Au terme d’une rencontre absolument exceptionnelle par son scénario, son intensité et la qualité de jeu développée par les deux hommes, Carlos Alcaraz s’est qualifié pour sa première demi-finale en Grand Chelem en venant à bout de Jannik Sinner. Il y retrouvera Frances Tiafoe, qui a poursuivi son rêve américain en dominant Andrey Rublev. Dans le tableau féminin, Iga Swiatek et Aryna Sabalenka se disputeront un billet pour la finale.
US Open - J10 : le monument pour Alcaraz, le rêve américain pour Tiafoe
Au bout de la nuit new-yorkaise, Carlos Alcaraz a remporté le match de l’année face à Jannik Sinner.
Alcaraz – Sinner, un match d’anthologie
Monumental par son intensité, merveilleux par sa qualité, incroyable par son scénario et historique par son résultat… Difficile de ne pas être dithyrambique après le duel d’anthologie que se sont livrés Carlos Alcaraz et Jannik Sinner jusqu’au bout de la nuit. S’il y a toujours un joueur heureux et un autre meurtri au terme d’une telle confrontation, une chose est sûre : le tennis en sort grandi et son avenir s’annonce radieux, merci messieurs.
Présenté comme un futur "classique", le face-à-face entre l’Espagnol (19 ans) et l’Italien (21 ans) avait connu des précédents prometteurs, notamment à Wimbledon. Mais ce n’était rien à côté de ce quart de finale new-yorkais, dont le niveau de jeu et la dramaturgie le classent sans sourciller au sommet de la hiérarchie des matchs de l’année. A l’exception d’un premier set de bonne facture, tout le reste de la rencontre a été gigantesque. Un duel bestial où coups magiques et frappes monstrueuses se sont succédés presque sans interruption pendant 5h15, soit le deuxième match le plus long de l’histoire du tournoi après Edberg – Chang en 1992 (5h26). Oui, 5h15. Car même au bout du cinquième set, Alcaraz et Sinner ont continué de produire des rallyes hallucinants de puissance et de précision devant des tribunes clairsemées mais toujours bruyantes. D’ailleurs, cerise sur le très gros gâteau, ce combat a sans doute accouché du point le plus fou de la quinzaine.
Mais bien avant le dénouement, les deux joueurs ont fait basculer le match dans l’irréel, s’offrant tour à tour des opportunités de prendre le large, annihilées au mental et au talent. Le Murcien a d’abord eu cinq balles pour mener deux manches à rien avant de finalement craquer dans le jeu décisif. A 4-2 dans le troisième, il a encore vu Sinner recoller pour s’offrir un nouveau tie-break et finalement prendre les devants dans cette rencontre. Alcaraz aurait donc pu conclure beaucoup plus tôt et nous priver de ce sommet. Mais évidemment, les plus grands regrets seront pour le natif de San Candido, qui a obtenu une balle de match sur son service à 5-4 dans la quatrième manche. Le moment choisi par son vis-à-vis pour déclencher un nouvel ouragan et arracher le droit de disputer un cinquième set. Comment pouvait-il en être autrement ? "J’ai juste cru en moi, je retournais plutôt bien et je me suis dit que je pouvais revenir en faisant le break, a précisé Alcaraz en conférence de presse. Evidemment j’ai joué un excellent tennis mais je dirais que les choses ont également tourné en ma faveur".
Seuls les grands de ce sport peuvent se relever d’un tel scénario et Sinner l’a fait, en breakant le premier dans la manche décisive. Mais face à un challenger dans un état second, haranguant ce qui restait encore de foule et multipliant les regards rageurs envers son clan, il a craqué en cédant les quatre derniers jeux de ce monument (6/3, 6/7(7), 6/7(0), 7/5, 6/3).
Un succès historique arraché à 2h50 heure locale, record dans l’histoire du tournoi et qui lui ouvre la porte du dernier carré d’un Grand Chelem pour la première fois de sa carrière. Il est le plus jeune joueur à atteindre ce stade de la compétition en Majeur depuis Rafael Nadal à Roland-Garros 2005, et le plus jeune à Flushing Meadows depuis Pete Sampras en 1990. "C’est un sentiment incroyable d’être en demi-finale et encore plus ici. Ce tournoi est génial et l’énergie reçue sur le court à 3h du matin est insensée. Peut-être que dans d’autres tournois, les gens seraient rentrés chez eux pour se reposer. Ici, ils sont restés pour me soutenir. C’est incroyable de pouvoir être dans le dernier carré ici" a-t-il conclu, épuisé mais heureux.
Pour entrer encore davantage dans la légende et devenir le plus jeune joueur de l’histoire à devenir n°1 mondial, "Carlitos" a désormais rendez-vous avec Frances Tiafoe dont l’humoristique prophétie avant cette bataille épique s’est réalisée au-delà de ses espérances : "Ce sont deux très grands joueurs, j’espère juste qu’ils vont jouer un match marathon, vraiment très long pour que le vainqueur arrive très fatigué vendredi !".
Tiafoe a parfaitement digéré son exploit
Auteur de la plus belle victoire de sa carrière en huitièmes de finale face à Rafael Nadal, Frances Tiafoe a remis le couvert un peu plus tôt ce mercredi face à Andrey Rublev (7/6(3), 7/6(0), 6/4 en 2h36). En état de grâce, l’Américain a tout tenté et tout réussi ou presque dans une rencontre où il n’y a eu qu’un break, au 3e set après 2h20 de jeu ! Avant cela, les deux hommes avaient parfaitement tenu leurs engagements (18/18 sur les premières balles dans la deuxième manche pour Frances) jusqu’à des tie-breaks totalement dominés par "Big Foe".
Sa capacité à élever son niveau de jeu dans ces moments clés a nettement fait la différence à l’image de ses frappes, de son toucher de balle et de ses aces dans le deuxième jeu décisif glané sans perdre le moindre point. De quoi mettre une nouvelle fois ses supporters en transe, comblés de retrouver un des leurs en demi-finale de l’US Open pour la première fois depuis Andy Roddick en 2006. "J’aime tellement jouer devant une telle foule, a confié le vainqueur du jour devant la presse. J’ai l’impression que c’est pour ça qu’on s’entraîne dur : montrer au monde ce qu’on est capable de faire et ne pas être timide ou avoir peur. Je me sens bien quand les gens apprécient mes efforts et le niveau de jeu. Ça représente beaucoup pour moi de voir toutes ces personnes qui me supportent. Je veux juste continuer d’aller sur le terrain et essayer de donner au public ce qu’il veut : la victoire".
Un scénario assez rare, qui laisse évidemment un goût amer à son adversaire, défait pour la sixième fois en six quarts de finale de Majeur. Des regrets, de l’agacement, de la frustration et même des larmes en plein match pour le 11e joueur mondial, impuissant face à la réussite écœurante du natif de Hyattsville. Constant et monstrueux par phase, ce dernier a pleinement mérité de disputer sa première demie en Majeur où l’attend donc Carlos Alcaraz.
Swiatek et Sabalenka reprennent une demie !
Hommes et femmes confondus, Iga Swiatek sera bien la seule championne de Grand Chelem à disputer les demi-finales de cet US Open 2022. La numéro un mondiale s’est sortie du piège tendu par Jessica Pegula en deux petits sets et 1h53 (6/3, 7/6(4)). Si elle n’a pas outrageusement dominé comme elle a si bien su le faire cette saison, elle a profité des erreurs de l’Américaine sans doute rattrapée par la pression pour boucler la première manche malgré un break de retard.
Bien lancée, la Polonaise a déjoué à son tour dans un deuxième set extrêmement décousu et marqué par 10 breaks en 12 jeux ! En position de conclure sur son engagement à 5-4 et 6-5, la joueuse titrée à Roland-Garros a balbutié son tennis, commettant la bagatelle de 21 fautes directes dans ce set, 32 au total sur la rencontre. "Je suis désolée si le match était un peu ennuyeux" s’est-elle d'ailleurs excusée auprès du public.
Loin d’être impériale, elle a toutefois assuré l’essentiel en remportant un tie-break toujours dangereux et en s’évitant un match à rallonge. Surtout, ce succès étriqué lui offre un billet pour sa première demi-finale à l’US Open, la troisième en Grand Chelem cette saison. Même si elle ne brille pas, "1ga" est toujours là.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, elle retrouvera Aryna Sabalenka en demi-finale. Déjà présente dans le dernier carré en 2021, elle a assez aisément pris la mesure de Karolina Pliskova lors du match inaugural de ce mercredi. Bien aidée par la première manche catastrophique de la Tchèque – qui n’a pas réussi le moindre coup gagnant excepté un ace – la 6e joueuse mondiale s’est montrée agressive et très efficace sur sa mise en jeu pour faire la moitié du chemin en seulement 28 minutes (6/1). A l’image de ses quelques moues de mécontentement, Sabalenka ne semblait pas complètement satisfaite de cette domination pourtant totale.
Redoutable au service, toujours aussi puissante et juste dans ses choix (30 coups gagnants sur l’ensemble de la rencontre) elle a tenté de poursuivre son entreprise de démolition dans la deuxième manche. Face à une adversaire beaucoup plus consistante (enfin !) elle n’a pas perdu sa motivation et s’est montrée conquérante, à l’image de son tie-break maitrisé. S’il n’est pas toujours aisé de garder sa concentration contre une joueuse qui souffle le chaud et le froid, la Biélorusse y est parvenue pour conclure son quasi cavalier seul en 1h22 (6/1, 7/6(4)). Comme un symbole, c’est sur un coup droit massue (son 30e coup gagnant de la rencontre) qu’elle a converti sa deuxième balle de match.
Le programme de jeudi
Il faudra une nouvelle fois veiller tard - ou se lever très tôt, c'est selon - pour assister aux demi-finales dames de cette édition 2022. Programmées en session de soirée, les hostilités débuteront par le match le plus attendu entre Caroline Garcia et Ons Jabeur (à 1h du matin, heure française). Une rencontre qui sera suivie par un choc indécis entre la n°1 mondiale Iga Swiatek et Aryna Sabalenka, demi-finaliste malheureuse l'an passé.