi sur le plan personnel, j’ai pu admirer le splendide parcours de ma partenaire jusqu’en finale. Cette édition a été très enrichissante pour nous deux".

Travailleuse hors pair, Jessica Pegula est parvenue à se faire une place au sein du Top 10 au cours des dernières saisons. En 2022, elle a décroché le titre le plus prestigieux de sa carrière à ce jour, à savoir un succès lors du tournoi WTA 1000 de Guadalajara, en plus de ses trois quarts de finale de Grand Chelem en simple.

Cette année, l’Américaine a déjà disputé trois demi-finales, un quart de finale lors de l’Open d’Australie et une finale perdue contre Iga Swiatek à Doha. Très de peu de joueuses peuvent se vanter d’une telle régularité en ce moment.

"Ma victoire à Guadalajara constitue une étape importante pour moi. En 2022, j’avais pour objectif de remporter un titre et il m’a fallu attendre la fin de l’année pour y parvenir. En 2023, tous les compteurs sont remis à zéro, affirme-t-elle. Mes objectifs restent à peu près les mêmes, c’est-à-dire gagner les matchs les uns après les autres tout en engrangeant de la confiance quant à mes capacités. Si je l’ai démontré l’année dernière, je pense que je peux faire encore mieux en 2023 avec un peu plus d’assurance dans les grands rendez-vous."

Lors de son sacre en octobre dernier, la native de Buffalo a dédié sa victoire à sa maman Kim, qu’elle estime pour son calme et sa sérénité.

Si les succès se sont enchaînés sur les courts, les choses étaient cependant bien différentes en dehors. En février, elle a publié un texte très personnel dans Player's Tribune, en révélant que sa mère avait frôlé la mort suite à une grave crise cardiaque fin juin, peu de temps avant Wimbledon.

Ce miracle a été un énorme soulagement pour la troisième joueuse mondiale, qui est parvenue à rester au sommet du tennis mondial tout en gérant une période familiale extrêmement difficile. "Je suis passée de 'Célébrons mon entrée dans le Top 10 mondial' à "Dois-je commencer à prévoir mon après-carrière beaucoup plus tôt que prévu ? Mon père et ma famille ont-ils besoin d'aide ? Peut-être que je devrais reprendre mes études et aller travailler', raconte-elle. J’ai 28 ans et j’ai toujours su gérer chaque situation qui se présentait devant moi. Mais cette fois-ci, ça faisait BEAUCOUP".

Grâce à son incroyable force mentale, l’Américaine a réussi à consolider sa place dans l’élite mondiale du tennis. Aujourd'hui, face à l’émergence d’un Big 3 au féminin, Pegula est bien déterminée à défendre ses chances lors des compétitions majeures.

"Nous voyons de nombreuses demi-finales et finales entre Iga, (Elena) Rybakina et (Aryna) Sabalenka, analyse la joueuse de 29 ans. Ces affrontements en fin de tournois sont un véritable régal pour les spectateurs. Cela prouve que les meilleures joueuses du monde répondent présentes. Mais en même temps, la grande diversité du circuit féminin fait qu’il peut toujours y avoir une surprise comme Petra (Kvitova), qui s’est imposée à Miami alors qu’elle n’avait pas remporté de tournoi WTA 1000 depuis un petit moment. Elle a ainsi prouvé qu’elle pouvait encore battre n’importe quelle joueuse. Cela illustre toute l’étendue du tennis féminin de haut niveau en termes d’âge et de classement. À chaque compétition, tout est possible".

Jessica Pegula / Roland-Garros 2022©Cédric Lecocq / FFT

Actuellement engagée à Madrid avant de se tourner vers Roland-Garros, Pegula veut aller encore plus loin cette année sur le court Philippe-Chatrier.

Avec cinq défaites et seulement deux victoires face à Swiatek, dont une en United Cup au mois de janvier, l’Américaine se passerait volontiers d’une rencontre avec la numéro 1 mondiale à Paris.

"Je veux évidemment faire mieux que l’année dernière, ce qui sera très difficile", lance la droitière. J’ai affronté Iga l’an passé. C’est certainement la meilleure sur terre battue dans ce tournoi. Si je pouvais ne pas croiser sa route en quarts, ce serait génial. Je vais devoir maintenir mon agressivité. Mon service et mon retour sont également très importants. Lorsque je parviens à me concentrer sur ces aspects, je livre généralement de bonnes prestations".

"Dans ces grands événements, je me concentre uniquement sur l’instant présent et j’essaie de faire le vide. Je vais peut-être devoir prendre plus de risques et avoir davantage confiance en moi", conclut Pegula.