Recordman en la matière depuis le début de l'ère Open, Novak Djokovic a capitalisé sur sa science du tie-break pour remporter son troisième titre à Roland-Garros. "Nole" a réalisé un jeu décisif quasiment parfait pour prendre le dessus sur Casper Ruud en finale (7/6(1), 6/3, 7/5).
Novak Djokovic, boss du tie-break
Le jeu décisif remporté par Novak Djokovic en fin de première manche a propulsé le Serbe vers son 23e Grand Chelem.
Il a installé sa zone de confort là où le commun des mortels voit plutôt un secteur inhospitalier. Durant la quinzaine, Novak Djokovic a disputé six tie-breaks et les a tous remportés. Sa domination sans partage exercée au cours de ces jeux décisifs rend la performance encore plus effarante : 42 points gagnés sur 55 joués, le tout sans la moindre faute directe.
En finale, Casper Ruud a joué des coudes avec le Serbe jusqu’au jeu décisif de la première manche. Devant au score (4-2), le Norvégien a été débreaké mais est parvenu à emmener son vis-à-vis au tie-break. Mais s’il avait eu droit à quelques points gratuits en début de manche, le numéro 4 mondial a subi la loi "Djoko" dès l’instant où le prix des échanges a grimpé en flèche.
"Novak a haussé son niveau de jeu dans le tie-break, a-t-il confirmé en conférence de presse. Il a trop bien joué au début, il a pris de l’avance et je n’ai pas pu remonter." Effectivement, "Nole" a empoché les trois premiers points. Sur l’échange inaugural, Ruud a décoché un puissant coup droit croisé après 14 coups de raquette. "Je l’ai obligé à courir avec un coup droit croisé et il a renvoyé un superbe coup droit long de ligne tout près du fond du court, a décrit le natif d’Oslo. C’était trop fort."
Grignoteur de matière grise
C’est le premier mode activé par le Belgradois à l’occasion d’un jeu décisif : défendre quelques mètres derrière sa ligne, se ruer sur chaque balle, provoquer l’erreur adverse ou avancer à la moindre frappe trop légère de l'adversaire. "Soit il sort une défense monstrueuse, soit il frappe de magnifiques coups gagnants, a lâché le vaincu du jour. Il ne commet aucune erreur, il te force à surjouer ou il te punit avec un coup gagnant."
La deuxième phase ? Celle du passage à table. Le "Djoker" se transforme en grignoteur de matière grise et s’incruste dans l’esprit de sa proie. Même lorsqu’il est en difficulté, qu’il est obligé d’anticiper, il fait tapis et ressort les poches remplies de jetons. Sur le deuxième échange de ce fameux jeu décisif, Ruud a attiré Djokovic au filet après l’avoir transformé en essuie-glace. Le protégé de Goran Ivanisevic joue alors court croisé, mais le Norvégien a le terrain ouvert. Pourtant, alors que le numéro 3 mondial ne tente pas de fermer l’angle, le Scandinave joue sur lui. C’est à peine si "Nole" a eu besoin de bouger une oreille pour conclure d’une volée de revers.
"A chaque fois qu’un tie-break débute, je sais que j’ai peut-être un avantage mental et j’essaie de l’utiliser", avait souligné le spécialiste à l’issue de sa victoire contre Karen Khachanov en quarts de finale (4/6, 7/6(0), 6/2, 6/4). Justement, ce match avait illustré le tournant que pouvait représenter un jeu décisif. "Il y a eu quasiment deux matchs en un, avait assuré Djokovic. Les deux premiers sets sont les plus mauvais que j’ai joués dans ce tournoi. J'ai réussi à garder mes nerfs solides pendant le tie-break du deuxième set, c'était incroyable. J'ai joué de façon parfaite, ça m'a donné confiance. Je me suis plus lâché dans les balles. Je me suis senti plus à l'aise. Et j'ai vraiment bien joué au troisième set."
Le mur
En finale aussi, le jeu décisif l’a propulsé sur l’autoroute du succès, celle de son 23e Grand Chelem. Tout le contraire de Ruud, accrocheur en première manche mais débordé dès les trois premiers jeux du deuxième set. Le retour sur investissement est donc conséquent pour le Serbe. Raison de plus pour serrer le jeu dès qu’un set touche à sa fin. "Il ne lâchera jamais quel que soit le score, a observé Ruud. Surtout à, 4-4, 5-5, 6-6, c’est comme s’il se transformait en mur. Tu sais que tu vas devoir très bien jouer si tu veux gagner des points contre lui."
Le natif de Belgrade devient presque un joueur différent à mesure que la tension explose. "Il sait comment et quand hisser son niveau, complète Ruud. Il est intelligent. Il a joué tellement de matchs où il savait à quel moment hisser son niveau. Ca tombe mal pour moi, mais c’est très impressionnant." Au cours de sa carrière, "Nole" a bâti un ratio de 65,5% de tie-breaks remportés (308/470). Dans ce secteur, c’est lui le meilleur de l’ère Open, devant l’immense Roger Federer.
La formule secrète
La bouleversante finale de Wimbledon 2019 est d'ailleurs le parfait exemple de la domination du "Djoker" dans l’exercice. Face au Suisse, il avait gagné les deux jeux décisifs et le super tie-break pour s’imposer. A "Roland", il a capitalisé sur ce point fort pour construire son sacre. Seuls deux de ses matchs ont été disputés sans tie-break (contre Juan Pablo Varillas et Carlos Alcaraz) au cours de la quinzaine.
En 2023, son bilan annuel est très bon bon : 16 succès pour 3 revers en la matière. Les heureux élus : les Français Luca van Assche et Enzo Couacaud ainsi que l'Américain Sebastian Korda. S’ils avaient réussi l’exploit de le battre sur son terrain de jeu favori, ces trois-là avaient tout de même fini par s’incliner.
Des exceptions pour confirmer la règle. Djokovic a trouvé la formule secrète et il a dévoilé quelques ingrédients après son "tie-break presque parfait" face à Khachanov. "Pendant un tie-break, chaque point compte, a-t-il démarré. Tout peut se décider sur une balle. Je suis présent, je me concentre sur le point qui arrive et je ne pense qu'à ça, aux coups que je veux jouer contre l'adversaire. J'ai de la chance parce que pendant toute ma carrière, j'ai eu des résultats très positifs sur les tie-breaks. Mes adversaires le savent et je le sais aussi. Mentalement, je crois que ça joue en ma faveur."