Quel US Open ! Après l’incroyable sacre d’Emma Raducanu – 18 ans et issue des qualifications – Daniil Medvedev a créé une énorme sensation en glanant le premier Majeur de sa carrière, privant ainsi Novak Djokovic d’un exploit historique.
Daniil Medvedev, quelle première !
Auteur d’une finale quasi parfaite, Daniil Medvedev a bousculé l’histoire en remportant son premier tournoi du Grand Chelem face à Novak Djokovic.
Une victoire plus que méritée
Alors que tous les regards étaient tournés vers Novak Djokovic, en quête d’un incroyable Grand Chelem calendaire, Daniil Medvedev avait prévenu : il allait mettre tout son cœur pour écrire sa propre histoire et empêcher son adversaire d’entrer encore un peu plus dans la légende de son sport. Et le Russe n’a pas failli à sa promesse. Acteur malheureux d’une finale fantastique face à Rafael Nadal ici même en 2019, il avait manqué son deuxième grand rendez-vous face au Serbe en Australie cette année. La troisième tentative aura donc été la bonne : "C’est mon premier Grand Chelem ! Je ne sais pas comment je me sentirai si j’en gagne un deuxième ou un troisième, mais c’est mon premier et je suis très heureux. Ça signifie énormément pour moi".
Un succès loin d’être acquis d’avance pour le numéro deux mondial. S’il n’avait jusqu’ici perdu qu’un set et passé près de six heures de moins sur les courts que son adversaire, ce dernier semblait bénéficier d’un avantage psychologique. Son expérience, sa capacité à renverser n’importe quelle situation et ses prestations abouties et autoritaires face à Berrettini et Zverev l’ont conforté dans son statut de favori. Seulement le poids de l’histoire a semblé trop lourd à porter pour ses jambes et sa tête. Soumis à une pression monstrueuse, le Serbe n’a jamais ne serait-ce que caressé l’espoir de réaliser son rêve. Toutefois il ne faut pas s’y tromper, le mérite doit revenir à Medvedev, impérial pendant la quasi-totalité de cette finale. "Il a bien joué, il a été incroyable, il faut le féliciter pour sa mentalité, sa tactique, son jeu, pour tout. Il a été meilleur et il a mérité sa victoire, il n’y a aucun doute" a salué Djokovic face à la presse.
Impérial sur sa mise en jeu
Comme depuis le début du tournoi, le Russe s’est placé très loin de sa ligne de fond de court dès le premier jeu de service adverse. Une tactique payante puisqu’il a réalisé le break sur sa première opportunité. En danger, Novak Djokovic a sauvé deux nouvelles tentatives pour empêcher son adversaire de se détacher trop rapidement. Un déclic pour le numéro un mondial, qui n’a ensuite pas hésité à monter à la volée pour écourter les échanges (8/9 au filet). Mais ce n’est rien à côté des statistiques hallucinantes du Russe sur sa mise en jeu dans ce premier set : huit aces, 100% de points gagnés après sa première balle et trois petits points laissés en route ! Plus que suffisant pour prendre les commandes de la partie (6/4 en 36 minutes).
L’entame de la manche suivante a été une affaire d’occasions manquées pour le Serbe. Il a obtenu trois balles de break dans le deuxième jeu puis deux dans le quatrième. Mais Medvedev a tenu bon avant d’être aidé par la sono du stade, qui s’est déclenchée en plein point. Une situation qui a eu le don d’énerver son adversaire, en témoigne sa raquette brisée sur le court après une nouvelle faute. Comme un symbole, le récent vainqueur du Masters 1000 de Toronto breakait dans la foulée avant de confirmer en servant des deuxièmes aussi puissantes que les premières. Le niveau de jeu et la tension ont augmenté crescendo mais le numéro deux mondial, de nouveau injouable, a conclu sur une troisième balle de set quelque peu chanceuse tant son amortie ressemblait à une offrande.
Evidemment, mener deux manches à rien face au Serbe n’est pas gage de victoire, en témoigne sa superbe remontée face à Stefanos Tsitsipas en finale de Roland-Garros. Conscient de ce danger, Medvedev n’a pas desserré son étreinte, bien au contraire. Supérieur dans la plupart des rallyes, il a continué de bousculer son vis-à-vis, moins mobile et plus approximatif qu’à l’accoutumée. Incapable de trouver des solutions, il s’est rapidement retrouvé mené 4/0 puis 5/2, laissant tout le loisir à son dauphin de servir pour le gain du match.
Les larmes de Djokovic
Un vent de folie a alors traversé les tribunes du court Arthur Ashe. Conclure un succès flamboyant en Grand Chelem n’étant pas chose aisée, Medvedev a craqué, commettant trois doubles fautes dans le même jeu. "C’était vraiment dur. Je savais que la seule chose à faire était de me concentrer sur moi-même, sur ce que je devais faire pour conclure le match. Le public n’était pas contre moi mais plutôt avec lui, les gens voulaient le voir remporter le Grand Chelem calendaire. J’ai certainement fait quelques doubles fautes à cause de ça" a-t-il expliqué.
Un premier débreak puis un jeu maitrisé et le Djoker pouvait aller s’asseoir avec le sourire, ovationné par un public acquis à sa cause. Des encouragements et une preuve d’amour qui l'ont même fait vaciller, au point d'être en pleurs sur sa chaise.. "J’ai ressenti quelque chose que je n’avais encore jamais ressenti dans ma vie. C’était très spécial. Le soutien, l’énergie et l’amour que j’ai reçu du public, je m’en souviendrai toute ma vie. C’est pour ça que j’ai pleuré pendant le changement de côté. L’émotion et l’énergie étaient trop fortes. Honnêtement, c’est aussi fort que de gagner 21 Majeurs" a-t-il commenté en conférence de presse.
Une scène folle qui n’a toutefois pas détourné Daniil Medvedev de son destin. Malgré une nouvelle double faute sur balle de match, il est parvenu à conclure sa magnifique partition sur sa troisième tentative (6/4, 6/4, 6/4 en 2h15). Une victoire exceptionnelle fêtée comme il se doit par une célébration des plus originales, dont la référence est à chercher dans un célèbre jeu vidéo. "Ne pas célébrer, c’est ennuyeux, parce que je le fais à chaque fois. J’avais besoin de faire quelque chose et je voulais que ce soit spécial. J’aime jouer à FIFA et ça s’appelle la célébration du poisson mort. J'en ai parlé dans le vestiaire aux jeunes qui y jouent et ils m'ont dit que c’était légendaire. Je voulais rendre ce moment spécial pour mes amis avec lesquels je joue à FIFA. Je me suis fait un peu mal, ce n'est idéal à faire sur dur, mais je suis content. J'ai rendu ce moment légendaire !" a détaillé tout sourire le vainqueur.
Soulagement et ambition
Si gagner un Grand Chelem est une consécration, le faire dans ce contexte face à l’un des meilleurs joueurs de l’histoire donne une saveur supplémentaire à ce succès : "Pour mon avenir, savoir que j’ai battu un joueur qui comptait 27 victoires en Majeur en un an et qui allait entrer dans l’histoire, savoir que j’ai réussi à le stopper, c’est gratifiant et ça m’apporte beaucoup de confiance, notamment sur dur. On verra bien sur les autres surfaces !". Cette prestigieuse victoire devrait encore davantage aiguiser l’appétit d’un joueur déjà redoutable depuis plusieurs années.
De son côté, Novak Djokovic va devoir se remettre de cette désillusion. Sous pression depuis de nombreuses semaines, il n’a pas caché son soulagement que cette quête soit terminée. "Je suis soulagé. Je suis content que ce soit terminé parce que ça faisait beaucoup à gérer mentalement et émotionnellement pendant ce tournoi. Il y a de la tristesse, de la déception mais aussi de la gratitude envers les spectateurs pour ce moment spécial que j’ai partagé avec eux sur le court" a-t-il conclu. Si le 21ème Grand Chelem n'est pas encore acquis, nul doute que d’autres occasions se présenteront. En attendant, le numéro un mondial a obtenu ce qu’il réclame depuis si longtemps : le soutien indéfectible du public.