Auteur d’un parcours phénoménal conclu en beauté face à Casper Ruud en finale (6/4, 2/6, 7/6(1), 6/3 en 3h20), Carlos Alcaraz a remporté l’US Open, son premier tournoi du Grand Chelem. Un sacre qui en appelle d’autres et qui le propulse au sommet de la hiérarchie mondiale, à seulement 19 ans.
US Open – J14 : Alcaraz sur le toit du monde
Vainqueur de son premier titre en Grand Chelem, Carlos Alcaraz est devenu ce lundi le plus jeune n°1 mondial de l’histoire.
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C’était son destin, son rêve de gamin. Depuis son éclosion aux yeux du grand public ici même l’an passé, il était écrit que Carlos Alcaraz allait être amené à dominer sa discipline. Mais personne ne pouvait imaginer qu’il le ferait si tôt. Et de cette manière.
Au terme d’une dernière semaine absolument monumentale, le Murcien est devenu le plus jeune vainqueur de l’US Open depuis Pete Sampras en 1990, le plus jeune vainqueur en Grand Chelem depuis Rafael Nadal en 2005 et le plus jeune joueur de l’histoire à occuper la place de n°1 mondial. "C’est fou ! Je n’aurais jamais pensé pouvoir réaliser ça à 19 ans. Tout est arrivé très vite, c’est incroyable. C’est quelque chose dont je rêve depuis que je suis enfant, depuis que j’ai commencé à jouer au tennis" s’est-il enthousiasmé en conférence de presse.
Ce graal, il est une nouvelle fois allé le décrocher au courage et au mental. Epuisé par 13h28 de duels ahurissants en huitièmes, en quarts et en demies, il a très logiquement subi un vrai contre-coup physique en finale. Pourtant bien lancé par une première manche durant laquelle il a dicté le rythme et où les deux hommes ont planté le décor en alternant points de qualité et fautes évitables (6/4 en 49 minutes), Alcaraz a petit à petit baissé pavillon.
A partir de 3-2 dans le deuxième set, il a perdu en lucidité et en explosivité, laissant tout le loisir à Casper Ruud de prendre les commandes en fond de court. Fidèle à sa réputation, ce dernier a multiplié les contres, se permettant même de remporter les longs rallyes et de faire le spectacle en concluant des points extraordinaires. Face à un adversaire précis, solide et efficace, la moindre perte d’intensité se paie cash (6/2). Et qu’on ne s’y trompe pas, le break d’entrée de troisième manche n’était alors qu’une parade : à ce moment de la partie, le boxeur espagnol était bel et bien dans les cordes et son adversaire n’avait rien d’un vulgaire sparring-partner.
La marque des (très) grands
Sommé par son entraîneur de se ruer au filet (34 points inscrits sur 45 montées au total sur la rencontre !) et de raccourcir au maximum les échanges, "Carlitos" a serré le jeu et les dents pour éviter le K.O. "On avait évoqué le service-volée avec Juan Carlos avant le match, a-t-il confié. Casper se place loin dans le court pour retourner et comme je suis plutôt bon à la volée, j’ai essayé d’utiliser cette arme en ma faveur. Mais je l’ai aussi fait parce que j’étais très nerveux ! J’avais l’impression qu’en fond de court, il avait plus de chances de remporter les points". Dos au mur au moment de servir à 6-5, il a refusé d’abdiquer durant un jeu absolument énorme de 11 minutes. Aux frappes le long des lignes de Ruud, il a répondu par son intensité et son abnégation, s’offrant le luxe de sauver deux balles de set avant d’arracher un tie-break au terme d’un nouveau point exceptionnel.
Le tournant d’un match qu’il allait définitivement faire basculer du bon côté en faisant exploser le Norvégien dans le jeu décisif (7/6(1)). "J’ai été un peu trop passif sur les balles de set et il a été très agressif. On peut dire que c’est sans doute ce set qui a décidé de l’issue du match, a lucidement analysé le finaliste malheureux. Je n’ai pas réussi à me sortir ces balles de set de la tête. Dans le quatrième, c'était plus facile pour lui de faire preuve d'énergie avec cette avance. Je n'ai eu aucune chance de faire le break, il a très bien servi".
La fatigue et la pression mises de côté, Alcaraz a en effet retrouvé toute son intensité et sa vélocité dans la 4e manche. Les amorties inefficaces ont laissé place aux gifles chirurgicales et à une couverture de terrain de nouveau exceptionnelle. Face à un tel arsenal, Ruud a tenté de se maintenir à flots, en vain.
Loin de démériter, ce dernier a répondu à ses détracteurs par sa finesse et son audace et peut évidemment être fier de sa saison, marquée par deux finales de Grand Chelem. "Je suis fier de cette finale et de cette quinzaine. J’ai joué mon meilleur tennis sur cette surface et j’espère avoir une autre chance de remporter un Majeur […] A Roland-Garros, j’avais du mal à croire que je pouvais battre Rafa. Aujourd’hui ce n’était pas plus facile mais j’y croyais davantage. Ces deux tournois ont renforcé ma confiance en moi. J'espère que ça pourra m’aider. Et espérons aussi que, si je rejoue une finale, je n'aurai pas à affronter un Espagnol !"a-t-il ajouté avec le sourire. Celui qui occupe désormais le fauteuil de dauphin n’a tout simplement pas pu inverser le cours de l’histoire.
"Il n’est qu’à 60% de ses capacités"
Auteur jusqu’ici de six petits aces, le Murcien en a claqué huit dans cette quatrième et dernière manche. Comme un symbole, ses deux derniers l’ont mis sur orbite au moment de servir pour s’offrir le premier Majeur de sa carrière. Preuve qu’il n’est vraiment pas fait du même bois que les autres, il n’a pas tremblé d’un iota pour s’offrir une dernière fois le droit de tomber à la renverse devant des spectateurs en liesse et conscients d’avoir assisté à un moment unique. "Ça signifie beaucoup pour moi d'être soutenu par autant de gens, ici à New York. Ce que j'ai vécu l'an passé était incroyable. Cette année, c'était encore plus fort. J'ai traversé beaucoup de moments difficiles, des matchs très compliqués. Ils ont tout le temps cru en moi, ils m'ont encouragé. J'ai fini mon match contre Jannik à presque 3 heures du matin, ils étaient là jusqu'au dernier point. Ce titre est aussi le leur. Peut-être que sans eux, je n'aurais pas le trophée avec moi" a souligné le nouveau champion face aux journalistes.
Tribunes qu'il s'est d'ailleurs empressé de rejoindre pour partager son immense joie avec ses proches, son équipe et son coach, Juan Carlos Ferrero, devenu ici-même numéro un mondial à l’issue de sa finale perdue en 2003. Le témoin est transmis. "Je pense que Carlos est né pour jouer ce genre de tournois et ce genre de match, a expliqué l’ancien vainqueur de Roland-Garros. Mais comme je lui ai dit, je pense qu’il n’est qu’à 60% de ses capacités, il peut encore améliorer beaucoup de choses. Une fois que vous devenez n°1, on ne se dit pas ‘c’est fait, c’est terminé’. Il faut continuer à travailler et à jouer au plus haut niveau dans chaque tournoi pour gagner. Mais il le sait et je vais être derrière lui pour le lui rappeler !"
Un premier sacre marqué du sceau de sa puissance, de sa rage de vaincre, de son mental, de son caractère et de son goût prononcé pour le combat. Des batailles épiques au cours desquelles le prodige a émerveillé la planète par ses coups magiques, ses frappes monstrueuses et sa main de velours. Plus qu’une consécration, Flushing Meadows a assisté à la naissance d’un nouveau roi : "Pour le moment, je profite d’avoir ce trophée entre les mains, mais bien sûr que j’ai encore faim, je veux être n°1 pendant de nombreuses semaines, j’espère de nombreuses années. Je vais continuer à travailler dur après cette quinzaine et je vais me battre pour en avoir plus".
Un couronnement grandiose et une hégémonie qui ne fait que commencer.