Coché dans les agendas depuis le tirage au sort, le choc du troisième tour entre Nick Kyrgios et Stefanos Tsitsipas aura bien lieu ce samedi à Wimbledon. Une rencontre à l’issue incertaine entre deux joueurs aux ambitions affirmées et dont les récentes performances promettent des étincelles. Sortez les pop-corn.
Wimbledon 2022 : Tsitsipas - Kyrgios, blockbuster d’ambitieux
Stefanos Tsitsipas et Nick Kyrgios se retrouvent dès le troisième tour pour le premier gros choc de cette édition 2022.
Kyrgios, le joueur aux deux visages
Sur le papier, quand le 40e mondial affronte la tête de série n°4 au troisième tour d’un tournoi du Grand Chelem, il est affublé du costume d’outsider. Mais lorsqu’il s’agit de Nick Kyrgios – et particulièrement à Wimbledon – la donne est différente. Déjà parce que l’Australien n’a probablement pas le classement que son jeu mérite. Ensuite car chacun sait que derrière le personnage fantasque et spectaculaire se cache un joueur talentueux et pratiquement injouable dans un bon jour.
Filip Krajinovic peut d’ailleurs en témoigner. Finaliste au Queen’s et tête de série n°26, le Serbe a vu ses belles ambitions être violemment balayées par le natif de Canberra (6/2, 6/3, 6/1 en 1h25). Un récital parfaitement illustré par d’incroyables chiffres : 50 coups gagnants pour seulement 10 fautes directes, 24 aces, 9 points perdus sur sa mise en jeu et 93% de points gagnés derrière sa première balle.
Sérieux et concentré du début à la fin de la rencontre, Nick Kyrgios est entré sur le court avec la volonté de remettre les pendules à l’heure après un premier tour délicat contre Paul Jubb, ponctué de nombreux gestes d’humeur. Un niveau et cinq sets bien loin des récents standards du demi-finaliste à Stuttgart et Halle : "J’ai joué un très bon tennis ces derniers mois et j’ai été surpris de mon niveau il y a deux jours. Aujourd’hui j’étais dans la 'zone', mon langage corporel était super. Je voulais juste rappeler à tout le monde que je suis plutôt bon". Du Kyrgios dans le texte avant de préciser ses intentions. "J'ai coché ce tournoi dans mon calendrier et je me suis vraiment préparé. C'est ma meilleure chance de gagner un Grand Chelem" a-t-il conclu en bord de court, très applaudi par le public.
Preuve qu’il prend très au sérieux ce troisième Majeur de la saison, l’Australien a décidé de ne pas s’aligner en double avec son compatriote Thanasi Kokkinakis malgré leur titre à l’Open d’Australie, pour se concentrer sur le simple. La concentration, justement, sera vraisemblablement la clé du match face à Tsitsipas. Car si les qualités tennistiques (puissance, précision, déplacements) de l’Australien sont indéniables, ses facéties et ses écarts de comportement lui font régulièrement perdre de l’influx, au point parfois de sortir complètement de sa partie.
Des actions qui ne devraient pas être autant sujettes à discussion selon ce dernier, qui préférerait qu’on se concentre sur son tennis et ce qu’il est capable de faire sur un terrain. "Je voulais vraiment entrer sur le terrain aujourd’hui et rappeler à tout le monde que je suis capable de pratiquer un très bon tennis sans aucune distraction. Le public a apprécié le match, a-t-il poursuivi en conférence de presse avant de s’agacer d’une question sur son attitude lors du premier tour. Pourquoi vous me posez une question sur ce qu’il s’est passé il y a deux jours ? J’ai battu Krajinovic, vous ne voulez pas parler de comment j’ai joué aujourd’hui ?". Une performance de grande ampleur ce samedi pourrait lui permettre de définitivement recentrer le débat.
Tsitsipas, l’âme d’un jardinier
Lorsqu’on parle de discipline, d’entraînement et de travail, difficile de ne pas citer Stefanos Tsitsipas. A 23 ans et malgré un palmarès déjà bien garni (9 titres, une finale à Roland-Garros et trois demi-finales à l’Open d’Australie), le Grec est en recherche constante de progression et de perfection, peu importe les revers qu’il pourrait subir au cours de sa quête. "Je dirais que je suis fort mentalement. Il n’y a jamais vraiment de moment où je me dis que je ne veux pas m'entraîner. J'ai l'impression que ça arrive un peu plus souvent à d’autres joueurs. Si je tombe, je me relève toujours et je travaille dur, pour être encore plus fort" a-t-il analysé lors de sa conférence de presse post-victoire au deuxième tour.
Un état d’esprit et des efforts qui permettent enfin d’exprimer pleinement son potentiel sur gazon, une surface qui jusqu’ici semblait se refuser à lui. Il s’est présenté au All England Club avec un bilan de huit victoires pour deux défaites lors des tournois de préparation et surtout un titre, glané à Majorque le week-end dernier. "Les gens doutaient un peu de ma capacité à bien jouer sur gazon. Mais je n'ai jamais douté de moi. J'ai insisté sur le fait que je pouvais bien jouer sur herbe, qui reste une de mes surfaces préférées. J'étais assez confiant à ce sujet […] Je pense avoir prouvé que ce n’est pas une surface que je n’aime pas. J'aime jouer sur l'herbe, probablement plus que sur la terre battue" a-t-il rappelé après son sacre. Des doutes fondés notamment sur ses deux éliminations très précoces au premier tour de Wimbledon 2019 face à Thomas Fabbiano puis contre Frances Tiafoe en trois sets secs en 2021.
Ses progrès affichés en préparation, le 5e joueur mondial les a confirmés lors de ses deux premiers tours face au qualifié Alexander Ritschard puis contre Jordan Thompson. Et si une légère baisse de régime lui a coûté un set face au Suisse, sa réaction pour conclure en beauté son entrée en lice puis sa constance et la qualité de son jeu face à l’Australien lui ont permis d’accéder au troisième tour, pour la deuxième fois seulement de sa carrière. Une confiance nouvelle qui pourrait compenser son bilan défavorable et son déficit d’expérience sur herbe face à son futur vis-à-vis.
Des précédents spectaculaires entre sourires et tension
Au-delà de la forme actuelle affichée par les deux hommes, leur historique commun fait également saliver. Au petit jeu des confrontations directes, l’avantage revient à Nick Kyrgios. Il mène en effet 3-1 et reste sur un succès renversant lors de leur seul duel sur herbe à Halle il y a deux semaines (5/7, 6/2, 6/4). "Nick a plus d’expérience que moi sur ces courts. Il aime le gazon et je pense que son jeu est adapté à cette surface. Je suis vraiment ravi de l’affronter, je respecte beaucoup ce qu’il essaie de faire sur le terrain. Même s’il a eu une attitude controversée par le passé, je pense qu’il joue un très bon tennis. Je vais essayer de me concentrer sur ce que j’ai à faire et de faire attention à mon propre jeu du début à la fin" a confié Tsitsipas en conférence de presse.
En dehors des courts, les deux joueurs ont souvent été complices, comme quand Stefanos a dévoilé le numéro personnel de Nick sur les réseaux sociaux pour son anniversaire. On se souvient également d’une scène cocasse à Washington, lorsque l’Australien avait déposé une nouvelle paire de chaussures aux pieds de son adversaire, emprunt à des problèmes de lacets.
Des échanges qui ont également porté sur le coaching pour lequel milite Tsitsipas, contrairement à Kyrgios. Si les discussions sont restées courtoises, ce sujet n’a pas manqué de créer quelques tensions entre les deux hommes en match, en raison des interactions entre le Grec et son père Apostolos.
Vous l’aurez compris, cette cinquième confrontation entre les deux hommes promet beaucoup en termes d’intensité, de niveau de jeu mais aussi de spectacle. Si l’issue du choc est bien difficile à prédire, une chose est sûre : ce rendez-vous est immanquable.