Cette fois, elles ne sont plus que deux. Au terme de rencontres rocambolesques durant lesquelles joueuses et spectateurs sont passés par toutes les émotions, Aryna Sabalenka et Coco Gauff ont validé leur billet pour leur première finale new-yorkaise.
US Open J11 : Sabalenka miraculée, Gauff imperturbable
La future numéro un mondiale et la superstar américaine se retrouveront en finale ce samedi à Flushing Meadows.
Sabalenka, de l'enfer au paradis
Première joueuse à rallier le dernier carré des quatre tournois du Grand Chelem au cours d'une même année depuis Serena Williams en 2016, Aryna Sabalenka affichait toutefois une statistique moins flatteuse avant la rencontre. En six tentatives, cinq s’étaient révélées infructueuses, son seul succès lui offrant néanmoins une finale à Melbourne suivie du plus beau titre de sa carrière.
Avait-elle ce chiffre en tête au moment de pénétrer sur le court Arthur Ashe ? Possible, au vu d’une première manche où elle est complètement passée au travers (3 coups gagnants pour 12 fautes directes). Celle qui semblait voler sur le court depuis son premier tour a été balayée en 30 minutes par un ouragan nommé Madison Keys. Entreprenante et ultra réaliste (12 coups gagnants, 4/4 au filet), l’Américaine a mis au supplice son adversaire, sortie se changer et s’aérer l’esprit à la fin de ce calvaire (6/0). Une pause qui n’a pas tout de suite porté ses fruits, la faute sans doute à une finaliste de l’édition 2017 sur un petit nuage. Des retours puissants, des rallyes tenus et des coups imprenables distribués avec une facilité déconcertante : la favorite du public semblait avoir les armes pour s’offrir le scalp d’une troisième membre du top 10 d’affilée.
De nouveau breakée et au bord de la crise de nerfs, la future numéro un mondiale s’est agacée, a jeté des regards noirs à son clan avant de balancer sa raquette sur le bas-côté du court. Une attitude qui eu le mérite de la maintenir à flot, jusqu’à que son adversaire se retrouve en position de servir pour le gain du match. "C’était dingue, je me demandais vraiment ce que je pouvais faire, a-t-elle confié en conférence de presse. Elle jouait incroyablement bien, elle réussissait tout ce qu’elle tentait. Je me suis demandé si ça allait être comme ça tout le match. Je me suis dit qu’il fallait que je continue d’essayer des choses en espérant pouvoir inverser la tendance. Heureusement pour moi, comme par magie, j’ai pu renverser la vapeur."
Le moment choisi par Sabalenka pour retrouver sa justesse, sa puissance et instiller le doute dans l’esprit de toute l'assistance. En signant une série de 13 points sur 16, elle a fini par virer en tête dans une manche qu’elle aurait dû perdre. Le tie-break aux airs de formalité a bien confirmé que la tendance s’était inversée.
Un sentiment aussi bien visuel que chiffré puisque fautes et coups gagnants se sont nettement équilibrés entre les deux joueuses. Mais le match n’était pas gagné pour autant. Revenue des vestiaires avec un gros bandage à la cuisse gauche, Keys est repartie au combat, retrouvant une régularité qui l’avait fuie durant les jeux précédents. Pour ajouter encore un peu plus de folie et de dramaturgie, les breaks se sont échangés à la force des bras, aussi bien pour flirter avec les lignes que pour heurter le filet ou les couloirs. Au petit jeu du chat et de la souris, la native de Rock Island a fait un premier trou en menant 4-2 avant d’être débreakée puis d’obtenir une nouvelle opportunité pour mener 5-3. Le COME ON de Sabalenka après son superbe revers gagnant pour l’écarter résonne encore dans Flushing Meadows.
A son paroxysme, la tension n’est pas redescendue avant l’ultime tie-break de cette demie plus qu’indécise. Aux commandes (4-0), "Saba" a vu son adversaire grapiller pour revenir à 4-3, provoquant des mini-déflagrations à chaque point inscrit. Et puis, au moment de remporter le septième point habituellement décisif, un sourire a enfin irradié le visage de la tête de série n°2, qui en a même lâché sa raquette en regardant vers sa box. Trop tôt, bien sûr, puisque ces deux battantes étaient à la lutte dans un super tie-break. "Je pensais que j’avais gagné, c’était fou… Mais merci à mon équipe de m’avoir dit qu’il fallait que j’aille jusqu’à 10, a-t-elle plaisanté sur le terrain. Je suis contente d’avoir réussi à me reconcentrer pour boucler ce match."
Cette inattention aurait pu s’avérer cruelle mais elle rend cette victoire miraculeuse encore plus belle (0/6, 7/6(1), 7/6(5) en 2h32). Une lutte de tous les instants contre ses propres émotions, face à une adversaire redoutable et sous les yeux d'un public "hostile", qui lui ouvre les portes d'une deuxième finale en Grand Chelem, à 25 ans. Une très bonne répétition avant d'affronter la superstar locale Coco Gauff. "C'est une joueuse incroyable, qui joue extrêmement bien ici et qui est soutenue par tous les spectateurs. Mais je serai là, je vais me battre sur chaque point et donner le meilleur de moi-même [...] Bien sûr, j'aurais préféré affronter quelqu'un d'autre, pour que le public soit à 50 / 50. Mais ce match contre Madison va me servir. J'espère que certains spectateurs me soutiendront, juste un peu ou juste de temps en temps. S'il vous plaît, s'il vous plait... (rires)."
Gauff sur les traces de son idole
Finalistes malheureuses des deux dernières éditions de Roland-Garros, Coco Gauff et Karolina Muchova se retrouvaient sur le Central en ouverture de session de soirée. Lors de leur seule et unique confrontation il y a moins de trois semaines à Cincinnati, la teenager avait enfilé son costume de patronne pour soulever le plus beau trophée de sa carrière (6/3, 6/4). Un habit de lumière qu’elle a ressorti du placard dès le début de cette demi-finale. Casque vissé sur les oreilles et regard déterminé, elle a logiquement remporté un premier succès à l’applaudimètre. Un public qui ne lui a pourtant pas fait que des cadeaux…
Très bien entrée dans son match, la sixième joueuse mondiale a dégainé une frappe long de ligne imprenable puis un lob délicat pour inscrire le premier jeu blanc de la rencontre. Une arme également utilisée pour engranger un break, immédiatement confirmé. De l’autre côté du filet, la Tchèque paraissait alors empruntée et bien incapable de stopper l’hémorragie de fautes directes (17 dans le premier set). Mais à 5-1, alors que l’affaire paraissait entendue, elle a toutefois enchainé 12 points sur 15 et trois jeux consécutifs pour relancer la machine. Un renouveau immédiatement annihilé par son adversaire sur un break blanc afin de prendre les devants (6/4 en 43 minutes), dans une partie légèrement décousue.
Un faux rythme qui a connu son paroxysme quelques minutes plus tard, à 1-0 dans le deuxième set. Gênée par des revendications descendues tout droit des tribunes hautes du plus grand stade de tennis du monde, Coco Gauff a jeté un regard vers le ciel pour s’apercevoir que l’agitation gagnait les gradins. En raison de la présence de quatre militants venus défendre la cause écologique, la demi-finale a finalement été interrompue 49 minutes, le temps de réussir à évacuer une personne fixée à son siège et au sol de sa rangée. Dans l’incompréhension la plus totale, les deux joueuses ont donc passé près d’une heure à se faire manipuler dans une salle de warm-up ou à tenter de préserver ce qui leur restait encore de concentration.
Revenue avec de meilleures intentions que lors de sa première entrée sur le court, la 10e joueuse mondiale s’est accrochée en sauvant notamment une balle de break d’un subtil lob (décidément) pour revenir à 2-2. Au coude-à-coude et alors que la tension ne faisait que monter au fil des minutes, les deux protagonistes ont continué de multiplier les fautes (61 au total contre 28 coups gagnants). Au petit jeu de l’irrégularité, Muchova s’est pris les pieds dans le ciment américain en caviardant un smash, en faisant une double faute puis en envoyant un coup droit dans le filet pour offrir à Gauff un 4e break et l’occasion de servir pour le match.
Mais aussi forte et déterminée soit-elle, l’Américaine n’en reste pas moins une joueuse de 19 ans qui disputait seulement sa deuxième demi-finale de Majeur. Une première balle de match manquée sur son engagement et Muchova était de retour aux affaires. Et si la rencontre n’a pas toujours côtoyé les sommets, il faut reconnaître que les deux actrices de cette première séance nocturne ont gardé le meilleur pour la fin, à l’image d’un point absolument extraordinaire de 40 coups de raquette pour obtenir une 6e balle de match, la 5e sur cet incroyable dernier jeu de service de la Tchèque.
La 6e et la bonne donc, celle qui lui permet de devenir la plus jeune Américaine à rallier la finale de l’US Open depuis Serena Williams en 1999. "Serena est Serena, c'est la plus grande de tous les temps, a-t-elle confié sur le plateau d'ESPN après sa victoire. J'espère faire la moitié de ce qu'elle a accompli mais je ne vais pas me comparer à elle. C'est quelqu'un que j'admire et voir mon nom associé au sien dans une ligne de statistiques représente beaucoup pour moi. Le seul regret que je garderai toute ma vie, c'est de ne pas avoir pu jouer contre elle. Mais je suis heureuse d'être le produit de son héritage."
Déjà fière de celle qui veut lui succéder, nul doute que la GOAT le sera encore plus si Coco parvient à remporter l'US Open à l'occasion de sa deuxième finale en Grand Chelem après Roland-Garros 2022. Rendez-vous donc ce samedi, face à Aryna Sabalenka.
Les points du jour : Coco Gauff
Décidément, la princesse qui veut devenir reine de New York a tout fait pour que la foule se lève ce jeudi soir. En plus de l'incroyable rallye de 40 coups remporté pour s'offrir une balle de match, elle a également signé les incroyables points du jour !
Le premier :
Le deuxième :