Déjà sacrée à Roland-Garros cette année, Iga Swiatek a étendu son royaume en remportant l’US Open, le troisième Grand Chelem de sa carrière. Impériale en début de match, elle a ensuite résisté au retour de Ons Jabeur pour parachever son succès en deux manches (6/2, 7/6(5) en 1h51). A 21 ans, elle s’impose encore un peu plus comme la patronne incontestée du circuit féminin.
US Open – J13 : Swiatek étend son royaume
A 21 ans, la numéro un mondiale a dominé Ons Jabeur pour s’offrir son premier US Open.
Une "1ga" retrouvée
Elle avait bel et bien gardé le meilleur pour la fin. Moins impressionnante que lors de ses précédentes épopées victorieuses en Majeur, Iga Swiatek a récité sa plus belle partition pour prendre l’ascendant sur sa future dauphine au classement. D’abord ultra-dominatrice comme aux plus belles heures de sa série de 37 victoires consécutives, la Polonaise a ensuite serré les dents et le jeu pour ne jamais courir après le score.
Si les approximations, les fautes et la tension ont dangereusement succédé aux gifles le long des lignes, sa capacité à faire les bons choix et à forcer son adversaire à toujours jouer un coup supplémentaire a fait la différence lorsque la machine à coups gagnants s’est légèrement grippée. "Je suis super fière de moi parce que ce n’était pas un match facile. Même si au début je dominais, je savais que ça allait être serré et que Ons allait profiter de toutes mes erreurs, a-t-elle confié en préambule de sa conférence de presse. Je ne voulais pas reculer lorsque c’était plus physique dans le deuxième set et je suis heureuse d’avoir eu de l’énergie pour finir et être précise dans les moments où j’en avais le plus besoin".
Une agréable sensation d’invincibilité retrouvée pour celle qui a désormais remporté ses dix dernières finales sans perdre le moindre set. Une statistique folle qui prouve à la fois son incroyable domination, sa capacité à faire fi de l’enjeu et son emprise psychologique sur ses concurrentes. "Quand je rentre sur le court, j’oublie tout, a-t-elle poursuivi. Je me concentre uniquement sur les choses qui vont me permettre de mieux jouer et de gagner des points. Je me suis rendu compte que dès que j’y arrive, le stress s’en va. Même si ce n’est pas facile, j’ai l’impression que sur le court je peux juste faire mon travail et ça me rend heureuse, ça efface tous les doutes".
Démonstration puis maîtrise
A New York comme ailleurs, ce grand rendez-vous a donc d’abord tourné à la démonstration, la Tunisienne ne trouvant aucune réponse à la précision chirurgicale, aux variations, à l’agressivité et aux frappes surpuissantes de la numéro un mondiale.
Menée 3-0 après seulement huit minutes de jeu, elle est parvenue à débreaker grâce à trois coups gagnants très inspirés. Un répit de courte durée face au rouleau compresseur adverse. Avec seulement sept petits points inscrits sur son service (20% derrière sa seconde balle !), Ons a pris l’eau dans cette première manche (6/2 en trente minutes) : "Elle a été très forte et a mis beaucoup de pression, a-t-elle expliqué en conférence de presse. J’ai essayé de rentrer dans le match mais elle trouvait constamment les lignes. Vous savez comment Iga joue en finale…".
Réclamée par des tribunes qui craignaient que le cavalier seul se poursuive, la réaction s’est fait attendre. Toujours dominée dans le combat et auteure de fautes inhabituelles, la finaliste de Wimbledon s’est de nouveau retrouvée menée 3-0 et a dû s’employer pour sauver trois balles de break et éviter un naufrage sans doute définitif. Un baroud d’honneur – pensait-on – qui a finalement fait office de déclic. Beaucoup plus entreprenante, elle a lâché ses coups pour grignoter son retard et semer le doute dans la tête de la Polonaise. La tension est évidemment montée d’un cran et les fautes se sont multipliées (30 pour Iga, 33 pour Ons sur l’ensemble de la rencontre) maintenant à flot le doux espoir d’un renversement inattendu.
Revenue à hauteur dans une manche qui semblait pourtant envolée quelques minutes plus tôt, la future n°2 mondiale s’est même offert deux opportunités de prendre les commandes dans un neuvième jeu à rallonge. Un instant de vérité au cours duquel Swiatek a fait preuve de sang-froid pour garder la main et forcer deux fois de suite son adversaire à servir pour rester dans le match. Fautive sur une balle de match obtenue à 6-5, elle a logiquement été poussée dans un tie-break où tout pouvait encore basculer.
"Je sais qu’il y aura bien d’autres finales à venir pour moi"
Un exercice dans lequel la championne excelle puisqu’elle avait jusqu’ici remporté 7 de ses 8 jeux décisifs cette année. Le huitième n’a pas dérogé à la règle et après une succession de fautes de part et d’autre, Jabeur a envoyé un dernier coup droit derrière la ligne de fond de court, sonnant l’arrêt du combat. "Dans le deuxième set, j’ai eu mes chances et elle a eu les siennes. Mais je ne faisais que revenir au score et c’était un peu difficile parce que j’aurais aimé pouvoir mener, enchaîner et construire sur cette avance. Elle n’a pas aussi bien joué et je sais qu’à certains moments j’aurais peut-être pu tenter ma chance. Mais pour être honnête, je n’ai rien à regretter parce que j’ai fait tout ce que je pouvais" a conclu la Tunisienne à propos du match.
Evidemment, cette deuxième défaite en finale de Grand Chelem n’enlève rien au superbe parcours et à la très belle saison de la "Ministre du Bonheur". La première joueuse arabe de l’histoire à atteindre ce stade de la compétition reviendra plus forte. "Gagner ou perdre fait partie du tennis. J’ai lutté pour gagner mon premier titre WTA, ça m’a pris du temps. Le plus important, c’est d’accepter et d’apprendre des finales perdues, a-t-elle analysé avec lucidité. Je ne suis pas quelqu’un qui abandonne, je suis sûre que je serai à nouveau en finale. Je vais faire de mon mieux pour essayer d’en gagner. Je suis certaine que je vais évoluer et je vais garder espoir. Je sais qu’il y a beaucoup d’autres finales à venir pour moi".
Swiatek, "sky is the limit"
Avec ce troisième titre en Majeur, le premier loin de la terre battue parisienne, Swiatek change encore de dimension. Peu importe l’adversité et les conditions de jeu, qu’elle soit attendue ou non, qu’elle domine outrageusement ou qu’elle n’évolue pas à son meilleur niveau, à la fin, c’est Iga qui gagne. "A Roland-Garros, j’ai toujours l’impression d’avoir plus de contrôle. Le court Philippe-Chatrier, c’est un peu chez moi, a souri la première gagnante de deux Grands Chelems lors de la même saison depuis Angélique Kerber en 2016. Sur le court Arthur Ashe, je dois encore m’habituer à l’atmosphère. Je n’étais pas sûre avant le match que ça puisse aussi devenir chez moi. Je ne sais pas si c’est plus fort que mon deuxième sacre Porte d’Auteuil parce que la pression était énorme là-bas et tout le monde s’attendait à ce que je gagne. Ici, j’ai réduit mes attentes et celles des gens. Donc mentalement, c’était plus difficile à Roland-Garros mais tennistiquement et physiquement, c’était plus dur ici".
Elle-même surprise par son exceptionnelle saison, la patronne du circuit semble sereine et sûre de sa force. Une mauvaise nouvelle pour ses rivales, toutes largement distancées au classement (elle compte plus du double de points d'avance sur sa dauphine) et qui assistent impuissantes à l’avènement d’une reine au mental d’acier et toujours en quête de progrès.
"Au début de la saison, j’ai réalisé que je pouvais obtenir des bons résultats dans les tournois WTA. Et puis je suis parvenue en demi-finale de l’Open d’Australie. Mais je n’étais pas sûre d’avoir le niveau pour gagner un autre Grand Chelem, surtout à l’US Open où la surface est si rapide, a-t-elle poursuivi en compagnie du trophée. Je ne m’y attendais pas, c’est sûr. C’est aussi une confirmation pour moi désormais : ‘sky is the limit’ ! Je suis fière, un peu surprise mais surtout très heureuse […] A l'avenir, je sais que j'ai encore beaucoup de choses à améliorer sur le court. C'est quelque chose qui me réjouit, car peut-être que ces matchs seront de plus en plus faciles à jouer".
A 21 ans seulement, l’avenir de la discipline est plus que jamais entre ses mains.