Après les surprises et les émotions de mardi, les favoris du jour ont presque tous tenu leur rang sur les courts du All England Club. Seule exception, la tenante du titre Elena Rybakina est tombée dans un remake de la finale de l’an passé face à la non moins favorite Ons Jabeur.
Wimbledon J10 : Alcaraz affamé, Jabeur prend sa revanche
Alcaraz qui s’offre Rune, Medvedev en briseur de rêve et Jabeur qui prend sa revanche avant d’affronter Sabalenka… Voici ce qu’il faut retenir des derniers quarts de finale à Wimbledon.
Alcaraz trop fort pour Rune
Le Centre Court et tous les amateurs de tennis en frémissaient d’avance. Mais s’il y a eu du spectacle, quelques points grandioses et de la tension – notamment dans la première manche –, Carlos Alcaraz a été beaucoup trop autoritaire pour laisser place à un quelconque suspense face à son ami Holger Rune. Dans ce premier quart de finale de l’ère Open à Wimbledon entre deux joueurs de moins de 21 ans, le Murcien a réellement bataillé pendant un set avant de prendre pleinement la mesure de son talentueux adversaire (7/6(3), 6/4, 6/4 en 2h21)
Sous la menace d’un break dès le premier jeu, il a effacé l’opportunité avant de livrer un mano à mano somptueux jusqu’au tie-break. Un instant décisif où tous les points sont importants comme le dit si bien le maître de l’exercice. Mais après un premier mini-break effacé, le Danois a commis l’irréparable en offrant un point capital à son adversaire sur une double-faute. "C'était difficile, au début j'étais vraiment nerveux de jouer un quart de finale ici à Wimbledon, a analysé le vainqueur. Batailler contre Rune, qui a le même âge que moi et qui joue à un très bon niveau était un challenge. Mais une fois que vous avez atteint ce stade de la compétition, il n'y a plus d'amis, vous devez vous concentrer sur votre côté du filet."
Un premier choc dans l’esprit de l’un, un véritable électrochoc dans celui de l’autre. Solide sur son service (79% de points gagnés derrière sa première), quasi impérial au filet (78% de réussite) et d’une justesse chirurgicale malgré les prises de risques (35 coups gagnants, 13 fautes directes), le patron du circuit a enfoncé la moindre porte entrouverte et réalisé un break fatidique par manche pour définitivement se débarrasser d’un Rune aux jambes lourdes dans le dernier acte.
Une victoire sans doute plus facile que prévu dans ce duel d’ambitieux qui lui permet d’atteindre les demi-finales au All England Club pour la première fois de sa jeune carrière. Tout comme Rafael Nadal et John McEnroe, il disputera ce vendredi contre Daniil Medvedev le troisième match de cette importance en Grand Chelem avant ses 21 ans. "C’est incroyable, ce tournoi est tellement magnifique, a-t-il confié sous les acclamations descendues des tribunes. C’est un rêve de disputer une demi-finale ici. Je ne m’attendais pas à jouer aussi bien sur cette surface donc c’est assez fou."
Medvedev, briseur de rêve
C’est peut-être dans les cordes que Daniil Medvedev est le meilleur. Pendant un peu plus de deux sets, l’ancien numéro un mondial a subi la fougue et l’incroyable puissance de l’ouragan Christopher Eubanks, véritable révélation de ce Wimbledon 2023. Auteur de 74 coups gagnants tout au long de la rencontre (!), l’Américain a de nouveau enchanté le Court n°1, en fusion à chaque frappe supersonique de l’outsider de ce dernier carré.
Novice à ce stade de la compétition, il a connu quelques difficultés bien compréhensibles avant de pleinement entrer dans sa partie et n’a rien pu faire lors d’une première manche où son adversaire a été parfait, ne commentant qu’une seule faute directe en dix jeux. Mais une fois ce premier refroidissement digéré, le 43e joueur mondial a fait nettement monter la température en livrant une prestation exceptionnelle dans les deux sets suivants. De ses coups droits surpuissants à ses services précis en passant par ses montées au filet à la pelle, il a transformé son opposant en essuie-glace, le repoussant bien souvent au niveau des juges de ligne.
Abasourdi mais pas abattu, le protégé de Gilles Cervara a fait le dos rond et s’est largement appuyé sur sa première balle (28 aces durant la rencontre) pour refaire la course en tête dans la quatrième manche. En ne perdant que deux points sur sa mise en jeu, en entrant davantage dans le terrain et en mettant plus de pression sur l’engagement adverse, il s’est laissé une chance d’inverser la tendance en poussant jusqu’au tie-break. Un moment clé durant lequel Eubanks a fini par flancher, malgré le soutien toujours bruyant du public et de Coco Gauff, présente en tribunes.
Passé mathématiquement à quatre points d’une qualification en demi-finale de Grand Chelem, le natif d’Atlanta n’est pas parvenu à relancer une dernière fois la machine. Une aubaine pour un Medvedev dont la patience a payé au terme d’un gros combat de 2h58 où les cordages et les balles ont grandement souffert (6/4, 1/6, 4/6, 7/6(4), 6/1). Une 46e victoire cette saison qui lui ouvre les portes d’une première demi-finale à Londres, sa 6e en Grand Chelem. Désormais, pour passer un cap supplémentaire, il faudra donc surmonter un obstacle encore bien plus dangereux, en la personne de Carlos Alcaraz.
Jabeur, l’étincelante revanche
Cette année, Wimbledon sacrera donc une nouvelle championne. Dans un remake de la finale de l’an passé, Ons Jabeur a renversé Elena Rybakina (6/7(5), 6/4, 6/1) pour prendre une magnifique revanche et se hisser pour la troisième fois de sa carrière dans le dernier carré d’un Grand Chelem. Dans une rencontre au scénario inverse à celui de leur précédente confrontation, la Tunisienne est montée en puissance et n’a jamais rien lâché, distillant comme à son habitude des coups venus d’ailleurs. "Ça a été très difficile aujourd’hui, a-t-elle expliqué face à la presse. Une joueuse comme Elena vous pousse parfois à jouer différemment mais je suis heureuse d’avoir respecté le plan fixé au départ avec mon coach. Elle m’a mis beaucoup de pression et frappait très bien mais je suis très contente d’avoir su rester concentrée."
Une opposition de style totale qui a d’abord tourné à l’avantage de la tenante du titre. Au terme d’une première manche où les deux protagonistes ont enchainé les jeux et les breaks blancs, la numéro 3 mondiale a sauvé une balle de set sur l’engagement adverse avant de remporter le tie-break pour faire la course en tête. Un coup dur et quelques gestes d’agacement mais pas de découragement de la part de la "Ministre du bonheur".
Toujours aussi précise dans ses slices, ses amorties mais aussi ses frappes le long des lignes (35 coups gagnants pour 18 fautes directes), elle a patiemment attendue son heure, finalement arrivée à 4-4 dans le deuxième set. "Après avoir perdu le premier set, je suis revenue en me disant que je n’avais rien à perdre, j’ai tenté sur chaque coup, a-t-elle poursuivi. Dans ma façon de jouer, je me suis sentie tellement libre sur le court !" Coupable d’approximations (21 coups gagnants et 20 fautes directes), Rybakina a subi la foudre de sa vis-à-vis dont le bras n’a pas tremblé au moment de servir pour égaliser à une manche partout.
Très en jambes, elle a poursuivi ses changements de rythme et son travail de sape en s’offrant un break rapide dans le set décisif. Celui de trop pour la championne sortante qui malgré plusieurs opportunités (2/9 sur les balles de break) n’a jamais réussi à écarter la 6e joueuse mondiale d’un nouveau destin doré au All England Club. Une victoire que l’on qualifiera aisément de Jabeuresque, tant elle a fait étalage de son incroyable palette et d’une grande force mentale.
Ce jeudi, une joueuse similaire sera de l’autre côté du filet. Il y a deux ans, Aryna Sabalenka avait pris le dessus sur la Tunisienne en quarts de finale. Mais cette dernière semble prendre goût à la revanche : "Je pense que je me suis prouvé à moi-même que je pouvais tenir tête à ces joueuses. J’ai la preuve que je peux commencer le match en confiance et à 100%. Honnêtement, je n'ai rien à perdre. Je vais jouer comme le deuxième et le troisième set d’aujourd’hui". Sortez les pop-corn.
Sabalenka, deux couronnes en ligne de mire
Après Bianca Andreescu, Petra Kvitova et Elena Rybakina, Ons Jabeur affrontera donc une autre championne de Grand Chelem. Titrée à l’Open d’Australie et demi-finaliste à Roland-Garros, Aryna Sabalenka a fait très forte impression pour rallier le dernier carré, comme en 2021 lors de sa dernière participation. En totale maîtrise depuis son set perdu face à Varvara Gracheva au deuxième tour, elle a de nouveau livré une prestation pleine de puissance et de justesse pour se défaire de Madison Keys en 1h27 (6/2, 6/4). Très agressive derrière sa première et en retour, elle a d’abord étouffé l’Américaine pour prendre largement les devants dans la première manche.
Mais le plus surprenant dans ce duel de cogneuses, c’est sans doute la capacité de la numéro deux mondiale à prendre l’initiative sans faire beaucoup d’erreurs (14 fautes directes sur l’ensemble de la rencontre). Un mélange de frappes inatteignables, de toucher délicat et de réussite dans toutes les situations, même en étant menée 4-2, trois balles de 5-2 dans la deuxième manche. Sans jamais paniquer, elle a conservé son plan d’attaque pour glaner les quatre derniers jeux de la rencontre et ainsi devenir la troisième joueuse de l’ère Open à remporter ses six premiers quarts de finale en Majeur après Ann Jones et Chris Evert.
"C’est fantastique de pouvoir disputer une nouvelle demi-finale ici, j’espère pouvoir faire mieux que la dernière fois ! C’était un match difficile, notamment dans le deuxième set mais j’ai réussi à m’en sortir. C’est toujours un plaisir de jouer sur ce court, devant vous" a-t-elle lancé avec le sourire au public.
Un succès rondement mené qui lui ouvre donc les portes du dernier carré pour la troisième fois cette année en Grand Chelem, une première depuis Serena Williams en 2016. Au-delà de son envie de poursuivre sa saison de rêve et de disputer la finale de Wimbledon, Aryna Sabalenka sera portée par une motivation supplémentaire face à Ons Jabeur : en cas de succès, elle s’emparera de la couronne mondiale pour la première fois de sa carrière. "On verra si je suis prête à devenir numéro un mondiale et si je suis prête à jouer une nouvelle finale, a-t-elle poursuivi en conférence de presse. Pour être honnête, je veux les deux ! Mais j'essaie de me concentrer sur moi-même parce que je sais que si je commence à penser tout ça, je ne pas être focus sur mon jeu".