Le passif compliqué de Naomi Osaka sur terre battue n’est un secret pour personne. Néanmoins, l’ancienne n°1 mondiale a démarré sa saison avec un nouvel état d’esprit, bien décidée à se réconcilier avec la surface. Le mois dernier à Rouen, ses retrouvailles avec l’ocre après presque deux ans s’étaient soldées sur une défaite en deux sets dès le premier tour. Si elle avait employé un langage fleuri pour parler de cette déconvenue, elle s’est ravisée au fil de sa progression dans sa campagne sur terre.
Wim Fissette: "Naomi veut devenir la meilleure version d’elle-même"
L’entraîneur de la star japonaise salue l’implication de sa protégée pour parfaire son jeu, notamment sur terre battue.
"Je me suis juré de travailler chaque jour pour progresser"
"Je m’y fais de plus en plus, a-t-elle confié après le tournoi de Madrid. J’y trouve une beauté certaine. Je prends beaucoup exemple sur les spécialistes de cette surface. Je ne m’attends pas à jouer comme Iga, mais je veux simplement faire de mon mieux en me battant avec mes armes."
Et justement, la triple championne de Roland-Garros - et de loin la meilleure terrienne du circuit - se trouve être la prochaine adversaire d'Osaka Porte d'Auteuil. Pendant sa grossesse, la Japonaise d’origine haïtienne a beaucoup regardé la n°1 mondiale pour analyser son jeu sur la surface et s’en inspirer. Et ce n’est pas la seule corde que la Japonaise a ajoutée à son arc dans sa quête de retrouver la forme qui lui a valu de remporter quatre titres du Grand Chelem entre 2018 et 2021.
Cette dernière a en effet démarré la saison avec un nouveau préparateur physique, en la personne de Florian Zitzelsberger. Elle s’est également attaché les services de Simone Elliott - ancienne danseuse de ballet et épouse de Zitzelsberger -, en tant que coach de mobilité.
D’après l’entraîneur d’Osaka, Wim Fissette, sa protégée s’est nettement améliorée dans sa manière de bouger sur le court. Le Belge se dit même "très heureux" du processus entamé il y a cinq mois. "Cette idée vient de Flo, a confié l’intéressé à rolandgarros.com lors du WTA 1000 de Madrid. Simone a aidé d’autres joueuses du circuit, elle fait un travail remarquable. C’est un véritable atout de l’avoir dans notre équipe. Naomi a gagné en flexibilité et en amplitude de mouvement, ce qui lui permet d’aller chercher des balles plus loin. Il paraît que Novak Djokovic s’entoure aussi de ce genre de préparateurs. Le but est de travailler chaque partie de son corps ainsi que son jeu."
Naomi considère que Zitzelsberger et Elliott lui ont été d’une aide précieuse, pas seulement dans ses mouvements, mais également dans la prévention des blessures. Elle a le sentiment d’avoir fait un grand pas en avant à chaque match de chaque tournoi auquel elle a participé. Avant son entrée en lice à Madrid, la Japonaise avait disputé, et perdu, un set d’entraînement face à Daria Kasatkina.
"C’était catastrophique. Elle m’a écrasée pour l’emporter 6-1, se souvient Osaka. Après cette défaite, je me suis juré de travailler chaque jour pour progresser, et je pense que j’y suis parvenue. J’ai tant de choses à apprendre sur terre battue. Wim m’a dit que j’avais beaucoup de retard à rattraper, mais je suis très impatiente, alors j’espère y arriver rapidement."
Dès le tournoi suivant, à Rome, Osaka a pris sa revanche sur Kasatkina. L’ancienne n°1 mondiale est parvenue à remporter trois rencontres pour se hisser en huitièmes de finale, où elle s’est finalement inclinée contre Qinwen Zheng.
"Naomi fait attention au moindre détail"
Fissette reconnaît que sa joueuse a bien moins d’expérience sur terre que sur dur, surface où elle a le plus gagné au cours de sa carrière. Il s’efforce ainsi de tempérer les attentes de sa joueuse, tout en s’assurant qu’elle tire le meilleur de sa saison sur ocre, en saisissant chaque occasion d’apprendre.
"Ça fait longtemps qu’elle n’a pas joué sur terre, et encore plus longtemps qu’elle n’a pas connu de victoire majeure sur cette surface, donc il ne faut pas s’attendre à des miracles. On peut toujours espérer, mais il faut rester réaliste, a-t-il confié à Madrid. Il est important de passer du temps sur terre battue pour engranger de l’expérience. C’est une surface différente, qui nécessite des ajustements tactiques. Les déplacements sont différents, la balle va moins vite et rebondit davantage. Il faut adapter son jeu. Mais si l’on regarde les cinq dernières années, elle n’a pas passé beaucoup de temps ni joué beaucoup de matchs sur cette surface. Et ce que j’ai vu jusqu’à présent est très prometteur."
Ce qui a le plus impressionné Wim Fissette dans ce deuxième chapitre de la carrière de sa joueuse, c’est son implication dans le processus. "Jusqu’à maintenant, elle s’est vraiment donnée à fond dans ce qu’elle veut faire. Elle veut devenir la meilleure version d’elle-même et y consacre tout son temps et son énergie. Elle fait attention au moindre détail, donc je suis très satisfait", explique-t-il.
Contrairement à de nombreuses joueuses qui dénaturent leur tennis pour s’adapter à une surface, Osaka préfère trouver le bon équilibre entre ajustement et fidélité à son identité de jeu. "Je veux m’adapter, et c’est ce que j’essaie de faire. Mais il y a des éléments qui siéent à mon jeu et qui m’ont amenée là où j’en suis. Je ne veux pas me mettre du jour au lendemain à slicer tous mes coups, explique-t-elle. J’ai envie de rester fidèle à ce qui fait la base de mon jeu, mais je dois aussi respecter la surface. Je travaille dessus et je regarde beaucoup plus de matchs sur terre. J’essaie de faire mes devoirs du mieux possible."
Pour Fissette, cette campagne sur terre battue représente une formidable opportunité de développer le tennis d’Osaka pour en faire une joueuse plus complète. Plutôt que de considérer les saisons sur ocre et sur gazon comme des préparations à la campagne sur dur nord-américaine, il les voit comme une chance d’ajouter de nouveaux atouts à son jeu en vue de retrouver son meilleur niveau.
"Je pense que c’est exactement ce qu’il lui faut pour développer son jeu. Elle a déjà appris tant de choses qui pourront lui servir sur dur. Et sur gazon, ce sera la même chose, analyse-t-il. Pour les jeunes, jouer sur différentes surfaces est le meilleur moyen de se développer, car c’est en étant mis en difficulté que l’on doit trouver de nouvelles solutions et que l’on progresse."