Un peu plus d’un mois après sa défaite en finale de Wimbledon, Novak Djokovic a pris une revanche épique sur Carlos Alcaraz. Au terme d’un nouveau match d’anthologie entre les deux hommes, le Serbe a glané son 39e trophée en Masters 1000. Chez les dames, Coco Gauff a confirmé son excellente forme en ouvrant son compteur dans cette catégorie, deux semaines seulement après son sacre à Washington.
Cincinnati : Djokovic titanesque, Gauff scintille encore
Novak Djokovic et Coco Gauff ont quitté Cincinnati avec un prestigieux trophée dans leur valise et énormément de confiance. De bon augure, à seulement une semaine de l’US Open.
Djokovic : "Un des matchs les plus difficiles de ma vie"
Heureux sont les couche-tard qui se sont installés devant leur téléviseur à 22h30 (heure française) ce dimanche. Immanquable sur le papier, l’affiche étoilée opposant Carlos Alcaraz et Novak Djokovic a viré au chef-d’œuvre entre deux hommes unis par le goût du combat et le refus d’abdiquer. Au-delà des coups majestueux, de l’alternance des prises de pouvoir et d’une énorme tension, c’est bien cet amour de la bataille jusqu’au dernier souffle qui offre à cette rencontre une place toute particulière dans la hiérarchie des matchs de l’année et des finales de Masters 1000.
"C’est fou, je ne sais pas quoi dire d’autre, a expliqué le champion sur le court. C’est difficile à décrire mais c’est l’un des matchs les plus difficiles de ma vie, peu importe le tournoi, la catégorie, le niveau, l’adversaire. C’est incroyable. Du début à la fin, il y a eu des hauts et des bas, des points incroyables, des jeux médiocres, des coups de chaud, des come-backs… C’est l’un des matchs les plus excitants de ma carrière et c’est pour ça que je continue de travailler tous les jours."
Voir le joueur masculin le plus titré de l’histoire en Grand Chelem s’écrouler sur le court de soulagement, d’épuisement et de bonheur avant d’arracher son t-shirt dans un victorieux cri de rage, symbolise parfaitement l’intensité du duel épique livré par les deux meilleurs joueurs du monde. Car le Serbe est revenu de l’enfer dans cette finale aux multiples scénarios. Auteur d’un meilleur départ et d’un break rapide dans la première manche, il a vu son adversaire monter en puissance malgré la fatigue accumulée par ses précédents succès, tous bouclés en trois manches. Des prises de risques, des frappes puissantes et une couverture de terrain exemplaire qui ont permis au Murcien de mener 7/5, 3-1 puis 4-2.
Au bord de l’apoplexie après avoir livré son engagement sur un plateau en faisant trois doubles fautes consécutives en début de deuxième manche, "Nole" a eu besoin d’un temps mort au cours duquel le médecin lui a pris sa tension. Mais même avec un genou et demi à terre, un champion de sa trempe ne meurt jamais. En vieux briscard du circuit, il est retourné au charbon en imposant un faux rythme pour recoller à 4-4 avant de pousser son adversaire dans un tie-break irrespirable après avoir sauvé une balle de titre à 6-5 ! "J’étais tendu, ça ne fait aucun doute, a-t-il poursuivi en conférence de presse. Quand vous faites face à l'un des meilleurs joueurs du monde, dans l'un des plus grands tournois du monde, vous ne pouvez pas toujours vous sentir complètement libre de faire ce que vous voulez. Il y a des moments où on manque de concentration, d’énergie, peu importe. Il faut juste essayer de se sortir de cette situation. C’est ce qui a rendu ce match incroyable."
Alcaraz : "Je suis fier de moi"
Déjà grandiose, ce sommet de tennis a basculé dans l’irréel à l’occasion du set décisif. Et le mérite est largement partagé entre les deux protagonistes. Si le "Djoker" a repris du poil de la bête et retrouvé sa splendeur à la relance pour s’envoler à 5-3, "Carlitos" s’est montré héroïque en sauvant deux premières balles de match sur son engagement puis deux autres à 5-4 dans un jeu exceptionnel par sa durée, son suspense et la qualité des frappes après près de 4h de match. Une résilience et des prises de risques ahurissantes pour se donner le droit de disputer un nouveau tie-break. "Honnêtement, je suis fier de moi, a expliqué l’Espagnol face à la presse. Je ne sais pas pourquoi j’ai pleuré à la fin de la rencontre parce que je me suis battu jusqu’à la dernière balle. J’ai failli gagner contre l’un des plus grands joueurs de notre discipline."
Le sang-froid, l’expérience et la science de l’exercice du Serbe ont fini par faire la différence dans cette rencontre extraordinaire (5/7, 7/6(7), 7/6(4) en 3h49). Il n'a d'ailleurs pas hésité à la comparer avec sa victoire en finale de l’Open d’Australie 2012 contre Rafael Nadal, qu’il avait célébrée à l’identique. "Evidemment, aujourd’hui c’était en trois sets mais en presque quatre heures. Je le répète, c'est l'un des matchs les plus excitants et les plus difficiles mentalement, émotionnellement et physiquement de toute ma carrière" a-t-il conclu. Une comparaison qui a évidemment touché son adversaire. "Pour moi, c'est formidable d'entendre ce genre de choses de la part de Novak, qui a joué des matchs emblématiques et historiques. Il a dit que certaines rencontres contre moi étaient parmi les plus difficiles de sa carrière, c'est formidable. Cela signifie que mon équipe et moi-même faisons du bon travail, que nous sommes sur la bonne voie" a analysé l’élève de Juan Carlos Ferrero.
S’il y a toujours un vainqueur et un vaincu à l’issue d’un match, c’est bel et bien le tennis qui est sorti gagnant et grandi de ce monument. Une nouvelle rivalité qui fait évidemment regretter l’écart d’âge entre les deux monstres mais qui met l’eau à la bouche, à trois semaines de la finale de l’US Open, où ils pourraient se retrouver. Quoi qu’il arrive à Flushing Meadows, si Novak Djokovic passe le premier tour, il sera de nouveau numéro un mondial le 11 septembre.
Gauff sur la voie royale
Quelques heures avant que Djokovic ne devienne le joueur le plus âgé à remporter le tournoi, Coco Gauff est quant à elle devenue la plus jeune joueuse sacrée à Cincinnati. A 19 ans, l’Américaine a bouclé une tournée américaine quasi parfaite en glanant une 11e victoire en 12 rencontres, brandissant par la même occasion ses 4e et 5e trophées en carrière, assurément les plus prestigieux. "C’est le plus grand titre de ma carrière, c’est fou de pouvoir dire ça, a-t-elle confié avec un large sourire. Je m’étais dit un peu plus tôt cette année que je voulais m’améliorer dans les tournois 500 et 1000. J’ai atteint cet objectif et je suis vraiment heureuse de ma forme actuelle ! "
Et si ce dernier match entre deux finalistes de Roland-Garros (Gauff en 2022, Muchova en 2023) n’a pas tenu toutes ses promesses en raison de la fatigue et de la tension des deux joueuses (6/3, 6/4 en 1h56), il ne faudrait surtout pas oublier que Coco a enfin conjuré le sort dans le dernier carré, en battant pour la première fois la numéro un mondiale après sept tentatives infructueuses. "Au-delà de cette victoire en finale, le moment fort a sans aucun doute été la victoire contre Iga, a-t-elle confirmé à WTA Insider. Ça m’a donné beaucoup de confiance. Parfois, on gagne un titre, puis on perd un match et on retourne à d’anciennes habitudes. Je n’ai pas laissé la défaite à Montréal (face à son amie Jessica Pegula) m’affecter. Au contraire, j’ai été davantage motivée pour m’améliorer."
Une période dorée, une efficacité redoutable au service, une rapidité d’exécution impressionnante et des progrès sur son coup droit qui placent inévitablement la jeune pépite très haut sur la liste des favorites du dernier Grand Chelem de la saison. "Ces deux dernières semaines, je n’ai fait que des ajustements mineurs, a poursuivi la joueuse désormais coachée par Pere Riba et Brad Gilbert. Je vais essayer de garder ce niveau et même de progresser encore à l’US Open. Je vais tout donner et si les choses se passent bien, ce sera très enthousiasmant. Dans le cas contraire, je retournerai travailler dur et je me préparerai pour la prochaine échéance. C’est la mentalité qu’il faut avoir."
Frustrée et déçue par son élimination au premier tour de Wimbledon, la 6e joueuse mondiale est définitivement passée à autre chose de la meilleure des manières. Devant son public, la quart de finaliste de la précédente édition aura de nouveau l’occasion d’écrire une très belle page de sa jeune – et déjà glorieuse – carrière.