Un champion en lévitation, une finaliste au tapis, une future n°1 mondiale autoritaire et un dernier ticket pour les quarts de finale obtenu au terme d'une énorme bataille : voici ce qu'il faut retenir de ce Labor Day Monday à l'US Open.
US Open J8 : Zverev rugit de nuit, "Queenwen" s'offre Jabeur
Au terme d'un marathon réjouissant dans la nuit new-yorkaise, l'Allemand a écarté Jannik Sinner et retrouvera Carlos Alcaraz en quarts de finale.
Sascha s'invite à la fête
L'affiche flairait bon la poudre, le nettoyage des lignes et la visite guidée du fond de court. Le premier set d'1h08 ponctué de seulement trois jeux sans égalité a donné le tempo d'une soirée imprévisible entre deux joueurs portés par une rage communicative et une envie débordante. Mais s'il a par moments touché au sublime lors de rallyes merveilleux de puissance, de toucher et de prises de risques, ce sommet d'ambitieux n'a toutefois pas basculé dans la folie totale.
La faute sans doute à la condition physique des deux protagonistes. Au coude à coude dans cette fameuse manche inaugurale finalement tombée dans l'escarcelle d'Alexander Zverev, les deux hommes ont ensuite tour à tour connu des temps forts et des temps faibles. Touché par des crampes alors qu'il se détachait dans la deuxième manche, Jannik Sinner a claudiqué tout au long du troisième set, ne prenant même plus la peine de s'asseoir sur sa chaise aux changements de côtés. Sur un court Arthur Ashe où la chaleur n'avait d'égale que l'humidité, le finaliste de l'édition 2020 semblait quant à lui avoir du mal à retrouver son souffle entre deux échanges homériques.
Le caractère et les qualités tennistiques de ces deux veilleurs de nuit ont repris le dessus dans une fin de quatrième manche irrespirable, au sens propre comme au figuré. Encouragé par un tout un stade - influencé par les désormais célèbres Carota Boys - qui désirait prolonger le plaisir malgré l'heure tardive, le natif de San Candido est parvenu à égaliser à deux manches partout. Un scénario digne d'une série Netflix qui laissait entrevoir une cinquième manche marquée du sceau de l'irrationnel.
Seulement cet infime espoir a rapidement été douché par le lion hambourgeois, qui a retrouvé du poil de la bête pour mettre son adversaire K.O, s'envoler vers un succès majeur et définitivement confirmer son retour au centre de l'arène (6/4, 3/6, 6/2, 4/6, 6/3 en 4h41). "Je crois qu'on peut dire que je suis de retour, non ? Je vis pour ça, c'est ce que j'aime plus que tout, a-t-il lancé à des spectateurs restés nombreux pour le féliciter. J'aurais aimé jouer un peu moins longtemps, c'est sûr, mais c'est ce qui m'a le plus manqué l'an passé. Me retrouver à 1h30 du matin dans un stade Arthur Ashe comble, il n'y a rien de mieux."
Le match le plus long du tournoi jusqu'ici laissera sans doute des traces physiques et psychologiques dans les deux camps. Comme l'an passé, Jannik Sinner quitte New York sur une défaite épique au goût d'inachevé. Quant à Sascha Zverev, il devra récupérer de ce combat s'il veut préserver ses chances de détrôner Carlos Alcaraz. Lui qui se plaignait que toute l'attention soit portée sur un éventuel remake du quart de finale de l'an passé et sur une finale entre les deux meilleurs joueurs du monde, n'a fait qu'une partie du chemin.
Qinwen Zheng brise un nouveau plafond
Entrée dans le Top 100 au début de l'année 2022 et pleinement révélée au grand public lors de son huitième de finale à Roland-Garros la même année, Qinwen Zheng a franchi un nouveau palier. Opposée à une Ons Jabeur sur un fil depuis le début de sa quinzaine new-yorkaise, la Chinoise de 20 ans a rendu une copie quasi parfaite (6/2, 6/4 en 1h22) pour accéder aux quarts de finale d'un tournoi du Grand Chelem pour la première fois de sa très prometteuse carrière. Sa couverture de terrain et son efficacité au filet (10/14) ont fait déjouer la finaliste sortante (33 fautes directes pour seulement 17 coups gagnants), qui n'a cette fois pas réussi à retourner une situation compromise.
De manière compréhensible, la protégée de Wim Fissette a dû s'y reprendre à deux fois au moment de servir pour le match (à 5-2 puis à 5-4) mais sa maîtrise et son sang-froid ont une fois de plus donné raison à ses fans, qui n'hésitent plus à l'appeler "Queenwen". "J'aime ce surnom, vous pouvez m'appeler Queen, a-t-elle souri en bord de court. Je suis si heureuse d'avoir gagné, d'avoir joué dans un si grand stade aujourd'hui et d'avoir réalisé une très bonne performance. Ons est une joueuse fantastique et vraiment difficile à battre avec les nombreuses variations de son jeu. C'est une victoire énorme pour moi aujourd'hui."
La plus jeune joueuse chinoise de l'histoire à atteindre ce stade de la compétition en Majeur a conservé son plan de jeu et sa ligne de conduite pour s'offrir le scalp d'une troisième membre du Top 5. "J'ai un jeu offensif et porté vers l'avant mais pendant le match, j'ai été parfois trop sur la défensive et elle a réussi à me breaker. Mais j'ai continué à me dire pendant toute la rencontre que je devais rester agressive et prendre le jeu à mon compte". Reste désormais à savoir si elle pourra reproduire une telle performance mercredi, face à la future reine du circuit.
La décla' du jour - Sabalenka : "Je ne voulais pas devenir n°1 comme ça"
Ce mercredi, Qinwen Zheng affrontera donc Aryna Sabalenka pour découvrir le dernier carré d'un Majeur. A l'occasion de sa première sortie en tant que future n°1 mondiale, la championne de l'Open d'Australie n'a pas fait dans le détail pour venir à bout de Daria Kasatkina (6/1, 6/3 en 1h15). Imperturbable en fond de court, elle a une nouvelle fois associé puissance et précision (31 coups gagnants). En quatre rencontres, elle n'a joué que 4h47, pour 16 jeux lâchés.
Mais au-delà d'une qualification pour un 7e quart en Grand Chelem, l'événement était bien sûr le nouveau classement qu'elle occupera ce lundi 11 septembre. Elle est longuement revenue sur cet accomplissement en conférence de presse. "J'ai découvert ça ce matin ! J'ai allumé mon téléphone et je me suis dit 'Les gars, j'ai un match aujourd'hui, j'ai des choses à faire !' Je n'ai pas répondu parce que j'essayais de rester concentrée sur le match à venir. Mais c'était plutôt sympa comme réveil."
Si elle a avoué être allée dormir avant la fin de la rencontre entre Jelena Ostapenko et Iga Swiatek, la future 29e patronne de la WTA a surtout confié qu'elle aurait préféré que la passation de pouvoir s'effectue sur le terrain. "Pour être honnête, je ne voulais pas qu'elle perde. Pendant que je regardais, je l'encourageais pour qu'elle gagne. Je n'étais évidemment pas sûre mais je pensais qu'elle irait en finale. Je me disais que je devais tout faire pour l'y rejoindre afin que tout se décide sur le court. J'étais donc un peu triste et heureuse en même temps parce que ça n'est pas arrivé uniquement suite à sa défaite. Ces dernières années, j'ai bien joué et je l'ai mise sous pression... C'est un sentiment paradoxal. Je ne voulais pas devenir numéro un mondiale comme ça, je voulais une bataille."
"Al-quart-az" au rendez-vous
Carlos Alcaraz tient la forme, merci pour lui. Entré sur le court avec un gros bandage au niveau de la cuisse gauche – "par précaution" a-t-il précisé – il a réussi à transformer un match piège sur le papier contre le surprenant Matteo Arnaldi en une nouvelle démonstration de force, de tactique et de toucher.
Sous le toit fermé du Arthur Ashe en raison de quelques gouttes tombées avant l’entrée des protagonistes, le numéro un mondial a totalement maitrisé son sujet pour ne passer qu’1h57 sur le court (6/3, 6/3, 6/4). Une bonne idée avant d'affronter un joueur qui a passé deux fois plus temps que lui sur le court ce lundi. "Nos précédents face-à-face ont toujours été très serrés et nous avons joué de très grands matchs. Il joue vraiment très bien, il a totalement retrouvé son meilleur niveau cette année" a-t-il confié à propos de Sascha Zverev.
Au-delà de sa régularité et de sa totale domination dans l’échange, l’Espagnol s’est de nouveau illustré par ses courses dantesques, ses frappes surpuissantes et ses combos amorties - lobs imprenables. "Je suis content de l'intensité mise du premier au dernier point dans ce match, a-t-il confié à chaud. J'ai joué un match très solide, je n'ai pas fait beaucoup d'erreurs et j'ai mis en place mon jeu en allant le plus possible au filet. Je suis très heureux de ma performance globale."
De quoi être longuement ovationné par les heureux spectateurs dont les inconditionnels Ben Stiller et Jimmy Butler. Un 40e succès en Majeur et une nouvelle marque symbolique pour le plus jeune patron de l’histoire : il n’est que le deuxième joueur de moins de 21 ans dans l’ère Open à s'être qualifié trois fois pour les quarts de finale à New York, après André Agassi (de 1988 à 1990).
La demi-surprise du jour : Keys balaie Pegula
Ce n’était pas évident de choisir un camp pour le public du court Arthur Ashe ce lundi en ouverture de programmation. C’est finalement le scénario qui a poussé les spectateurs à encourager plus bruyamment Jessica Pegula plutôt que Madison Keys. Il faut dire que la n°3 mondiale avait bien besoin de soutien, tant elle a été dominée par son amie.
Beaucoup plus entreprenante, cette dernière a usé de sa puissance dès les premiers coups de raquette pour réduire considérablement la marge de manœuvre adverse. "Aujourd'hui, je devais tout faire pour raccourcir les échanges parce que plus ça dure et plus Jess est forte, a-t-elle analysé en conférence de presse. Je me suis concentrée pour frapper du mieux possible dès la première ou la deuxième balle et les choses se sont déroulées comme je l'espérais."
Particulièrement efficace en revers, elle a pressurisé sa compatriote au service (21 coups gagnants, 53% de points gagnés en retour) pour prendre ses distances. Une prise d’initiatives et une justesse (19 fautes directes, autant que Pegula) maintenues tout au long de la partie. Le débreak de la championne de Montréal dans le deuxième set sur sa seule opportunité du match n’était qu’un arbuste qui cachait une immense forêt (6/1, 6/3 en 1h01). Quatre jeux perdus pour une victoire éclatante, synonyme de 3e quart de finale à New York pour la finaliste de l’édition 2017, le premier depuis cinq ans.
C'est en revanche une nouvelle occasion manquée pour "Jpeg", stoppée dès les huitièmes alors qu'elle reste sur six échecs en quarts de finale de Grand Chelem depuis le début de sa carrière. A noter qu'elle est tout de même encore en lice en double (en compagnie de Coco Gauff) et en double mixte (avec Austin Krajicek).
Vondrousova à l’usure
Un choc de bien plus grande ampleur aurait pu secouer le court Louis Armstrong dans le même temps. Mais après avoir concédé la première manche au tie-break contre une Peyton Stearns déterminée à briller devant son public, Marketa Vondrousova s’est remise les idées à l’endroit pour accéder à son premier quart de finale new-yorkais (6/7(3), 6/3, 6/2 en 2h10). Une 11e victoire consécutive en Grand Chelem que la Tchèque n’espérait pas elle-même. "Elle a vraiment bien joué du début à la fin et j’ai juste essayé de rester dans le match et de jouer mon tennis, a-t-elle évoqué en bord de court. Je suis très heureuse de continuer ici, je ne m’y attendais pas vraiment parce qu'après ‘Wimby’, j'étais très nerveuse. On verra bien ce qu’il se passe !"
Bien aidée par les fautes directes de l’Américaine (52 au total) mais aussi par une très bonne qualité de service (78% de premières sur l’ensemble de la rencontre), la joueuse titrée au All England Club aura sans doute besoin d’un meilleur départ face à Madison Keys pour espérer rallier le dernier carré. Il faudra également qu'elle soit à 100%, elle qui a été contrainte de déclarer forfait pour son match en double en compagnie de Barbora Strycova, qui disputait le dernier tournoi de sa carrière. "J'ai des douleurs au bras, c'est sans doute lié à la lourdeur des balles et au fait que la saison est longue. On a décidé avec Barbora de ne pas jouer aujourd'hui mais c'est triste et j'ai pleuré parce que c'est son dernier tournoi. C'était une décision difficile mais nous l'avons prise ensemble et il faut toujours privilégier la santé." a-t-elle conclu.
Le point du jour : le show Medvedev
Les amateurs de rallyes de fond de court en ont pris plein les mirettes en dernière rotation sur le court Louis Armstrong. Au terme d'une bataille âpre et plutôt équilibrée malgré le score, Daniil Medvedev s'est qualifié pour son quatrième quart en cinq ans, au nez et au bouc d'Alex de Minaur, qui avait pourtant remporté ses deux derniers duels face au numéro 3 mondial (2/6, 6/4, 6/1, 6/2 en 2h40).
Malgré une petite alerte physique liée à la chaleur pesante qui régnait sur Flushing Meadows aujourd'hui, il est parvenu à monter en puissance tout au long du match. "A un moment donné, j'ai senti que je n'étais plus en capacité de vraiment bien jouer, a-t-il expliqué en fin de partie. Mais j'ai regardé Alex, c'est un énorme combattant et lui aussi avait du mal. C'était dur pour les deux joueurs mais au fur et à mesure de la rencontre, ça allait mieux."
Preuve que le poulain de Gilles Cervara sait tout faire et ce dans n'importe quelle position, il a signé le point du jour sur cet échange magnifique.
La stat' du jour : 9
Pas assez souvent mise en lumière, la régularité d'Andrey Rublev dans les grands rendez-vous n'est toutefois plus à prouver. En disposant dans l'après-midi de Jack Draper (6/3, 3/6, 6/3, 6/4 en 2h45), le 8e joueur mondial s'est qualifié pour son 9e quart de finale en Grand Chelem, le 3e cette année et le 4e à l'US Open. Des chiffres remarquables pour celui qui espère enfin briser ce plafond de verre face à son grand ami mercredi.
Un festin qui devrait ressembler à s'y méprendre à un dimanche en famille. "Je suis le parrain de sa fille, on est une famille, a-t-il confirmé en conférence de presse. Notre relation s'est construite grâce au tennis mais elle a largement dépassé ce cadre. On se connait depuis qu'on a 6 ans et nous avons bâti une superbe relation. C'est une personne honnête, détendue, très humble et avec qui il est très facile de communiquer. Et en même temps, il est très drôle ! Vous allez forcément vous amuser si vous passez du temps avec lui."