Un an après avoir assisté aux matchs qualificatifs de son amie Miriam Kolodziejova le bras dans le plâtre, Marketa Vondrousova a soulevé le Venus Rosewater Dish sur un Centre Court conquis par sa sympathie, son humour et son jeu. Une victoire en deux manches (6/4, 6/4, en 1h20) face à la malheureuse Ons Jabeur, déjà finaliste ici-même et à l’US Open l’an passé.
Wimbledon J13 : Vondrousova, la gloire inattendue
Tombeuse d’une Ons Jabeur pétrifiée par l’enjeu, Marketa Vondrousova a remporté son premier titre du Grand Chelem à l’occasion de cette très belle édition 2023 de Wimbledon.
"Le tennis est fou"
La veille de son anniversaire de mariage, Marketa Vondrousova a donc offert un merveilleux cadeau à son mari (enfin présent dans les tribunes après avoir gardé leur chat "Frankie" pendant toute la quinzaine), sa famille et tout son clan en soulevant le plus beau titre de sa carrière. Si cette victoire va contraindre son coach Jan Mertl à se faire un tatouage, nul doute qu'il a été fier et ravi d’assister au sacre de sa protégée, première joueuse non tête de série de l’ère Open à remporter Wimbledon.
"Je crois que je ne sais pas trop ce qui se passe en ce moment, a-t-elle lancé au public, le trophée dans les mains. Félicitations Ons, tu es une inspiration pour nous toutes, j’espère que tu gagneras un jour. Tu le mérites, tu es quelqu’un de formidable. Pour moi, avec toutes les difficultés que j’ai connues, c’est incroyable d’être ici aujourd’hui, le tennis est fou. Je ne sais pas comment j’ai fait pour revenir".
Inhibée lors des premiers échanges – comme lors de sa fin de match contre Elina Svitolina en demi-finale -, elle a été la première à faire trembler le filet, concédant du retard d’entrée. Menée 2-0 puis 4-2 sur un break blanc, elle a eu le mérite de s’accrocher et d'enfin lâcher ses coups, notamment sur les engagements de la Tunisienne, en panne totale de premières balles tout au long de la rencontre (48%). "J'étais nerveuse avant le match, a poursuivi la championne en conférence de presse. Lorsqu'on est entré sur le terrain, je me suis dit : 'Ok, voyons ce qui va se passer'. Je n'ai pas bien commencé mais j'avais l'impression d'être très calme. Je me sentais vraiment bien et j'ai essayé de mettre toutes les balles dans le court."
Le visage déterminé dans un premier temps puis totalement crispé par la suite, Ons Jabeur a quant à elle multiplié les mauvais choix, les erreurs grossières (31 fautes directes contre 13 pour son adversaire) et les gestes d'agacement et de culpabilité. Les cadeaux combinés à la montée en puissance de la Tchèque ont eu pour conséquence directe de voir cette dernière inscrire 16 points sur 18 et cinq jeux consécutifs pour boucler la manche inaugurale et prendre les commandes de la suivante.
Sortie du court pour retrouver ses esprits et son incroyable qualité de jeu qui lui a notamment permis d’éliminer quatre joueuses titrées en Majeur durant son brillant parcours, la "Ministre du Bonheur" a réussi à stopper l’hémorragie alors que la 42e joueuse mondiale avait trois balles pour mener 2-0.
Pas à un retournement de situation près dans cette finale et dans son tournoi, la finaliste sortante s’est fait violence en changeant le rythme et en glissant quelques délicieux coups droits là où son revers semblait en panne sèche. A 3-1 en sa faveur, on la pensait alors enfin libérée mais il ne s’agissait que d’un arbre qui cachait une immense forêt de tension, de stress et de pression.
Comme dans la première manche, elle n’est pas parvenue à confirmer son break pour s’envoler face à une joueuse étonnamment beaucoup plus calme en fin de rencontre. "Je pense que tout le monde a été surpris de voir à quel point j'étais calme, a expliqué la Tchèque. Mon entraîneur m'a dit après la finale qu'il n'arrivait pas à y croire ! Ca a été la clé, j'ai continué à y croire et j'ai gardé mon calme quand elle m'a breakée dans le deuxième set. Je me suis simplement dit qu'il fallait que je reste concentrée."
A l’image de la balle de match où elle n’a pas hésité à prendre les choses en main, elle a bouclé son incroyable aventure agenouillée sur le court, la tête entre les mains, prenant alors conscience d’avoir éliminé cinq joueuses têtes de série (Victoria Kudermetova, Donna Vekic, Marie Bouzkova, Jessica Pegula et donc Ons Jabeur) pour devenir la troisième Tchèque de l’histoire à remporter Wimbledon, après Jana Novotna (1998) et Petra Kvitova (2011 et 2014).
"Je reviendrai et un jour, je gagnerai ce tournoi"
Un sacre totalement inattendu pour une revenante dont les blessures l'ont fortement ralentie et qui n’avait jamais performé sur herbe. "Je n'ai jamais bien joué sur gazon, a-t-elle admis. Je pense que c'était le Grand Chelem le plus impossible à gagner pour moi, donc je n'y ai même pas pensé. Quand nous sommes arrivés ici, je me suis juste dit que je devais essayer de gagner quelques matchs. Maintenant, c'est arrivé, c'est fou!"
Pour la vaincue du jour, qui n’est pas parvenue à assumer son statut de favorite et la pression de tout un peuple sur ses épaules, c'est sans aucun doute sa "défaite la plus douloureuse en carrière". En larmes lors de la cérémonie de remise des trophées, celle qui est devenue la 8e joueuse de l’histoire à perdre ses trois premières finales de Grand Chelem n’a pas caché sa déception, annonçant toutefois qu’elle n’abandonnerait pas sa quête.
"C’est évidemment très difficile et je vais être moche sur les photos, a-t-elle souri. C’est la défaite la plus douloureuse de ma carrière. Bravo à Marketa et son équipe pour ce tournoi magnifique. Tu es une joueuse incroyable, tu as connu beaucoup de blessures et je suis heureuse pour toi. De mon côté, je ne vais pas abandonner, je reviendrai plus forte. Ça a été un tournoi incroyable pour moi, j’aurais aimé que ça dure un match de plus. Merci à mon équipe de continuer à me soutenir, on va y arriver un jour, je vous le promets. Merci à tous pour l’énergie que vous m’avez donnée depuis le premier jour. Je reviendrai et un jour, je gagnerai ce tournoi !"
De son côté, Marketa Vondrousova va prendre le temps de profiter avant de s'autoriser à viser encore plus haut. La 49e joueuse de l'histoire sacrée en Grand Chelem (la 24e à Wimbledon) intègrera le Top 10 mondial pour la première fois de sa carrière ce lundi. Un formidable accomplissement après avoir échoué de peu en finale de Roland-Garros 2019 et des Jeux Olympiques de Tokyo.
"J'avais 19 ans lors de ma première finale, s'est remémorée la Tchèque. Je me souviens que c'était très stressant. Je voulais juste bien faire parce que c'était un événement important dans mon pays. Tout le monde en parlait. Mais elle (Ash Barty) m'a écrasée. Le match a été très rapide et je n'ai même pas profité. J'étais très triste et je me suis dit que si cela se reproduisait, il fallait profiter de chaque instant. Je pense que même si j'avais perdu aujourd'hui, j'aurais apprécié ce moment. C'est une si grande réussite."
Avant de se tourner vers les prochaines échéances auréolée d'un statut davantage en accord avec la qualité de son tennis, place aux célébrations donc et... au tatouage !