Alors que la capitale chinoise continue de vibrer au rythme de l’avant-dernier WTA 1000 de la saison, les heureux spectateurs confortablement installés au Beijing Olympic Green Tennis Center ont assisté ce mercredi à un nouveau duel époustouflant entre les deux meilleurs joueurs du monde, Carlos Alcaraz et Jannik Sinner. La veille, c’est à Tokyo qu’Arthur Fils est allé au bout de lui-même pour remporter le deuxième ATP 500 de sa carrière. On en redemande !
ATP : Alcaraz et Fils, le show permanent
Programmées au cœur d’une intense tournée asiatique, les finales de Pékin et Tokyo ont tenu toutes leurs promesses.
Encore un épique "Sincaraz" !
Intenses, spectaculaires et très souvent indécises : les batailles entre le n°1 mondial et son nouveau dauphin ne déçoivent jamais. "C'est toujours sympa quand on joue ensemble et j'ai l'impression que les fans aussi aiment ça, a expliqué Jannik Sinner après le match. En général, nos rencontres sont assez longues et très physiques, il y a beaucoup de renversements de situations... C'est toujours agréable. Je me sens privilégié et honoré de partager le court avec lui."
Et le 10e "classique" étoilé entre ces deux dignes descendants d’un Big 3 dont on a toujours du mal à parler au passé, restera sans doute comme l’un des immanquables de leur rivalité au sommet. Après 3h21 de puissance, de toucher, de tactique et de rallyes irrespirables, c’est une nouvelle fois le plus jeune des deux ovnis qui a triomphé 6/7(6), 6/4, 7/6(3). S’il mène 6-4 dans leur face-à-face, Carlos Alcaraz a surtout remporté leurs trois oppositions en 2024, s’affirmant définitivement comme le seul rempart à une outrageuse domination de l’Italien sur le circuit. Chacune de ses victoires a par ailleurs débouché sur un titre (il en compte désormais 16 en carrière, dont 4 uniquement cette année), à Indian Wells, Roland-Garros et donc Pékin.
Face à la précision chirurgicale et au sang-froid du récent vainqueur de l’US Open, l’élève de Juan Carlos Ferrero a répondu par des banderilles inatteignables, des montées parfaitement exécutées, de grands sourires et des poings levés très haut dans le ciel tokyoïte. Et il n’était aucunement nécessaire de lever les yeux pour apercevoir la foudre, c’est bien sur le terrain que le tonnerre a grondé, offrant un scénario hollywoodien à un public resté bouche-bée. Mené 5-2 dans la première manche, c’est d’abord Sinner qui a impressionné en recollant puis en s’adjugeant le jeu décisif. Sa solidité à toute épreuve a ensuite été quelque peu ébranlée par des passes d’armes dantesques et inenvisageables pour le commun des mortels. "Il aurait pu gagner en deux, moi aussi et il aurait aussi pu gagner en trois, c’était vraiment un match très serré, a analysé Carlitos. Une fois de plus, Jannik a montré qu’il était le meilleur joueur du monde pour moi. Le niveau auquel il joue est incroyable, c’est un tennis de très grande qualité. Physiquement, mentalement et techniquement, c’est une bête."
Une montée en puissance qui a permis au Murcien d’égaliser puis de s’échapper dans le set décisif. Un temps au bord du précipice, son ainé a écarté des balles de double break pour renverser une dernière fois la situation avant un ultime tie-break d’anthologie durant lequel le futur champion a aligné sept points de suite pour définitivement poser ses deux mains sur le trophée. Mais puisque parfois, une vidéo vaut mieux que mille mots, voici sans doute les 8min10 les mieux investies de votre journée tennistique :
Au-delà de lui permettre de préparer parfaitement le Masters 1000 de Shanghai – qui verra le retour à la compétition de Novak Djokovic, en quête d’un 100e titre ATP – ce succès permet surtout au n°2 mondial de mettre un terme à une bien mauvaise série (défaite au premier et au deuxième tours à Cincinnati et à l’US Open).
"C’est vraiment spécial pour moi de gagner ici et de soulever ce trophée devant mon équipe et une partie de ma famille, a confirmé le principal intéressé. C’est un grand moment et je pense que Juan Carlos était ému à la fin parce que nous savons tous ce qu’on a vécu ces deux derniers mois, c’était très difficile sur le terrain et en dehors. Grâce à mon équipe, j’ai retrouvé la motivation et la joie de jouer des matchs, de m’entraîner. Après la tournée américaine, j’étais un peu déprimé, je ne voulais plus toucher une raquette pendant un certain temps et je ne voulais plus voyager. Mais nous avons beaucoup parlé en sachant que je devais retourner à l'entraînement, être plus fort physiquement et mentalement pour surmonter ces problèmes. Nous avons travaillé très dur pour être en mesure de ressentir à nouveau ce sentiment dans ce genre de moments."
Régulièrement à son prime au printemps et en été, Carlos Alcaraz l’est désormais également en automne. Une bien mauvaise nouvelle pour ses futurs adversaires, Jannik Sinner compris.
Fils, la marque des champions
Et que dire du parcours incroyable du champion de l’ATP 500 de Tokyo, Arthur Fils ? Tombeur tour à tour de Taylor Fritz (n°1), Matteo Berrettini, Ben Shelton (n°8 et champion en titre) et Holger Rune (n°6), le joueur de 20 ans a parachevé son chef d’œuvre au terme d’une finale exceptionnelle face à Ugo Humbert (5/7, 7/6(6), 6/3 en 3h04), la première entre deux joueurs tricolores sur le circuit principal depuis celle du Messin face à Benoit Paire à Auckland en 2019 !
Coéquipiers en équipe de France de Coupe Davis, ils ont immédiatement posé les bases d’une rencontre spectaculaire et disputée. Sans solution face à son compatriote lors de leurs trois précédentes confrontations, le protégé de Sébastien Grosjean a mis tout ce qui lui restait d’énergie dans la bataille pour retourner une situation plus que compromise et ce, alors qu’il a bénéficié d’un temps mort médical à l’issue de la première manche. Les jambes raides et le souffle court, il ne semblait plus en mesure de faire l’essuie-glace sur sa ligne et a adapté sa stratégie pour écourter les échanges. Face à celui qui aurait pu devenir le premier joueur de l’histoire à remporter ses sept premières finales sur le circuit principal, Fils s’est même permis de sauver une balle de match dans le tie-break du deuxième set, et de quelle manière ! "Je pense que c’est le meilleur revers que j’ai frappé de toute la semaine, a confié l’heureux vainqueur à l’issue de la rencontre. Au tennis, tout peut basculer en une seconde, et c'est ce qui s'est passé."
De quoi être totalement revigoré au moment d’entamer la manche finale, au cours de laquelle ses slices et ses coups droits dévastateurs (38 coups gagnants contre 34 pour Ugo) ont retrouvé de leur superbe. Jamais frustré malgré une incroyable résistance adverse (2 balles de breaks converties sur 9) et constamment le point levé pour s’adjuger les faveurs de la foule, Arthur Fils a fait étalage de son caractère et de son talent dans ce dernier match d’une intensité folle. "Honnêtement, je ne sais pas comment j’ai réussi à renverser la vapeur, a-t-il poursuivi. A 5-5 dans le premier set, j’avais l’impression d’être mort et Ugo frappait des coups incroyables. Le premier set a été très serré, je me suis procuré beaucoup de balles de break mais je n’ai pas réussi à les concrétiser. C’est un grand champion et c’était très difficile […] Je suis donc très heureux mais j’aurais tout aussi bien pu perdre aujourd’hui."
Déjà titré dans un tournoi de cette catégorie du côté d’Hambourg cette saison, le leader du classement Race Next Gen a une nouvelle fois marqué les esprits tout au long de la semaine. "Je suis très heureux du jeu que je produis. Je travaille beaucoup et j’essaie de construire mon tennis. Par rapport à Hambourg, c’est encore mieux. Je dois encore m’améliorer mais c’est vraiment bien" a-t-il conclu. Etape par étape, le joueur de l’Essonne construit sa réputation de futur grand champion.