Alors que New York n’avait connu jusqu’ici que de légers tremblements, c’est un véritable séisme qui a frappé la ville qui ne dort jamais ce jeudi soir. Plongé dans un cauchemar, Carlos Alcaraz n’est jamais parvenu à se réveiller et quitte prématurément – mais très logiquement – le dernier Grand Chelem de l’année. Une 4e journée qui a par ailleurs grandement redistribué les cartes pour les favoris des deux tableaux.
US Open 2024 – J4 : Alcaraz, l’onde de choc
Le champion de Roland-Garros et de Wimbledon a été éliminé dès le deuxième tour par un Botic van de Zandschulp des grands soirs.
L’immense choc du jour : en feu, "VDZ" croque "Carlitos"
Principal acteur de la plus grosse sensation de ce début de tournoi, Botic van de Zandschulp n’y croyait pas lui-même. "Je n’ai pas les mots, ça a été une incroyable soirée, la première de ma carrière sur le Court Arthur Ashe, a-t-il confié de prime abord avant d’être longuement interrogé sur ce magnifique accomplissement en conférence de presse. Après le gain du premier set, tu penses forcément qu’il peut revenir avec un niveau différent, parce que c’est l’un des meilleurs joueurs du monde. Idem dans le troisième, tu penses qu’il va inventer quelque chose de spécial. Mais j’ai su rester émotionnellement stable." Déjà très convaincant face à Denis Shapovalov au premier tour, le Néerlandais a livré un récital pour mettre fin à la série de 15 victoires consécutives de Carlos Alcaraz (6/1, 7/5, 6/4 en 2h19) en Grand Chelem. Un score aussi assourdissant que le scénario d’une rencontre au cours de laquelle le n°3 mondial n’est tout simplement jamais parvenu à trouver la clé.
Combatif sur tous les échanges et impressionnant défensivement pour forcer son adversaire à jouer des frappes supplémentaires (27 fautes directes dont 12 en coup droit), "VDZ" n’a pas non plus hésité à prendre le filet pour asphyxier le vice-champion olympique. "Jai très bien défendu et j’ai vu certaines statistiques : j’ai gagné un nombre de points incroyables au filet ! Mon entraîneur voulait que je sois un peu plus agressif et je pense que je l’ai très bien fait aujourd’hui" a poursuivi le héros du jour, qui a effectivement converti 28 de ses 35 montées au filet. Caractérisé par un sang-froid quasi légendaire, celui qui avait un temps songer à arrêter sa carrière à l’issue de Roland-Garros et qui est allé accumuler de la confiance en Challengers cet été, n’a jamais paniqué, même quand le Murcien a débreaké en début de deuxième manche puis pour recoller à 4-4 dans la troisième.
Une sérénité à toute épreuve mise en lumière par deux jeux blancs au service pour conclure ces deux derniers sets. "Bien sûr, j’étais un peu nerveux mais si vous voulez battre l’un de ses gars, vous devez être incroyablement calme et garder la tête froide, sinon ils en profiteront." Mission pleinement accomplie pour l’actuel 74e mondial, qui ne comptait jusqu’ici qu’une seule victoire pour dix défaites face à des membres du Top 5 et qui affrontera Jack Draper (n°25), solide vainqueur de Facundo Diaz Acosta (6/4, 6/2, 6/2 en 2h05), au troisième tour.
Pour Alcaraz en revanche, cette défaite (la 3e en quatre matchs) est évidemment un énorme coup d’arrêt. Demi-finaliste en 2023, celui qui espérait devenir le 3e joueur de l’ère Open à remporter les trois derniers tournois du Grand Chelem lors d'une même saison et qui n’avait plus perdu aussi précocement en Majeur depuis Wimbledon 2021 va devoir tirer les enseignements de cet échec précoce pour revenir encore plus fort. "J’étais bien sur certains points et très faibles sur d’autres, a-t-il tenté d’expliquer à l’issue de sa défaite. Dans ma tête, c’était un peu les montagnes russes. Je ne peux pas me comporter comme ça si je veux réaliser de grandes choses donc je dois m’améliorer, je dois continuer d’apprendre et tirer les leçons […] J’ai joué beaucoup de matchs ces derniers temps et j’ai fait une petite pause après les Jeux Olympiques. Ça m’a beaucoup aidé mais ce n’était probablement pas suffisant. Je suis arrivé ici avec moins d’énergie que je ne le pensais mais ce n’est pas une excuse."
Une route plus dégagée pour les n°1
Premier "gros" nom à pénétrer sur le court Arthur Ashe ce jeudi, Jannik Sinner ne s’y est pas éternisé et ne s’est surtout pas fait surprendre, au contraire de son grand rival dans cette moitié de tableau. En manque de rythme et de repères en début de match face à Mackenzie Mcdonald il y a deux jours, il s’est tout de suite montré puissant et clinique pour écœurer le prometteur Alex Michelsen (6/4, 6/0, 6/2 en 1h39). Impérial sur sa ligne de fond de court et particulièrement en réussite au retour (25/30 points gagnés sur la deuxième balle adverse), il a forcé le récent finaliste du tournoi ATP 250 de Winston-Salem à en faire plus et bien souvent, trop (7/21 au filet, 32 fautes directes).
Une 50e victoire cette saison (la 30e sur dur) qui lui ouvre les portes du troisième tour à Flushing Meadows pour la quatrième année consécutive. "Je suis très heureux que ça se soit bien passé, Alex est un adversaire très coriace, a confié le champion de l’Open d’Australie sur le court. "Nous avons joué l’un contre l’autre à Cincinnati il y a une semaine et je savais un peu à quoi m'attendre […] J’ai toujours aimé New York, c’est ici que j’ai disputé mon premier tableau principal en Grand Chelem, j’ai donc de très bons souvenirs et j’aime toujours jouer ici." Il a désormais rendez-vous avec Christopher O’Connell, tombeur de Mattia Bellucci en quatre manches, au sein d’une partie haute qui a donc perdu Carlos Alcaraz, mais aussi Hubert Hurkacz (n°7) et Sebastian Korda (n°26), tous deux diminués physiquement et surpris respectivement par Jordan Thompson et Tomas Machac.
Chez les dames, Iga Swiatek a également remis les pendules à l’heure face à la qualifiée Ena Shibahara (6/0, 6/1 en 1h05). La Japonaise de 26 ans - qui faisait ses grands débuts en simple en Majeur après avoir notamment rallié la finale du double à l’Open d’Australie 2023 – a vécu un calvaire dans un premier set de 23 minutes, durant lequel elle n’a marqué que sept petits points.
Très appliquée dans tous les compartiments du jeu (83% de points gagnés derrière sa première, 80% derrière sa deuxième, 13 coups gagnants pour 6 fautes directes) la championne de Roland-Garros n’a été challengée qu’en début de deuxième manche durant un jeu de 22 points et 8 égalités enfin remporté par la 217e mondiale. Le seul d’une rencontre totalement maîtrisée. "Globalement, je suis satisfaite de tout, a-t-elle analysé. J’ai été très solide et très proactive. Je me suis sentie beaucoup plus dans le rythme et moins tendue que lors de mon dernier match. Aujourd’hui, je voulais me concentrer sur moi-même et sur ce que je voulais faire sur le court, pas sur le score. Je voulais reproduire en match ce que je m’étais entrainée à faire la veille et essayer de rester dans la zone. Je veux continuer de jouer de la même manière."
Celle qui disputera son 19e troisième tour consécutif en Grand Chelem face à Anastasia Pavlyuchenkova (tombeuse de Elisabetta Cocciaretto) a également vu deux gros obstacles quitter la route qui pourrait la mener vers un 6e sacre (le 2e à l’US Open). En effet, la jeune prodige Mirra Andreeva (n°21), qui aurait pu l’attendre en huitièmes de finale, a été éliminée par Ashlyn Krueger (6/1, 6/4 en 1h04). Plus marquant encore, le forfait d’Elena Rybakina (voir ci-dessous) avec qui elle avait potentiellement rendez-vous dans le dernier carré…
L’autre info du jour : Rybakina forfait
Programmée en quatrième rotation sur le court 17, la rencontre entre Elena Rybakina (n°4) et Jessika Ponchet n’a pas eu lieu. Aux alentours de 16h à New York, le forfait de la demi-finaliste de Wimbledon a été officialisé par l’organisation du tournoi. Régulièrement importunée par des maladies ou des problèmes physiques, la Kazakhstanaise avait déjà dû se résoudre récemment à faire une croix sur les Jeux Olympiques et le WTA 1000 de Toronto. De retour sur les courts de Cincinnati, elle s’était inclinée dès son entrée en lice face à Leylah Fernandez. "Malheureusement, je dois renoncer à mon match d'aujourd'hui en raison de mes blessures, a-t-elle déclaré dans un communiqué. Je ne voulais pas terminer le dernier Grand Chelem de l'année de cette façon, mais je dois écouter mon corps et j'espère pouvoir boucler la saison en beauté. Je remercie tous les fans qui m'ont soutenue et qui continuent de le faire, et je souhaite bonne chance aux autres joueuses."
Une annonce qui propulse la dernière Française encore en lice au troisième tour d’un Majeur pour la première fois de sa carrière. Issue des qualifications, l’actuelle 143e mondiale affrontera Caroline Wozniacki pour une place en huitièmes de finale. L’ancienne numéro un mondiale a battu la Mexicaine Renata Zarazua (6/3, 6/3 en 1h49).
La stat’ du jour : Pegula impitoyable avec ses compatriotes
Dans cette partie haute du tableau féminin, il reste bien évidemment plusieurs sérieuses prétendantes, à commencer par Jessica Pegula. Si elle n’est encore jamais parvenue à briser le plafond de verre des quarts de finale en Grand Chelem (6 disputés), l’Américaine joue actuellement l’un des meilleurs tennis de sa vie, comme le prouvent son sacre à Toronto et sa finale à Cincinnati. Et ce jeudi, c’est la toujours très dangereuse Sofia Kenin qui en a fait les frais (7/6(4), 6/3 en 1h27). Il faut dire que "Jpeg" est absolument sans pitié avec ses compatriotes puisqu’elle affiche un impressionnant 11-0 en 2024 ! "Je savais que mon record était très bon, alors aujourd’hui je voulais ajouter un succès de plus, s’est-elle amusée sur le court. Je suppose que je suis juste très motivée contre les Américaines !"
Les déclas’ du jour : Medvedev & Osaka
Davantage perturbé par la grosse ambiance dans les tribunes du court Louis Armstrong que par Fabian Maroszan au deuxième tour (6/3, 6/2, 7/6(5) en 2h04), Daniil Medvedev a encore gratifié le public d’un discours dont lui-seul a le secret. "Je me suis senti comme dans un restaurant italien. Vous savez, la nourriture est excellente, l'arrière-goût est excellent, mais votre tête est comme ça (il mime une tête qui explose, ndlr). C’était tellement bruyant ! Pendant tout le match, je me suis dit : ‘Oh, essaie de te concentrer, essaie de te concentrer !’ C'était assez amusant."
Sur un nuage lors de son premier tour face à Jelena Ostapenko, Noami Osaka n’a pas réussi à rééditer cette excellente performance face à la finaliste de Roland-Garros 2023, Karolina Muchova (6/3, 7/6(5) en 1h34). Une défaite très douloureuse pour la championne japonaise : "C’est un peu dur parce que je prends ces défaites très à cœur. C’est une expression un peu dramatique mais j’ai l’impression que mon cœur se brise à chaque fois que je perds. Ça fait très mal mais j'essaie d'être plus mature, d'apprendre et d'en parler davantage."
La bizarrerie du jour : qualifiée après… trois points disputés !
La récupération ne sera pas trop difficile pour Jasmine Paolini (n°5) à l’issue de ce deuxième tour ! Son adversaire, la Tchèque Karolina Pliskova a été contrainte à l’abandon suite à une blessure à la cheville gauche survenue durant le troisième point du premier jeu de la rencontre. Après seulement six minutes de match, la finaliste de Roland-Garros et de Wimbledon s’est donc qualifiée pour le troisième tour à l’US Open pour la première fois de sa carrière.
"C’est tellement triste, j’espère que Karolina se rétablira très vite et qu’on la reverra rapidement sur les courts, a lancé l’Italienne à un public encore déconcerté. Nous sommes enfin au troisième tour ! Cette année a été un peu différente des précédentes et j'en suis très heureuse. Nous avons beaucoup travaillé avec mon entraîneur et mon préparateur physique et cela porte ses fruits sur le terrain. J'essaie juste d'en profiter et de ne pas me mettre trop de pression. J'apprécie simplement la place que j’occupe actuellement. C’est magnifique de jouer dans ce genre de stade contre des joueuses de haut niveau et j'en profite vraiment. C'est ce dont je rêvais quand j'étais enfant, c'est incroyable."