J5 : la carte postale de Roland

Anecdote, tranche de vie, moment fort... Chaque jour, Roland-Garros vous envoie sa carte postale.

 - Rémi Bourrieres

Cher public,

Dis donc, tu ne chercherais pas un peu à me voler la vedette, par hasard ? J'entends parler de toi depuis le début du tournoi : ta présence en masse, ton enthousiasme débordant et parfois tes excès, qui sont le revers de la passion. Avec les stars et la pluie, tu es incontestablement l'un des acteurs majeurs de ce début de quinzaine, semble-t-il encore plus que d'habitude.

Je ne serai pas le premier à m'en offusquer : sans toi, je sais que je n'existerais pas. Cette passion commune qui t'anime - qui nous anime - est notre raison d'être. Elle existe depuis toujours. Tu te souviens de nos débuts, aux années folles des Mousquetaires, cette furie populaire, ces gens nichés sur les toits, ces coussins qui volaient sur le Central ? Je ne sais pas si, depuis, j'ai retrouvé une telle folie. Alors tu vois, le phénomène n'est pas nouveau. Encore moins français. Il est peut-être sociétal, en revanche.

Depuis cette époque bénie du tennis français, j'ai aussi connu des moments de creux. Notamment lors des années pré-ère Open, où les joueurs professionnels n'étaient plus les bienvenus chez moi. Et puis, plus récemment, lors de l'infâme période Covid, où j'ai carrément été disputé à huis clos. Quand on a vécu ces moments-là, on ne peut que se réjouir de te voir désormais aussi plein de vie, plein d'énergie. J'imagine qu'il y a un lien de cause à effet : plus que jamais, tu dois ressentir le besoin de profiter de ces moments de liberté et de légèreté.

Chloé Paquet, Roland-Garros 2024, 2e tour© Pauline Ballet / FFT

Mais voilà : si mon rôle est de te galvaniser, il est aussi de te canaliser, parfois. Peu importe le niveau sonore que tu atteins, du moment qu'il se fasse entre les points. Que tu puisses, par ta pression constante et tes bonnes vibrations, avoir une influence sur le résultat ne me dérange absolument pas, bien au contraire ; je dirais même que c'est l'essence du sport. Du moment que tout cela s'exerce dans le respect de l'adversaire, y compris si celui-ci vient te chercher, ou te chambrer. Tu dois être au-dessus de ça.

Toi et moi, nous sommes un peu comme un couple qui se connaît depuis toujours. Et il peut arriver, comme dans tous les couples, des petites divergences, des moments où l'on n'évolue pas tout à fait parallèlement, des moments où il faut procéder à quelques ajustements. Ce sont dans ces moments-là qu'il faut se parler, plus que jamais.

Aussi ai-je éprouvé le besoin d'aller passer ce jeudi un long moment en tête-à-tête avec toi, sur différents courts où évoluaient des joueurs français. Bien sûr, même en mon sein, je ne peux pas avoir les yeux partout, tout le temps. Mais au-delà de quelques galéjades d'un goût douteux lancées par quelques plaisantins isolés, rien de ce que j'ai vu ou entendu ne m'a fait sortir de terre (battue). J'ai globalement passé un super moment. C'est comme ça que je t'aime, cher public. Et je te conjure de rester ainsi.