Après les brillantes qualifications de Marketa Vondrousova et Ons Jabeur pour la finale dames, place au dernier carré magique du Majeur londonien. Au pied de la montagne Djokovic – que personne n’a réussi à franchir au All England Club depuis Tomas Berdych en 2017 – Jannik Sinner vise une première finale en Grand Chelem. Un stade de la compétition bien connu de Carlos Alcaraz et Daniil Medvedev, tous deux vainqueurs de l’US Open et qui se découvrent une réelle passion pour le jardinage cette saison.
Wimbledon : le maître et ses disciples
L’invincible, le n°1 mondial, le collectionneur de succès et l’outsider le plus dangereux : focus sur le casting de rêve de ces demi-finales messieurs de Wimbledon 2023.
Jannik Sinner (n°8) - Novak Djokovic (n°2)
Sur le papier, c’est certainement l'affiche la moins équilibrée du dernier carré. Un choc entre le quadruple tenant du titre, à la recherche permanente de nouveaux records, et le seul des quatre joueurs à n’avoir encore jamais disputé la moindre demi-finale en Grand Chelem. Un novice, face à l’homme aux 23 titres en Majeur : Jannik Sinner se mesure à l’intouchable Novak Djokovic.
On pourrait établir une liste à puces pour lister tous les records à la portée du n°2 mondial sur ces deux derniers matchs au All-England Club, tant ils sont nombreux, mais on se contentera (pour cette fois) d’en détailler quelques-uns. En venant à bout d’Andrey Rublev au tour précédent, le champion en titre s’est qualifié pour sa 46e demi-finale en Grand Chelem, égalant le record de Roger Federer. Il l’égalerait également en cas de victoire finale, remportant son 8e titre sur le gazon londonien, mais n’allons pas trop vite en besogne, l'Italien n'a pas encore dit son dernier mot.
Le dernier carré rassemble quatre joueurs du top 10, mais le plus expérimenté c’est lui. Toute la quinzaine, il a assumé son statut et revendiqué le sentiment d’être ici chez lui : "Je ne veux pas paraître arrogant, mais évidemment que je me considère comme favori, a-t-il déclaré en conférence de presse. Si on en juge par les résultats que j’ai eu ici dans ma carrière, je pense logiquement être le favori."
Les résultats ici dans sa carrière ? Quasiment que des victoires. Il a remporté les quatre dernières levées et reste sur une série de 33 succès consécutifs. Sa dernière défaite remonte à 2017 : il avait été contraint d’abandonner en quart de finale face à Tomas Berdych. La dernière fois qu’il a perdu un match, c’était en 2016, au troisième tour contre Sam Querrey. Il semble donc légitime pour le récent champion de Roland-Garros de s’avancer comme l'imbattable Et puis, pour continuer sur cette liste des records en ligne de mire : celui du Grand Chelem calendaire est sans aucun doute le plus prestigieux. Il n'est pas passé loin en 2021, seulement stoppé en finale de l'US Open par Daniil Medvedev...
En prenant connaissance de tous ces chiffres, de tous ces records déjà battus et de ceux qui semblent largement à sa portée, difficile d’imaginer comment Novak Djokovic pourrait être inquiété sur la route vers une 9e finale à Wimbledon.
Pourtant, c’est ce même Jannik Sinner qui l’avait fait douter lors de la dernière édition. En 2022, en quart de finale, l’Italien menait de deux sets avant de finalement s’incliner. Il fut à ce moment-là, le plus grand obstacle du Serbe dans la course vers son septième titre au All-England Club. Une prestation qu’il lui vaut même l’honneur de partager un podium avec Rafael Nadal et Roger Federer : ils sont les trois seuls joueurs à avoir poussé Djokovic dans un cinquième set à Wimbledon au cours de cette fameuse série de 33 victoires. Une performance qui lui permet d'y croire.
Pendant que l’un est à la chasse aux records, l’autre tentera d’écrire un peu plus son histoire dans ce sport, pour ce qui est déjà un jour de première. Après quatre tentatives, Jannik Sinner s’est qualifié pour sa première demi-finale, sans avoir à écarter un seul membre du top 50 sur sa route. Un parcours trop facile ou une chance d'avoir pu gérer l'effort avant de se retrouver face à la montagne ? Une chose est sûre, il a l'expérience désormais pour préparer ce genre de rencontre : "Ça va être un match complètement différent de celui de l'année dernière. Il me connait mieux et moi aussi, ça va être un peu tactique mais aussi mental, parce que quand tu joues contre Novak c’est toujours difficile, surtout à ce niveau-là en Grand Chelem, déclarait l'Italien, avant la rencontre. Physiquement, je me suis amélioré, je suis plus fort. Je peux rester sur le court pendant des heures sans souffrir. Je me sens aussi mieux par rapport à mon jeu et mon tennis."
Avant cette année, à chaque fois que Sinner est parvenu à atteindre le stade des quarts de finale en Grand Chelem, il a été battu par celui qui allait devenir champion. Est-il prêt à le devenir lui-même ? Djokovic semble penser que oui : "Il joue très bien et il aime jouer sur gazon et sur les surfaces rapides parce qu’il aime être agressif et contrôler le point. De son coup droit à son revers, il met beaucoup de puissance dans la balle. Je connais bien son jeu. Il est tellement jeune, bien sûr que c’est attendu qu’il va progresser. Il progresse, il n’y a aucun doute là-dessus. Déjà sur son service, il engage mieux... Sur cette surface ça fait la différence, c’est un joueur très complet."
Face à Novak Djokovic, l'Italien le sait, ce sera "peut-être le plus grand des défis" mais il est prêt à tenter de gravir le sommet.
Carlos Alcaraz (n°1) - Daniil Medvedev (n°3)
Retrouver les têtes de série n°1 et n°3 dans le dernier carré d’un Grand Chelem n’a rien d’une sensation. Surtout pas lorsqu’il s’agit des deux joueurs qui ont le plus gagné cette année avec 5 titres chacun et respectivement 45 et 46 victoires depuis janvier. Seulement la réussite de Carlos Alcaraz et Daniil Medvedev sur herbe n’était pas une évidence absolue avant le début de ce Wimbledon 2023, jardin dans lequel ils n’avaient encore jamais franchi le stade des huitièmes de finale.
Mais il se trouve que les deux hommes apprennent vite, se relèvent de tout et ont largement les moyens de leurs énormes ambitions. L’époque où Carlos Alcaraz, encore jeune espoir de la discipline et 75e mondial avait été balayé par le n°2 mondial au deuxième tour ici même en 2021 est très largement révolue. "Quand il avait 17 ans, il n’y a pas si longtemps donc, il était beaucoup moins mûr et plus jeune dans son jeu, ce qui est normal, a détaillé Medvedev en conférence de presse. Tout le monde voyait qu’il était extraordinaire mais se demandait s’il allait trouver le moyen de manquer moins de frappes tout en produisant la même puissance. Et c’est ce qu’il a fait assez rapidement, ce qui est plutôt incroyable."
En effet depuis, le Murcien a brisé tous les plafonds de verre et les records de précocité pour s’installer au sommet de la hiérarchie en remportant son premier Grand Chelem à l’US Open 2022. Un tournoi dans lequel il a succédé au palmarès à… Daniil Medvedev, lui aussi assis sur le toit du monde pendant une plus courte période. Et si le protégé de Gilles Cervara a connu quelques difficultés pour se remettre de cette ascension dorée, son début de saison absolument ahurissant avec 4 titres en 5 tournois et 19 victoires consécutives l’a replacé en très bonne position sur l’échiquier du tennis mondial. Une série seulement interrompue par… Carlos Alcaraz en finale à Indian Wells avant de redémarrer tambour battant à Miami.
Toujours là où on ne l’attend pas, il s’est également offert un sacre à Rome, avant de tomber dès le premier tour à Roland-Garros. Son Wimbledon confirme qu’il est capable de s’adapter à toutes les situations, même lorsqu’il est mené 2 sets à 1 par un ouragan bruyamment soutenu par le public. En mode essuie-glace, très loin de sa ligne de fond de court et parfois accroupi pour ramener une balle d’apparence hors de portée, il ne s’avoue jamais vaincu. "C’est vraiment un joueur complet, a analysé son futur adversaire. Comme Andrey Rublev l’a dit plusieurs fois, c’est une pieuvre. Il attrape toutes les balles et c’est incroyable. C’est un athlète extraordinaire qui fait presque tout bien."
Seulement ce vendredi, il faudra encore faire mieux pour résister à la puissance et au toucher du plus jeune joueur de l’ère Open à disputer trois demi-finales consécutives en Grand Chelem (il était forfait à Melbourne). Impérial en début de tournoi, solide pour résister à Nicolas Jarry puis renverser Matteo Berrettini et affamé face à Holger Rune, "Carlitos" court après les victoires, les titres, les Majeurs, les records et l’histoire. Ses dix victoires de suite sur gazon et l’impression laissée pendant ses 13h48 passées sur le court le positionnent en favori logique de cette "belle".
Et au vu de sa vitesse d’apprentissage et de progression, nul doute qu’il se servira de son échec en demi-finale de Roland-Garros pour être au niveau de ce nouveau prestigieux rendez-vous. Suffisant pour devenir le deuxième Espagnol de l’ère Open à rejoindre la finale de Wimbledon ? Réponse en deuxième rotation sur le Centre Court.