C’est parfois rassurant de constater que certaines choses ne changent pas. Au terme d’une semaine particulièrement émouvante pour les fans de tennis, les champions de l’Open d’Australie, de l’US Open et de Cincinnati se sont confortablement réinstallés sur leur petit nuage en remportant le titre le plus important de leur périple asiatique.
Une saison déjà exceptionnelle
Aryna Sabalenka et Jannik Sinner ont glané un nouveau succès majeur ce week-end.
Sinner, définitivement le meilleur
A l’heure où le légendaire Big 3 s’apprête à perdre un nouveau membre émérite à l’occasion des phases finales de la Coupe Davis (19-24 novembre), deux joueurs semblent bel et bien prêts à prendre la relève : Carlos Alcaraz et Jannik Sinner. Si le premier – vainqueur d’un nouveau duel mémorable il y a dix jours face à son grand rival – a été prématurément arrêté par un excellent Tomas Machac en quarts de finale du Masters 1000 de Shanghai, le second est une nouvelle fois reparti avec le trophée dans ses valises. Un scénario très favorable qui, au-delà de lui offrir un 7e titre en 2024, lui assure d’ores et déjà de terminer l’année sur le toit du monde.
Et le premier joueur sacré trois fois en Masters 1000 au cours d’un même exercice depuis un certain Rafael Nadal en 2008 sait qu’il a tout mis en œuvre pour devenir intouchable. "J’ai changé certaines choses, je sens que physiquement, je suis prêt à jouer plus longtemps et ce, au plus haut niveau, a-t-il confié à l’issue de sa 65e victoire de la saison (record personnel). Mentalement, je suis prêt à accepter les situations les plus difficiles sur le court et je pense que c’est mon plus grand pas en avant. J’essaie juste de rester le plus calme possible et de continuer à travailler dur. Peu importe si la semaine est bonne ou mauvaise, j’essaie simplement de m’améliorer chaque jour et d’être assez mature pour comprendre ce qui fonctionne. Je pense que ça a eu un grand impact cette année et j’espère que ça m’aidera également pour la suivante."
Depuis 10 mois, le n°1 mondial frôle l’excellence et son aventure dans la plus grande ville de Chine n’a pas fait exception. S’il a perdu un set lors de son deuxième match contre Tomas Martin Etcheverry, il s’est ensuite montré impérial face à Ben Shelton, Daniil Medvedev, Tomas Machac et surtout, Novak Djokovic. Une troisième victoire consécutive face au champion olympique (4-4 dans leur face-à-face) qui ne souffre aucune contestation, malgré un premier set très accroché au cours duquel les deux hommes se sont départagés au tie-break, leur spécialité (7/6(4), 6/3 en 1h37).
Statistiquement sur la même longueur d’onde que son vis-à-vis (76% de points gagnés derrière la première balle, 23 fautes directes, 29% de points gagnés au retour) Sinner a été plus entreprenant et en réussite pour faire la différence (22 coups gagnants contre seulement 12 pour Djokovic). Surtout, comme lors de leurs précédentes confrontations cette année, le patron du circuit n’a pas concédé la moindre balle de break face à son prestigieux prédécesseur ! "C’était un match très difficile et jouer contre Novak est toujours l’un des défis les plus difficiles à relever, a analysé le vainqueur. Je suis très content de la manière dont j’ai géré la situation. Il a très bien servi dans le premier set, je n’ai pas réussi à breaker mais j’ai disputé un très bon jeu décisif ce qui m’a donné confiance pour bien démarrer la deuxième manche. C’est difficile de vous dire quel est le secret pour gagner contre lui parce qu’il n’a aucune faiblesse. Il faut tout essayer et saisir la moindre opportunité qu’il vous donne mais il n’y en a pas beaucoup durant un match ! C’est une légende de notre sport donc je suis juste très heureux."
Si le "Djoker" devra donc attendre pour célébrer un 100e sacre en carrière, ce très beau parcours le rapproche sensiblement d’une qualification pour les finales ATP (à Turin, du 10 au 17 novembre). Heureux de retrouver son meilleur niveau, il a surtout tenu à encenser son adversaire à l’issue de la rencontre. "J’ai connu beaucoup de succès en Chine par le passé mais je n’avais pas joué ici depuis cinq ans. Ça m’avait manqué et je suis vraiment heureux d’avoir fait le voyage cette année. Je pense avoir joué un très bon tennis mais je tiens à féliciter Jannik, il a été trop bon, trop fort et trop rapide aujourd’hui. Ton année est incroyable, tu le mérites", a-t-il confié lors de la cérémonie de remise des trophées, avant de poursuivre les éloges en conférence de presse.
"Il est très agressif en fond de court, dès qu’il a une balle plus courte, il prend l’initiative. Il est très solide en coup droit, en revers, il ne commet pas beaucoup d’erreurs et retire du temps à son adversaire. C’est quelque chose qui me fait penser à moi tout au long de ma carrière, c’est ce que j’ai réussi à faire pendant de nombreuses années : jouer un tennis rapide et étouffer l’adversaire d’une certaine manière. Vous voulez que votre adversaire se sente toujours sous pression à cause de vos coups, votre vitesse, votre présence sur le court. C'est ce que Jannik fait et cette année, il a été très régulier. C'est vraiment, vraiment impressionnant."
Impressionnant, c’est sans doute le terme qui convient le mieux pour décrire la progression et la domination de l’Italien en 2024. Et la saison n’est pas finie…
Sabalenka, reine de Chine et bientôt du monde ?
Si elle n’est pas encore au sommet du tennis mondial, Aryna Sabalenka s’en approche à grandes enjambées. Championne en 2018 et 2019 à Wuhan, la dauphine d’Iga Swiatek – 69 points les séparent désormais au classement – s’est adjugée une troisième couronne consécutive (le tournoi n’a pas eu lieu pendant cinq ans), synonyme de 17e titre en carrière et de 5e sur le sol chinois, un record dans l’ère Open. Et l’adversité était grande pour celle qui a remporté les deux levées du Grand Chelem sur dur cette saison puisqu’après avoir éliminé la récente championne de Pékin Coco Gauff dans le dernier carré, elle a pris le meilleur sur Qinwen Zheng, bruyamment soutenue par 13 000 personnes qui rêvaient d’un sacre à domicile (6/3, 5/7, 6/3 en 2h40).
Une finale loin d’être de tout repos face à une joueuse qui n’avait jusqu’ici jamais réussi à prendre son engagement lors de leurs trois précédents duels. Menée d’un set et un break mais transcendée par le soutien de ses fans, la championne olympique a brillamment inversé la tendance dans la deuxième manche avant de tenter un ultime come-back dans le set final, passant de 0-3 à 2-3 pour relancer le suspense.
Un effort finalement vain face à la puissance et la détermination de la n°2 mondiale, qui ne s’est pas laissée dépasser par l’émotion et la frustration, pourtant visibles une bonne partie de la rencontre. "J’ai le sentiment d’avoir perdu un peu de concentration, je l’ai laissée revenir dans le match, a-t-elle analysé face aux journalistes. J’étais un peu frustrée et j’ai dû jouer un troisième set. Dans ces moments-là, les balles sont plus lourdes et il y a toujours plus d’émotions. Mais je ne dirais pas qu’elle a fait les choses différemment mais plutôt que j’ai dû un peu jouer contre moi-même. Je suis vraiment heureuse d’avoir pu tout mettre en place à la fin et d’avoir gagné."
Lors des 16 tournois disputés cette année, Aryna Sabalenka a remporté 54 victoires, 4 titres et joué 7 finales. Victorieuse de 24 de ses 27 derniers matchs, elle a également été couronnée lors de deux tournois WTA 1000 la même saison pour la première fois de sa carrière. Des résultats et des accomplissements qui lui permettent déjà de dominer le classement à la Race et qui pourraient bientôt la porter sur le toit de sa discipline.
Comme l’an passé, tout pourrait se jouer lors des finales WTA, à la différence près que cette fois, "Saba" se trouverait en position de détrôner sa grande rivale. "Oui, le classement est très serré en ce moment et c’est vraiment sympa d’assister à ça. C'est l'un de mes objectifs, mais je préfère me concentrer sur moi et continuer de travailler dur. Nous verrons après les finales si j'ai été assez bonne cette saison pour devenir n°1 mondiale" a-t-elle conclu.
Le rendez-vous est donc pris à Riyad du 2 au 9 novembre, événement auquel Zheng devrait également participer, devenant ainsi la première joueuse chinoise à se qualifier depuis Na Li en 2013.