ATP / WTA : Dans la cour des grands

Jack Draper a remporté le plus grand trophée de sa carrière dans le désert californien tandis que Mirra Andreeva a doublé la mise en WTA 1000.

Jack Draper, trophée / Masters 1000 Indian Wells 2025©Patrick T. Fallon / AFP
 - Marion Theissen

Ce dimanche a été rempli d’émotions pour Jack Draper et Mirra Andreeva. Si le premier n’avait encore jamais atteint ce stade de la compétition dans un tournoi de cette ampleur, la seconde semble inarrêtable après son premier titre à Dubaï il y a quelques semaines… Le tout, à moins de deux jours du début du tournoi de Miami où les yeux seront probablement rivés vers les nouvelles coqueluches du tennis mondial.

Un parcours sans encombre

Il y a un an très exactement, Jack Draper était le 37e joueur mondial au classement ATP et venait de perdre au premier tour du tournoi d’Indian Wells contre l’Australien Christopher O’Connell. 365 jours plus tard (à quelques jours près !), il a soulevé le trophée de la 50e édition du tournoi, après une finale brillamment remportée contre Holger Rune (6/2, 6/2). "L’année dernière, j’ai perdu ici et je ne m’y sentais pas très bien. Je n’étais pas à l’aise avec mon service, je n’avais pas l’impression d’être en contrôle de la balle et je n’ai pas réussi à rester dans le match mentalement, a-t-il confié avec le recul. Je savais qu’en venant ici cette année, ce serait un vrai défi." Qu’il a relevé avec brio !

Un mois après sa finale perdue à Doha contre Andrey Rublev, le n°1 britannique s’est offert dix jours d’excellence dans le désert californien, en s’imposant notamment contre plusieurs anciens vainqueurs de Masters 1000 et sérieux prétendants au sacre final : Taylor Fritz en huitièmes et Carlos Alcarazdouble tenant du titre – en demies. L’Espagnol aurait pu ajouter son nom à la très courte liste des joueurs à avoir réussi le triplé au "Tennis Paradise" aux côtés de Roger Federer et Novak Djokovic. Finalement, sa série de 16 victoires consécutives dans ce tournoi a pris fin contre un gaucher plein de surprises et particulièrement régulier au filet (6/1, 0/6, 6/4).

"Hier (samedi, après la demi-finale), c’était vraiment un grand moment pour moi. Je ne m’étais pas senti ainsi sur un court depuis très longtemps, j’ai eu l’impression que mon énergie était pompée par l’enjeu et les émotions du match. Jouer contre Carlos dans un tel environnement, c’est indescriptible, a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse. Mais ce troisième set a été énorme. Aujourd’hui (dimanche), je suis arrivé en sachant que mon ressenti pourrait être le même. Je me suis senti nerveux avant de jouer, mais ensuite, en entrant sur le court, j’étais bien, en contrôle, je savais ce que je devais faire. J’y suis allé et j’ai joué pour gagner."

Et c’est ce qu’il a fait contre le Danois, également vainqueur à ce niveau de la compétition – en 2022 lors du Rolex Paris Masters – dans une finale historique qui opposait pour la première fois deux joueurs nés dans les années 2000 (2001 et 2003). C’était aussi la première finale d’Indian Wells entre deux joueurs de moins de 23 ans depuis Nadal (22) et Murray (21) en 2009.

Avec cette victoire, Draper est devenu le 5e Britannique à gagner un Masters 1000. Il rejoint Andy Murray (Cincinnati, Madrid, Miami, Toronto, Shanghai, Rome, Paris), Tim Henman (Paris), Greg Rusedski (Paris) et Cameron Norrie (Indian Wells). "C’est incroyable de gagner ici. Je regarde le tournoi depuis que je suis tout petit, j’ai vu tous les plus grands jouer sur ces grands courts. Ça représente tant pour moi de faire partie des champions ici."

Pour sa première finale dans un tournoi de cette ampleur, il n’a pas tremblé. "J’ai beaucoup travaillé et je suis reconnaissant et heureux d’être ici, de pouvoir jouer, que mon corps suive et de me sentir bien dans mon esprit aussi. Tout le travail que j’ai fait depuis des années paie enfin, à une grande échelle, dans un grand tournoi, et je ne trouve pas les mots pour décrire ce que je ressens" a-t-il déclaré à l’ATP.

Et maintenant ?

En juin 2022, Jack Draper a fait son entrée dans le Top 100. Ce lundi, il entre dans le Top 10. Un objectif de longue date enfin accompli : "En tout honnêteté, j’ai l’impression que je le mérite, a avoué l’intéressé. J’ai fait face à beaucoup d’adversité, de sacrifices, j’ai passé beaucoup de temps avec mes proches à travailler pour ça. C’est très émouvant de savoir que je vais être n°7 demain (lundi 17 mars), après tout ce que j’ai traversé. Je ne peux pas décrire ce que ça représente pour moi".

Des efforts qui paient et sont de plus en plus visibles sur la scène internationale. En 2024, il a décroché son premier titre sur le circuit à Stuttgart, contre le double champion en titre, Matteo Berrettini. Quelques mois plus tard, il a atteint les demi-finales de l’US Open sans perdre le moindre set. Il devenait par la même occasion le premier Britannique à se hisser à ce niveau du tournoi depuis Andy Murray en 2012. Cette année, il a disputé trois tournois seulement mais déjà marqué de son talent chacun d’entre deux. Malgré un abandon en huitièmes de finale à l’Open d’Australie, on se souvient parfaitement de ses duels très accrochés en cinq sets contre les locaux Thanasi Kokkinakis et Aleksandar Vukic. À Doha, il a su batailler pour se hisser jusqu’en finale. À Indian Wells, le gaucher a prouvé qu’il pouvait largement rivaliser avec les meilleurs joueurs de la planète. Pour y parvenir, il a su faire preuve d’une abnégation sans commune mesure, grâce à une routine bien ancrée dans son quotidien : "Je m’entraîne, je mange, je joue au Monopoly Deal, je me prépare pour mon match, je donne tout sur le court. Si je gagne tant mieux, sinon, je recommence à travailler le jour suivant, a-t-il détaillé après son sacre américain. Avec mon coach, on essaie vraiment de se lever le matin et d’aborder tout ce que l’on fait de manière très structurée et régulière, afin qu’il n’y ait pas trop de mauvais jours. Ainsi, quand je suis dans une "mauvaise journée", mon niveau est quand même assez élevé. Je sais qu’il y a encore beaucoup de chemin devant moi, je suis très ambitieux. Je ne veux pas m’arrêter là, je veux aller encore plus loin". Direction la Floride à présent pour tenter de briller sur la côte Est cette fois-ci.

Jack Draper, finale / Masters 1000 Indian Wells 2025©Patrick T. Fallon / AFP

Au rang des plus grandes

Son nom est désormais ajouté dans une liste qui regroupe les plus grandes joueuses de l’histoire de la discipline. En quelques semaines, Mirra Andreeva a fini de convaincre ceux qui ne l’étaient pas encore – si tant est qu’ils existaient. "Elle est devenue la plus jeune joueuse de l’histoire à… " Vous êtes prêts ? La liste des nouveaux records, exploits et prestations majuscules réalisées par la jeune prodige au pied des montagnes de Santa Rosa est vertigineuse. En s’imposant en finale du WTA 1000 d’Indian Wells, l’adolescente a marqué l’histoire de sa discipline. Elle est devenue la plus jeune joueuse à gagner 12 matchs de suite dans un tournoi de cette envergure dans l’histoire du circuit WTA. Elle est aussi la plus jeune à entrer dans le Top 10 depuis 2007. Elle est enfin la cinquième joueuse à avoir disputé la finale de ce tournoi avant ses 18 ans. Les autres qui y sont parvenues sont toutes devenues n°1 mondiales et gagnantes de Grand Chelem : Kim Clijsters en 2001, Monica Seles en 1991, Martina Hingis en 1998 et Serena Williams en 1999. Rien que cela !

La jeune Andreeva, de 17 ans, fait partie des plus grandes. Pour cela, elle s’est hissée de manière brillante jusqu’en finale. Coïncidence fortuite : à partir du troisième tour, elle a eu les mêmes adversaires que Madison Keys qui a remporté quelques semaines plus tôt le premier Grand Chelem de sa carrière (Elena Rybakina en huitièmes de finale, Elina Svitolina en quarts de finale, Iga Swiatek en demi-finales et Aryna Sabalenka sur la dernière marche). Une deuxième victoire en moins d’un mois contre la Polonaise, double championne dans ce prestigieux désert américain. Grâce à ce nouveau succès, elle est devenue la plus jeune joueuse depuis Kim Clijsters en 2001 à atteindre la finale.

Pour sa dernière rencontre de la compétition, elle a retrouvé Aryna Sabalenka pour une rencontre qui a désormais des airs de "Classique". Les deux joueuses se sont déjà affrontées à trois reprises en 2025. Et si c’est la n°1 mondiale qui mène largement dans leur face-à-face, la jeune championne a largement su prendre sa revanche après les revers de Brisbane et de l’Open d’Australie. "Les matchs qu’on a joués cette année n’ont pas vraiment été dans mon sens. Surtout celui de Melbourne, on peut dire qu’elle m’a presque tuée ! Je vais essayer de prendre ma revanche parce que je n’ai rien à perdre et j’ai l’impression que le match peut être très distrayant, il va y avoir tout un tas de points gagnants et de beaux points je pense" avait déclaré l’intéressée avant la rencontre. La protégée de Conchita Martinez ne s’est pas laissée surprendre par cette deuxième finale consécutive en WTA 1000. Elle n’a pas tremblé face à la joueuse qui a disputé le plus de finales sur le circuit depuis janvier 2024. Elle n’a rien lâché lorsque cette dernière est revenue à un set partout, à une manche de décrocher le trophée à l’Indian Wells Tennis Garden pour la première fois de sa carrière. Contre Aryna Sabalenka, Mirra Andreeva a usé de toute la panoplie de son jeu pour contrer la puissance de son adversaire et s’adjuger une douzième victoire consécutive après avoir remporté le tournoi de Dubaï quelques semaines plus tôt (2/6, 6/3, 6/4). Le mois dernier, Andreeva est devenue la plus jeune joueuse à remporter un WTA 1000 depuis la création de ce format. Elle est désormais la plus jeune joueuse des 40 dernières années à battre les n°1 et n°2 mondiale dans un tournoi avant ses 18 ans. Elle est à présent la plus jeune championne à soulever ce trophée depuis Bianca Andreescu en 2019. La liste s’allonge, on vous avait prévenus !

"Ma coach a perdu ici en finale, donc je vais essayer de faire mieux qu’elle". Objectif réussi ! 29 ans plus tard, c’est dans le box de sa joueuse que Conchita Martinez a remporté le tournoi d’Indian Wells. Si les deux femmes travaillent ensemble depuis près d’un an (avril 2024), elles semblent s’entendre à merveille et parvenir à atteindre les sommets l’une avec l’autre.

Elles ont même des trajectoires plutôt similaires : Martinez est devenue joueuse professionnelle à 16 ans, en 1988 et a atteint les huitièmes de finales à Roland-Garros lors de son quatrième tournoi seulement. De son côté, Andreeva avait 15 ans lors sa première grosse performance, à Madrid en 2023. En 1994, l’Espagnole a remporté le tournoi de Wimbledon, on attend donc impatiemment la prochaine levée du Grand Chelem pour suivre la performance de sa protégée. "Bien sûr, mon expérience aide, a révélé cette dernière lors d’une interview accordée à la WTA. Je me rappelle de certaines choses, ce qui m’a aidée, ce qui n’a pas fonctionné et pourquoi. Je suis entrée très rapidement dans le Top 10 et elle y est aussi depuis que l’on a commencé ensemble. Maintenant, il faut juste y rester. Elle est rapide, mais il faut encore travailler sur les déplacements. Son coup droit aussi doit devenir une arme puissante. Son revers sera toujours là, mais à ce niveau, il faut gagner des points en coup droit aussi. Son service est solide, il s’améliore de plus en plus" détaille encore l’ancienne coach de Garbine Muguruza.

Après avoir réalisé un impressionnant "back-to-back", les deux femmes vont prendre la direction de Miami pour peut-être viser un triplé historique, avec le "Sunshine Double" en ligne de mire.

Mirra Andreeva, trophée / WTA 1000 Indian Wells 2025©Patrick T. Fallon / AFP