US Open : Alcaraz – Ruud, la couronne et le trône

Une double récompense immense

Au début du tournoi, il ne s’agissait que d’une lointaine possibilité. Les éliminations en huitièmes de finale de Daniil Medvedev et Rafael Nadal ont donné du poids à l’hypothèse. Carlos Alcaraz et Casper Ruud l’ont transformé en réalité. Ce soir, l’un de ces deux jeunes joueurs ouvrira son compteur en Majeur et deviendra n°1 mondial. Si c’est le Murcien, il sera le plus jeune de l’histoire. Si c’est son adversaire, il sera le premier Norvégien à s’asseoir sur le trône. "Je pense que le plus juste serait que nous atteignions tous les deux la finale et que celui qui gagne devienne numéro un mondial. Ce serait la situation idéale". Le vœu du finaliste de Roland-Garros a donc été exaucé.

Un graal pour deux joueurs qui n’ont eu de cesse de repousser leurs limites ces derniers mois. Révélé au grand jour ici même l’an passé, le Murcien a depuis changé de dimension.

Saupoudrés de victoires écrasantes, ses titres à Miami et Madrid l’ont propulsé au rang de futur monstre du circuit et potentiel vainqueur de Majeur. Si une incertitude planait quant à sa capacité à se transcender lors des rencontres en cinq sets, il l’a littéralement balayée durant cette quinzaine. "Je dirais que je suis mieux préparé. L’an dernier, j’avais juste disputé trois Grands Chelems dans ma carrière avant l’US Open et un seul match en cinq sets a-t-il analysé. Aujourd’hui, je suis plus fort physiquement et mentalement. Ça a été 12 mois de préparation intense en salle et sur les courts". Son talent et sa rage de vaincre n’attendent pas et le retrouver en finale de cet US Open n’est en rien une surprise.

Qu’on ne s’y trompe pas, la présence du Norvégien à ce stade de la compétition ne constitue pas non plus un séisme, même si ses ambitions étaient plus mesurées au moment d’aborder l’exercice 2022. "L'an dernier, mes résultats en Grand Chelem ont été décevants. Tout se passait bien ailleurs, j'étais presque toujours en quarts, en demies et même mieux puisque j'ai gagné cinq tournois. Mais dans les Majeurs, je n’arrivais pas à être aussi performant que je le souhaitais, a-t-il expliqué en conférence de presse après sa demi-finale. Par rapport à mon classement, viser un quart de finale me semblait raisonnable".

Confortablement installé dans le top 10 depuis octobre dernier et vainqueur de trois nouveaux titres cette saison (Buenos Aires, Genève et Gstaad), il a surtout franchi un énorme cap en disputant la finale de Roland-Garros. Atteindre deux finales de Grand Chelem la même année n’est jamais anodin et s’il a évidemment une certaine appétence pour l’ocre, ses parcours à Miami et New York prouvent qu’il est loin d’être maladroit sur dur.

Deux styles, deux parcours

Pour accéder à cette dernière marche et s’offrir le droit de rêver, les deux hommes ont tous les deux brillé, à leur manière. Explosif, puissant et véloce, le protégé de Juan Carlos Ferrero (lui aussi devenu n°1 mondial en atteignant la finale ici en 2003) a une nouvelle fois fait étalage de ses frappes monumentales, de sa couverture de terrain exceptionnelle et de son toucher magique. Mais plus encore, c’est sa condition physique, sa rage et son amour du combat qui ont été mis en lumière tout au long de la quinzaine.

Après trois premiers tours de chauffe à sa portée, il a fait basculer cet opus 2022 dans l’irréel en livrant trois énormes batailles en cinq sets pour rallier la finale. Mention spéciale évidemment à son monument de tennis disputé face à Jannik Sinner en quarts de finale. "Dans ces matchs, vous devez donner tout ce que vous pouvez et vous battre sur chaque point comme si c’était le dernier. Ça n’a pas d’importance si vous devez vous battre pendant cinq ou six heures" a-t-il témoigné après une nouvelle sortie épique face à Frances Tiafoe dans le dernier carré.

A la furia espagnole, Casper Ruud répondra par son sang-froid, sa régularité et son côté clinique dans les moments importants. S’il n’est pas aussi spectaculaire que son futur adversaire, le Norvégien n’en reste pas moins un redoutable combattant, difficile à déborder. Son jeu complet et sa constance ont fait déjouer nombre de ses concurrents cette année. Et contrairement à sa réputation, il n’est pas non plus avare de rallyes intenses et de coups venus d’ailleurs.

Mais s’il a lui aussi connu les joies d’une joute en cinq sets face à Tommy Paul au troisième tour, ses victoires plus nettes contre Matteo Berrettini et Karen Khachanov lui confèrent une fraîcheur physique non négligeable à cet instant du tournoi. En effet, lors des trois derniers tours, il n’a passé que 8h56 sur les courts contre 13h28 pour son adversaire. Une différence énorme qui pourrait avoir un impact en cas de match à rallonge. Attention toutefois à l’excès de confiance, on ne le dira jamais assez mais physiquement, le prodige de Murcie ne vit pas sur la même planète que ses concurrents.

Avantage Alcaraz ou Ruud ?

Moins frais que le Norvégien, "Carlitos" partira toutefois avec un net avantage psychologique sur son adversaire, qu’il a battu lors de leurs deux précédentes confrontations. Si le quart de finale à Marbella sur terre battue en 2021 date d’une autre époque, la finale du Masters 1000 de Miami est encore dans toutes les têtes. Ce jour-là, il est entré dans la cour des grands et sa victoire 7/5, 6/4 n’a souffert d’aucune contestation face à un concurrent qu’il apprécie. "Je le connais très bien. Nous avons partagé quelques bons moments pendant les tournois. Je parle beaucoup avec lui dès que c’est possible, c’est un gars très sympa en dehors du terrain, a confié l’Espagnol. Je l’ai joué deux fois et je l’ai battu deux fois mais il joue vraiment bien et je sais que je vais devoir montrer le meilleur de moi-même".

En face, le Norvégien aura pour lui son expérience acquise lors de sa première finale de Grand Chelem à Roland-Garros. "Je pense que si je veux battre Carlos, je vais devoir être très précis et surtout essayer de le garder à distance sur le court, en trouvant une bonne profondeur. S’il avance, il peut tout faire avec la balle. Il est capable de décocher un coup gagnant mais comme il a un excellent toucher, il peut aussi faire de superbes amorties. Si je mets de la longueur dans mes frappes, ce sera plus difficile pour lui"

Au vu des enjeux et de la progression des deux hommes depuis leur précédent duel début avril, difficile de prédire l’issue de cette rencontre : "On joue pour le titre et pour la place de numéro un mondial. Bien sûr que nous ressentirons tous les deux beaucoup de nervosité. J’espère que ce sera un bon match et même s’il m’a battu deux fois, je vais chercher à prendre ma revanche".

Alors, hégémonie inattendue ou affirmation d’une domination annoncée ? Faites vos jeux…