Impérial face à Daniil Medvedev, Carlos Alcaraz disputera sa première finale de Wimbledon dimanche. Il y retrouvera un Novak Djokovic serein et clinique contre Jannik Sinner.
Wimbledon J12 : Alcaraz impérial, Djokovic clinique
Les têtes de série n°1 et n°2 ont facilement validé leur billet pour une finale de rêve.
Alcaraz (beaucoup) trop fort pour Medvedev
Cette demi-finale était censée être la plus indécise de la journée. Mais entre les deux joueurs qui ont le plus gagné cette saison, les débats ont tourné court. La faute à la puissance, la vista et la parfaite adaptation sur herbe de Carlos Alcaraz, qui n'a laissé absolument aucune chance à Daniil Medvedev (6/3, 6/3, 6/3 en 1h50) pour rallier sa première finale à Wimbledon, la deuxième de sa carrière en Grand Chelem.
"C'est un rêve pour moi, a confié le vainqueur tout sourire. Jouer une demi-finale ici et être capable de me qualifier pour la finale de Wimbledon, honnêtement, je n'arrive pas à y croire. Je vais profiter de ce moment extraordinaire pour moi. Il est temps de continuer à rêver." Une démonstration de maîtrise et de force qui lui offre le droit à une revanche face à Novak Djokovic, un mois seulement après sa défaite dans le dernier carré à Roland-Garros.
Un duel de novices à ce stade de la compétition au All England Club dont le suspense a duré en tout et pour tout sept jeux. Le temps pour Daniil Medvedev de placer quelques coups somptueux et pour son adversaire de comprendre que ses amorties, ses frappes monstrueuses et ses changements de rythme allaient mettre au supplice un vis-à-vis plus proche des juges que de sa ligne de fond de court.
Statistiquement meilleur dans pratiquement tous les compartiments du jeu (seuls les aces et le pourcentage de conversion des balles de break sont à l'avantage du 3e mondial), le Murcien a développé un tennis spectaculaire, pur et surtout très efficace. Le pire étant sûrement que Medvedev n'a pas été mauvais, loin de là. Mais face aux initiatives, aux montées au filet (28 points remportés sur 36 tentatives) et aux coups droits supersoniques, les tentacules de la pieuvres ont semblé repliées sur elles-mêmes.
A 6/3, 6/3, 3-0 et alors que le public s'apprêtait à célébrer le quatrième plus jeune joueur de l'histoire à rallier la finale de leur tournoi, le vainqueur de l'US Open 2021 a enfin trouvé la solution sur l'engagement adverse, après s'être longuement tourné vers son clan, bien incrédule. En mettant fin à une série de 16 points consécutifs gagnés par l'élève de Juan Carlos Ferrero sur sa mise en jeu puis en breakant pour la première fois de la partie, on le croyait capable de se relancer dans cette manche.
Mais c'était sans compter sur le caractère écrasant de son successeur à New York, qui malgré plusieurs mauvaises décisions et de nouvelles approximations au service, a remis un coup d'accélérateur pour conclure son œuvre. A l'image d'une balle de match durant laquelle il a asséné un passing foudroyant après avoir défendu corps et âme, Carlos Alcaraz est apparu intouchable ce vendredi et a enregistré une 11e victoire consécutive sur gazon : "C'est toujours difficile de conclure le match. Il faut être très concentré. Daniil ne voulait évidemment pas perdre, il a lutté jusqu'au dernier échange. C'est un combattant, un marathonien, un joueur extraordinaire. Je devais montrer le meilleur de moi-même dans ce moment difficile, je devais jouer mon jeu et être agressif tout le temps. Je pense que c'était la clé pour conclure ce match" .
Agressif, intouchable et impérial, il devra également l'être ce dimanche pour espérer vaincre l'invincible. "Qu'est-ce que je peux dire ? Tout le monde sait que c'est une légende... Ce sera très difficile mais je vais me battre, je suis comme ça. Je vais croire en moi, je vais croire que je peux le battre ici. J'ai vu qu'il est invincible sur ce court depuis 2013 donc ce sera un défi très difficile pour moi. Depuis que j'ai commencé à jouer au tennis, je rêvais de jouer cette finale, mais c'est encore plus spécial de jouer contre Novak. C'est une finale, ce n'est pas le moment d'avoir peur, ce n'est pas le moment d'être fatigué. Je vais y aller et on verra bien ce qui se passera" a conclu le prodige.
Djokovic, sans l’ombre d’un doute
L’affiche s’annonçait grandiose, Novak Djokovic l’a réduite au rang de victoire quasi lambda. Très dangereusement bousculé par Jannik Sinner lors d’un quart de finale épique en 2022, le quadruple champion en titre n’a cette fois pas laissé place au doute en s’imposant en trois manches (6/3, 6/4, 7/6(4) en 2h47).
Une 34e victoire consécutive à Wimbledon, la 45e sur le Centre Court, pour s’offrir une 35e finale de Grand Chelem en 71 participations, record absolu hommes et femmes confondues (devant Chris Evert, 34). Le tout à 36 ans. "J'aime à croire que je joue l'un des meilleurs tennis de ma vie, a déclaré Djokovic en bord de court. Nous pratiquons un sport individuel, on ne peut donc compter sur soi-même et essayer de se mettre dans le meilleur état physique, mental et émotionnel possible avant d'entrer sur le court. J'essaie de ne pas considérer l'âge comme un obstacle ou un facteur qui pourrait décider de l'issue de la rencontre. Au contraire, j'ai l'impression que '36 is the new 26'. Je me sens bien !"
Sous le toit d’un Centre Court au gazon glissant, il n’y a pas eu de réel round d’observation entre les deux joueurs. Vainqueur de leurs deux premiers duels, le Serbe a d’abord dû écarter deux balles de break avant de prendre le service de son adversaire et de s’envoler vers le gain de la première manche, brillamment conclue par trois aces et un service gagnant.
Bis repetita dans le set suivant, durant lequel le Transalpin a souvent fait jeu égal avec le septuple vainqueur de l’épreuve, tout en pêchant dans les moments très importants. Au total, il n’a pas converti une seule de ses six balles de break… Pour tenter de déborder le maitre des lieux, Sinner a constamment essayé d’en mettre plus. Avec réussite parfois, le long des lignes. Mais de telles prises de risques impliquent bien souvent un déchet important (35 fautes directes contre 21 pour le "Djoker").
Au contraire et comme à son habitude, l’homme aux 23 titres du Grand Chelem n’a rien manqué lorsque la pression s’accentuait. Mieux, il n’a montré que très peu d’émotions et s’est contenté de pester lorsque l’arbitre a donné le point à l’Italien pour un cri gênant en plein milieu d’un échange. Idem après un avertissement pour dépassement de temps. Agacé par un commentaire venu du public alors qu’il avait deux balles de set à sauver sur son service, il a poussé son adversaire à la faute pour recoller à 5-5, se permettant une belle grimace à destination de la foule.
"Le troisième set aurait pu tourner en sa faveur, a poursuivi le vainqueur. J'étais mené 4-5, 15-40 et j'ai servi plusieurs deuxièmes balles. Il a manqué quelques coups et m'a permis d'accéder au tie-break. Il y avait beaucoup de pression dans ce troisième set. J'ai eu des occasions en début de match, mais il a prouvé qu'il était l'un des leaders de la nouvelle génération et l'un des meilleurs joueurs du monde, à n'en pas douter".
Face à un mur qui n’a plus cédé après avoir mené deux sets à rien depuis Roland-Garros 2010, Sinner a donc au moins eu le mérite de ne pas lâcher pour obtenir le droit de disputer un tie-break face à un joueur qui restait sur 14 jeu décisifs remportés consécutivement. Mais une double-faute et trois balles envoyées directement dans le filet ont scellé la fin de son aventure.
Ce n’est même pas certain que le 8e joueur mondial puisse réellement nourrir des regrets tant celui qui espère égaler le record de titres ici dimanche s’est montré clinique. Une leçon de tactique, de sang-froid et de réalisme. Carlos Alcaraz est prévenu.