Comme il fallait bien rajouter une touche historique à la grande Histoire, Novak Djokovic a fait les choses en grand : il est devenu le premier, depuis Gaston Gaudio en 2004 (face à Guillermo Coria), à remonter un handicap de deux sets en finale de Roland-Garros, pour crucifier Stefanos Tsitsipas dans la dernière ligne droite (6/7(6), 2/6, 6/3, 6/2, 6/4 en 4h11) et remporter son deuxième titre Porte d'Auteuil, après 2016.
Djokovic, une histoire en marche...
Mené deux sets à rien par un épatant Stefanos Tsitsipas, Novak Djokovic a tout renversé pour triompher une deuxième fois à Roland-Garros. C'est son 19e Grand Chelem !
C'est le 19e titre du Grand Chelem de Djokovic, et voilà donc le n°1 mondial revenu –pour la première fois de sa carrière- à une petite unité de Roger Federer et Rafael Nadal dans cette prestigieuse course aux titres majeurs.
Djokovic est immense, définitivement inclassable, mais si son sacre est aussi beau, c'est en grande partie aussi grâce à Stefanos Tsitsipas, qui lui aura donc donné en finale une réplique magnifique. C'est un poncif : pour faire un grand match, il faut être deux, et le Grec, pour sa première finale de Grand Chelem, a été tout à fait à la hauteur de l'événement.
Disputer une première finale majeure, face au n°1 mondial, face aux enjeux historiques de ce match, ça n'était pourtant pas une sinécure. Mais si "Tsi-Tsi" était tendu, ça s'est vu lors des tout premiers points de la partie, pas beaucoup plus. Après avoir entamé le match par une double-faute et sauvé deux balles de break d'entrée, il a écarté le danger en alignant trois aces, ce qui lui a permis de se décontracter.
Le match, dès lors, est devenu magnifique, notamment lors d'un premier set qui restera l'un des grands moments de ce Roland-Garros 2021. Djokovic, rentré dans sa finale comme un boulet de canon, alignait ses trois premiers jeux de service sans perdre le moindre de point et mettait une pression terrible sur son adversaire.
Un tie-break irrespirable
Mais Tsitsipas résistait héroïquement, et les événements se sont accélérés lors d'une fin de set qui a hésité à basculer d'un côté ou de l'autre. A 5-4, le Grec se procurait une balle de set sur le service adverse, mais Djokovic la sauvait d'un intelligent revers court croisé, avant de réussir dans la foulée le premier break, gagnant ainsi le droit de servir pour le set (à 6-5). Étrangement, il commettait alors un jeu de service catastrophique, et tout allait se dénouer lors d'un jeu décisif à suspense.
Mené 4 points à 0, Djokovic remontait en réussissant notamment deux volées de revers, dont une assez miraculeuse avec l'aide de la bande du filet. A 6 points à 5, c'est lui qui s'offrait à son tour une balle de set, magnifiquement sauvée par Tsitsipas d'un enchaînement service/coup droit plein de panache. Deux fautes de Djokovic plus tard, c'est le Grec qui enlevait cette première manche longue d'1h12.
Un coup de semonce ? Un peu, oui. Mais le plus surprenant avait été de constater la brusque baisse de régime de Djokovic à la fin du premier set. Les conséquences d'une chute spectaculaire survenue en milieu de set après avoir couru en vain après une amortie ? Une fatigue passagère ? La tension de l'histoire qui le rattrapait soudain ? Toujours est-il que le Serbe plongeait littéralement dans le deuxième set, survolé par un Tsitsipas devenu désormais le maître du court.
Mais, après une pause fraîcheur prise aux vestiaires à la fin du deuxième set, le n°1 mondial revenait sur le terrain dans de toutes autres dispositions. Au terme d'un quatrième jeu long jeu de 18 points, il ravissait le service de son adversaire qui, à son tour, donnait des signes de fatigue.
A la fin du troisième set, Tsitsipas prenait un temps mort médical pour se faire manipuler en raison, il le dira plus tard, d'une hanche coincée. Insuffisant pour raccrocher les wagons au quatrième set. Pour la première fois depuis 2004, la finale de Roland-Garros allait donc se jouer en cinq sets.
"A partir du 3e set, j'ai commencé à jouer un peu court, j'ai perdu un peu mes sensations, a pour sa part expliqué le Grec, admirable d'honnêteté lors de sa conférence de presse. C'est étrange parce que jusque là, tout était parfait et d'un coup, j'ai perdu mon rythme. J'aurais voulu comprendre pourquoi, pour essayer d'inverser le cours des choses."
La plus longue finale depuis 1987
A défaut de retrouver son coup de raquette magique, le Grec, si près de l'Olympe, repartait au courage à l'assaut du cinquième, écartant une balle de break d'entrée. Mais cette fois encore, il cédait son service rapidement au terme d'un long troisième jeu (1-2). Et n'allait plus avoir la moindre opportunité de refaire son retard. Dans les trois derniers sets, Tsitsipas n'aura d'ailleurs pas eu la moindre balle de break à se mettre sous la dent.
Toujours au courage, Tsitsipas, qui obtiendra ce lundi son meilleur classement (4e), écartait deux balles de 5-2 (double break), puis brillamment une première balle de match à 5-4, d'un revers gagnant. Mais Djokovic, cette fois, tenait sa proie. Malgré quelques (légers) signes de fatigue au moment de conclure, il le faisait finalement d'une volée haute de coup droit dans un court laissé libre. Le point final de son chef-d'œuvre, après 4h11 de jeu, soit la plus longue finale à Paris depuis Lendl-Wilander en 1987 (4h17).
A 34 ans, Novak Djokovic décroche donc son deuxième titre à Roland-Garros et devient ainsi le premier joueur à avoir désormais remporté tous les titres majeurs au moins deux fois dans l'ère Open (seuls Rod Laver et Roy Emerson l'ayant fait au préalable).
Surtout, il décroche son 19e Grand Chelem et là, évidemment, cela change beaucoup les perspectives quant à l'issue finale de la fameuse course au GOAT (Greatest Of All Times) qui passionne les suiveurs du tennis. Voilà le Serbe désormais revenu à une unité de Roger Federer et Rafael Nadal, qu'il aura donc l'occasion d'égaler à Wimbledon, où il s'avancera en favori, et éventuellement de dépasser à l'US Open.
"Je suis évidemment ravi et très fier de marquer l'histoire de mon sport que j'aime de tout mon cœur, a-t-il réagi en conférence de presse. Je ne pourrais pas être plus heureux du scénario de ces 48 dernières heures ici. Battre Rafa, sur son sort, après une telle bagarre, puis rebondir pour battre Tsitsipas en finale après plus de 4 heures de jeu, cela restera dans le top 3 des mes plus grandes expériences tennistiques."
S'il y parvient, cela signifiera que, non content d'avoir battu le plus prestigieux record de l'histoire du tennis, il aura surtout signé l'exploit le plus mythique : un "vrai" Grand Chelem calendaire, qu'aucun joueur n'a réussi depuis Rod Laver en 1969.
On en est encore loin, bien sûr. Djokovic peut déjà se satisfaire d'avoir été le premier à réussir la moitié de ce Grand Chelem depuis lui-même en 2016. Le premier aussi à remporter Roland-Garros après avoir remonté par deux fois un handicap de deux sets (il l'avait fait contre Musetti en huitièmes). Le premier, surtout, à avoir battu Rafael Nadal deux fois à Roland-Garros.
Autant son premier succès sur l'Espagnol en 2015, en quarts de finale, avait été très "oubliable", tant le maître des lieux était loin de son meilleur niveau cette année-là, autant celui de cette année, en demi-finales, restera probablement dans les mémoires. Le temps se chargera de dire si ce match restera le symbole d'une passation de pouvoir mais ce qui est sûr, c'est qu'il restera au Panthéon des succès de Novak Djokovic.
Pourtant, même si c'est cruel à dire, la valeur de ce succès aurait été largement atténué si le Serbe avait dû s'incliner en finale, comme ça avait été le cas pour lui en 2015 (à l'image de Robin Söderling en 2009). Là, au contraire, il s'en trouve magnifié...