Dans l’ambiance assourdissante d’un court Arthur Ashe au toit fermé, les chouchous du public sont tombés sur deux joueurs affichant une forme étincelante. Comme il y a deux ans, ce sont bien Novak Djokovic et Daniil Medvedev qui se disputeront le dernier titre du Grand Chelem de la saison.
US Open J12 : Medvedev grandiose, Djokovic en mode avion
Le n°3 mondial a créé la sensation en éliminant le tenant du titre. Comme en 2021, il retrouvera Novak Djokovic en finale.
Medvedev s’adjuge un 12/10
Il le savait : pour battre le tenant du titre, il devait livrer une partition sans fausse note. Ce vendredi soir, Daniil Medvedev a renvoyé son fameux mémo "hard-court specialist" qui précise qu’en pleine possession de ses moyens, il est un formidable joueur de tennis capable de battre absolument n’importe qui. "J’avais dit avant le match que je devais jouer 11/10. Ce soir, j’ai joué 12/10, à l’exception du troisième set, a-t-il plaisanté sur le court. C’était la seule solution pour battre un joueur de 20 ans, qui a déjà gagné deux Majeurs et qui a été numéro un mondial pendant de nombreuses semaines. Ce qu’il fait est vraiment incroyable et pour gagner, il faut montrer la meilleure version de soi-même et c’est ce que j’ai réussi à faire."
En danger sur son engagement en début de partie (4 doubles fautes et 2 balles de break sauvées en deux jeux), le n°3 mondial a connu une impressionnante montée en régime pour se mettre à l’abri jusqu’au tie-break de la première manche. Un exercice mieux négocié pour prendre les commandes et signifier à son successeur au palmarès que cette rencontre n’allait en rien ressembler à ses parties de plaisir précédentes. Une impression totalement confirmée au cours d’un deuxième set survolé par "la pieuvre" dont les tentacules ont rarement semblé aussi grandes. Qu’il s’agisse des coups de canon ou des amorties, toutes les tentatives de Carlos Alcaraz sont inexorablement revenues dans les limites du terrain.
Mené deux manches à rien, le futur ex-n°1 mondial est allé prendre l’air dans l’espoir de revenir sur le court avec davantage de réussite. Et force est de constater que cette pause lui a fait beaucoup de bien. Le toit avait beau être fermé, une pluie de frappes puissantes, de coups spectaculaires, de montées au filet décisives et de célébrations le poing serré ont définitivement propulsé la rencontre vers les sommets. Inutile de préciser que le gain de cette 3e manche acquis sur sa troisième balle de set a fait trembler les murs jusqu’au fin fond du Queens.
La question d’un éventuel come-back grandiose du Murcien était alors sur toutes les lèvres. Une prouesse encore jamais réalisée par celui qui affiche un excellent bilan de 9-1 au meilleur des cinq sets (5-0 à Flushing Meadows). Mais trois nouvelles balles de break manquées à 1-1 et un interminable jeu de service alors qu’il était mené 3-2 ont soudainement refroidi l’atmosphère. Dans n’importe quelle position, Medvedev est de nouveau parvenu à répondre à toutes les attaques foudroyantes venues d’Espagne. Alcaraz a tout tenté (45 coups gagnants, 38 fautes directes, 54/70 au filet) mais n’est jamais parvenu à refaire son retard. Au terme d’un dernier jeu de service dantesque et dans un brouhaha indescriptible, c’est bien un immense Daniil Medvedev qui a pointé les doigts vers ses oreilles – sur sa 4e balle de match – sous les regards médusés de spectateurs encore sous le choc de l’élimination de leur champion.
Deux ans après son seul et unique succès en Grand Chelem, le joueur coaché par le Français Gilles Cervara aura donc de nouveau l’occasion de priver Novak Djokovic d’un accomplissement grandiose. "Le défi désormais, c’est de jouer contre quelqu’un qui a gagné 23 tournois du Grand Chelem alors que j’en n’ai qu’un seul à mon palmarès. Quand je l’ai battu, j’avais montré la meilleure version de moi-même. Je dois le refaire, il n’y a pas d’autre issue" a-t-il admis. On s’en frotte déjà les mains.
Djokovic raccroche au nez de Shelton
Comme souvent, rien ni personne ne pouvait écarter Novak Djokovic de sa glorieuse destinée ce vendredi. Ultra sollicité par les fans pour un autographe ou un selfie lorsqu’il passe du court d’entraînement au salon des joueurs, le triple vainqueur de l’US Open (2011, 2015 et 2018) a de nouveau joué "contre" le public, venu soutenir le prodige maison Ben Shelton. Mais peu importe l’ambiance, le talent de son adversaire, la différence d’âge ou les conditions de jeu : à la fin, c’est toujours le Djoker qui rafle la mise.
Dans le dernier carré d’un Grand Chelem pour la première fois de sa carrière, le champion NCAA 2022 n’avait rien à perdre face au maître de l’exercice (47 participations, record absolu). Sous le regard bienveillant et déterminé de son clan, il n’a pas été tétanisé par l’enjeu mais ses bonnes intentions se sont (trop) rapidement heurtées au mur dressé de l’autre côté du filet. Breaké dès son troisième engagement, il a couru après le score et les trois balles de set sauvées en fin de manche n’ont pas bouleversé l’ordre établi.
Impérial au retour et en défense, le futur numéro un mondial a laissé son adversaire faire le spectacle. Et comme tennis show et vendanges tardives font souvent bon ménage, il n’a eu qu’à se baisser pour ramasser le fruit de sa patience et de sa justesse. Et la récolte a été bonne comme le prouvent les statistiques globales de cette rencontre : Shelton a réussi 30 coups gagnants pour 43 fautes directes dont 5 doubles fautes.
La symphonie s’est poursuivie jusqu’à 4-2 dans le set final. Le moment choisi par l’Américain pour régler la mire, réussir ses deux premiers breaks, se procurer une balle de set sur le service adverse puis sauver une balle de match. Passablement agacé par quelques frappes manquées et par les célébrations démonstratives de son cadet, "Nole" a été contraint de disputer un tie-break. Mais si l’exercice peut s’avérer périlleux pour certains, c’est presque toujours une formalité pour lui.
Il s’impose finalement en trois manches (6/3, 6/2, 7/6(4) en 2h41), mettant ainsi un terme définitif à l’appel long courrier de la star locale. "C’est super d’avoir pu gagner en trois sets, a-t-il confié face aux journalistes. Tout allait très bien pour moi, je menais deux manches à rien et 4-2 dans le troisième. Mais la tendance s’est inversée. J’ai servi pour le match (à 6-5) mais j’ai de nouveau perdu le break et le rythme par la même occasion. La fin du match a été assez serrée et le public était très impliqué. Ce n’était pas facile de conclure mais je ne voulais surtout pas être embarqué dans une quatrième manche."
Interrogé sur le fait d’avoir reproduit la désormais fameuse célébration de son adversaire avant une poignée de mains assez froide, il a préféré botter en touche. "J’ai bien aimé la célébration de Ben pendant le tournoi, a-t-il souri. Je l’ai trouvée très originale et je l’ai copiée."
A 36 ans, celui qui aime à rappeler qu’il ne sait pas combien de temps il restera à son apogée s’est donc qualifié sans trembler pour sa 36e finale en Grand Chelem, la 10e à Flushing Meadows. Comme en 2015 et en 2021, il jouera ce dimanche sa 4e finale en Majeur de l’année. "Le fait est qu’à 36 ans, chaque finale de Grand Chelem peut être la dernière. J’accorde probablement plus d’importance à ces occasions et à la possibilité de gagner un nouveau Majeur qu’il y a 10 ans. A l’époque, j’avais encore plusieurs années devant moi. Je ne sais pas combien il m'en reste aujourd’hui et je ne sais pas combien de temps je vais réussir à me qualifier pour toutes les finales de l’année" a-t-il conclu.
Ce sera face à Daniil Medvedev, l’homme qui l’a privé du Grand Chelem calendaire il y a deux ans…