Wimbledon 2022 : Bianca Andreescu reverdit

Près de trois ans après son sacre à l’US Open, Bianca Andreescu semble être enfin de retour.

Bianca Andreescu / Wimbledon 2021©Corinne Dubreuil / FFT
 - Romain Vinot

Digérer un titre du Grand Chelem n’est pas chose aisée. Bianca Andreescu, titrée à l’US Open 2019 l’a appris à ses dépens. Minée par les blessures et affectée psychologiquement par la crise sanitaire, la Canadienne de 22 ans retrouve progressivement ses sensations et le plaisir de jouer, à l’image de sa bonne saison sur gazon.

2019, l’année bénie

Replongeons-nous un instant en 2019. En mars à Indian Wells, une jeune Canadienne de 18 ans alors classée 60e mondiale bouleverse l’ordre établi pour s’offrir le titre. Un sacre inattendu qui lui promet des lendemains qui chantent même si une déchirure à l’épaule privera la terre et le gazon de son jeu inventif et agressif. Qu’à cela ne tienne, Bianca Andreescu attendra finalement la deuxième tournée américaine pour écrire la plus belle page de sa carrière. A Toronto d’abord, elle écarte Kiki Bertens et Karolina Pliskova (têtes de série 5 et 3) puis "profite" de l’abandon de Serena Williams en finale pour offrir au Canada un premier trophée en Rogers Cup depuis Faye Urban en 1969.

De quoi lui offrir le statut de favorite en puissance au coup d’envoi d’un US Open où elle semble là encore marcher sur l’eau jusqu’en finale. Elle y retrouve l’Américaine, en quête d’un 24e titre du Grand Chelem devant un public totalement acquis à sa cause. Nombreuses sont les joueuses qui auraient craqué sous la pression et l’enjeu mais cette adepte des séances de méditation avait visualisé cet instant depuis ses 16 ans et ne s’est pas laissée submerger par l’émotion. "Franchement, depuis ce jour-là (sa victoire à l’Orange Bowl), je l’ai visualisé pratiquement chaque jour. Que ce soit devenu réalité est juste complètement fou ! On dirait que ces visualisations fonctionnent très, très bien !" avait-elle confié au soir de sa victoire. Un événement aux allures de passation de pouvoir entre deux reines, pouvait-on alors légitimement penser. Mais les voies du tennis sont impénétrables.

©Corinne Dubreuil / FFT

Dans le dur physiquement et moralement

Après une année 2020 blanche – ou noire, c’est selon – en raison d’une blessure au genou gauche contractée lors du Masters et de la pandémie de Covid-19, Bianca Andreescu a effectué un retour plus que contrasté lors de l’exercice 2021. Si elle a certes disputé une finale à Miami (battue par Ashleigh Barty) et un huitième de finale à l’US Open (défaite contre Maria Sakkari), ses éliminations au deuxième tour à l’Open d’Australie et dès son entrée en lice à Roland-Garros et Wimbledon ont laissé planer un doute quant à sa condition physique et surtout morale.

Des interrogations fondées et confirmées par la joueuse elle-même sur ses réseaux sociaux lors de l’annonce de son forfait pour l’Open d’Australie 2022. "Les deux dernières années ont été très difficiles pour moi pour plusieurs raisons. Cette année surtout (2021), j'ai passé de nombreuses semaines en quarantaine, ce qui m'a beaucoup touchée à la fois mentalement et physiquement. De plus, ma grand-mère a été plusieurs semaines en soins intensifs à cause du Covid, ce qui m'a vraiment secouée. Il y a eu beaucoup de jours pendant lesquels je ne me sentais pas moi-même, surtout quand je m'entraînais et je jouais. J'avais l'impression de porter le monde sur mes épaules. Et je n'arrivais pas à faire abstraction de ce qui se passait en dehors du court" a-t-elle écrit sur son compte Twitter.

Un mal-être en écho à celui ressenti par Naomi Osaka et qui a poussé la jeune Canadienne à mettre sa carrière entre parenthèses pendant quelques semaines afin de revenir plus forte : "Je veux me donner plus de temps pour retrouver de la fraîcheur, mûrir (aussi cliché que cela puisse paraître), inspirer les autres en m'engageant dans des œuvres de charité, et travailler sur moi-même. Je sais qu'en faisant ça, je reviendrai plus forte. Par conséquent, je ne commencerai pas ma saison en Australie cette année, mais je vais prendre le temps de réfléchir, m'entraîner et me préparer à la saison 2022". Un temps de réflexion sain et dont elle semble désormais récolter les premiers fruits.

Nouveau statut et déclic sur gazon

S’il ne s’agit pas de sa surface préférentielle, son retour sur terre battue a laissé entrevoir des progrès dans sa capacité à dicter le jeu et enchaîner les rencontres. Si elle a finalement perdu son quart de finale face à l’invincible Swiatek à Rome, elle n’en reste pas moins la seule joueuse à avoir bousculé la numéro un mondiale au cours d’un premier set perdu au tie-break.

Mais c’est finalement sur gazon que la Canadienne a eu une révélation, lors de sa défaite au deuxième tour du tournoi de Berlin face à Karolina Pliskova. "Il y a eu un déclic dans mon jeu, a-t-elle confié lors d’un point presse retranscrit par le Journal de Montréal avant son entrée en lice à Wimbledon. J’ai commencé à laisser aller ma raquette et mes coups. Je jouais sans avoir peur. Le gazon peut t’aider à ce niveau par rapport aux autres surfaces car tu n’as pas le choix de frapper fort. C’est un aspect qui va m’aider pour la suite". Un renouveau confirmé à Bad Homburg, où elle est parvenue à se hisser en finale, prenant notamment le meilleur sur Martina Trevisan et Daria Kasatkina, pourtant tête de série n°1.

Une libération qui coïncide également avec son changement de statut au sein du circuit. Après deux années difficiles, la native de Mississauga n’est plus favorite lorsqu’elle entame un événement et ressent ainsi beaucoup moins de pression. "J’ai déjà accompli des choses, mais ce n’est rien si je me compare aux grandes joueuses. J’aime avoir cette philosophie lorsque j’entre sur le terrain. Ça me permet de jouer de façon plus détendue. J’aime ne pas être sous les projecteurs. L’an dernier, je me mettais beaucoup de pression sur les épaules en raison de mon rôle de favorite. Ça ne m’aidait pas du tout. Aujourd’hui, je me sens différente, plus affamée" a-t-elle poursuivi sur ce sujet.

Wimbledon, un beau challenge

Si elle n’a pas bénéficié d’un long temps de récupération entre sa finale perdue face à Caroline Garcia et son premier tour hier contre Emina Bektas, cela n’a pas empêché la désormais 56e joueuse mondiale de décrocher sa première victoire dans le tableau principal à Wimbledon. Un succès facile (6/1, 6/3 en 55 minutes) qui confirme que physiquement et moralement, le baromètre est au beau fixe. "Je pense que je suis dans un très bon moment de ma vie en ce moment a-t-elle expliqué en conférence de presse d’après-match. J’essaie juste d’avoir un bon état d’esprit jour après jour, de m’améliorer et de continuer à apprendre. J’essaie de me réserver une heure chaque jour pour faire des choses que j’aime. Cela inclut l’apprentissage, parce que j’aime apprendre des choses différentes. C’est très important pour moi de garder ma routine et mes habitudes".

Bianca Andreescu / Roland-Garros 2022©Philippe Montigny / FFT

C’est désormais une joueuse d’un tout autre calibre qui l’attend au deuxième tour en la personne d’Elena Rybakina. Une adversaire dont Andreescu se méfie à juste titre mais une rencontre qu’elle aborde sereinement. "Je m’attends à un match un peu plus difficile, du point de vue des échanges et de la vitesse […] Je sais qu’elle se bat très bien donc je vais devoir être encore plus forte".

Rendez-vous ce jeudi pour concrétiser les (nouveaux) espoirs placés en elle.

Bonus : Bianca Andreescu dans vos oreilles

On ne peut pas conclure sans vous proposer d’écouter les créations de Bianca Andreescu, qui a confié reprendre la musique lors de cette conférence de presse : "J'aime regarder Netflix et j'aime aussi malheureusement aller sur Tiktok. Je peux me retrouver plus d'une heure à être sur l'application mais j’arrive mieux à contrôler ça. Et j'adore écouter de la musique, j'ai recommencé à faire des sons, ce que je n'avais pas fait depuis longtemps !".

A déguster sans modération :