Rune, du bas de tableau vers le haut de l'affiche ?

Dans un bas de tableau dénué de net favori, le moins attendu d'entre eux, Holger Rune, peut-il tirer son épingle du jeu ?

Holger Rune Roland-Garros 2022©Philippe Montigny / FFT
 - Rémi Bourrieres

Entre Marin Cilic et les trois "Ru" – Casper Ruud, Holger Rune et Andrey Rublev -, qui se disputeront à partir de ce mercredi une place en finale de Roland-Garros, le bas du tableau s'annonce ouvert. S'il est le plus jeune et le moins bien classé de tous, Rune a des atouts à faire valoir…

Un seul être vous manque, et tout semble dépeuplé. À l'inverse du haut du tableau masculin, régi depuis le début de la quinzaine par une logique rigoureuse, le bas donne l'impression d'un vaste champ des possibles d'où émergera le nom d'un finaliste de Roland-Garros inédit : Casper Ruud, Holger Rune, Andrey Rublev ou Marin Cilic.

Cette impression de surprise n'est pas totalement juste. Dans la mesure où Daniil Medvedev était arrivé sans grands repères sur ce Roland-Garros, le seul véritable absent de marque des quarts de finale de ce bas de tableau, qui seront joués ce mercredi, est Stefanos Tsitsipas, battu en huitièmes par le teenager Holger Rune (19 ans). Tandis que les autres sont peu ou prou à leur place, ce dernier, a contrario, est celui que l'on n'attendait pas, en tout cas pas encore, à ce niveau.

Bien sûr, le monde du tennis le surveillait de près depuis un moment, notamment depuis qu'il avait pris un set à Novak Djokovic l'an dernier à l'US Open. Quelques mois plus tôt, en mars 2021, il était devenu, à Santiago, le premier joueur né en 2003 à atteindre un quart de finale sur le circuit principal. Plus précoce sur ce plan que Carlos Alcaraz, son cadet de six jours.

Mais début 2022, celui qui deviendra le premier Danois à disputer un quart de finale majeur dans l'ère Open n'était même pas classé dans le top 100. Et puis, tout est allé vite, avec notamment un premier titre ATP décroché début mai à Munich, avec une victoire face à Alexander Zverev au passage. De là à le voir d'ores et déjà à ce niveau à Paris ? Dur à penser au vu de son parcours à Lyon, une semaine avant Roland, où il avait failli se faire battre en quarts par le Français Manuel Guinard (3/6, 6/3, 6/4), 158e mondial, dans un match qu'il avait terminé perclus de crampes dans le 3e set.

"Beaucoup de joueurs auraient abandonné à sa place, mais pas lui, admire le coach de Manuel Guinard, Sébastien Villette, dont l'autre "poulain", Arthur Rinderknech, s'était également incliné au 1er tour contre le phénomène danois. Il s'est mis à jouer différemment, à tenter des coups spéciaux, à servir à la cuillère et au final, il a trouvé le moyen de gagner. Parmi les jeunes du circuit, il est l'un de ceux qui a le plus de maturité et de roublardise. Il a cette capacité à gagner des matchs qu'il ne devrait pas gagner, ce qui est l'apanage des plus forts."

Un Scandinave au sang chaud

À l'opposé des clichés qu'on peut se faire sur les Scandinaves au sang-froid, Holger Rune démontre, sur le terrain, un tempérament très expressif, parfois volcanique. "On a l'impression qu'il y a toujours quelque chose qui le dérange quand il joue, faisait remarquer Tsitsipas après sa défaite lundi. Et puis, tout à coup, il se met à jouer de manière fantastique." Méfiez-vous du Rune qui râle : généralement, c'est le signe qu'il est parfaitement dans son match.

En ce sens, il fera face à son contraire ce mercredi soir en la personne de Casper Ruud, dont l'attitude est plus linéaire, à l'image de son jeu, qui est axé sur une arme très clairement identifiée : son énorme force de percussion en coup droit. Concernant Rune, c'est plus nuancé. "C'est un joueur complet, qui n'a pas vraiment un coup beaucoup plus fort que l'autre, a eu tout loisir de remarquer Sébastien Villette à Lyon. Sa vraie force, en fait, c'est sa capacité à utiliser les bonnes armes au bon moment. Contre Manuel, il était dominé du fond de court alors il s'est mis à utiliser l'amortie et à monter davantage au filet. Il a une vraie science du jeu. Je pense qu'il a toutes les armes pour battre Ruud, à condition de tenir le choc sur le plan physique…"

Cela reste, en effet, la principale inconnue. On peut être à peu près sûr en tout cas que Casper Ruud l'emmènera sur le terrain du combat, et cherchera à asseoir son autorité. Le n°8 mondial, qui devient lui aussi le premier Norvégien à atteindre un quart de finale à Roland-Garros, est sans doute le plus pur terrien encore en lice dans ce bas de tableau, et se dégage à ce titre comme légèrement favori pour atteindre la finale. Mais il n'est pas le mieux classé ni le plus expérimenté, cet honneur revenant respectivement à Andrey Rublev et Marin Cilic, qui s'affronteront dans l'autre quart de finale.

À chacun ses atouts, chacun son mot à dire, donc, dans ce bas du tableau qui s'annonce très homogène. Et dans ce flou généralisé, Holger Rune semble tout à fait avoir les arguments pour s'inviter au débat : il est celui qui a laissé le moins de gomme sur le court depuis le début du tournoi, avec un seul set perdu (contre Tsitsipas) et des démonstrations très convaincantes face aussi à Denis Shapovalov au premier tour ou Hugo Gaston au troisième. Lui, en tout cas, ne nourrira aucun complexe : "J'ai une forte croyance en moi. Si je joue mon jeu, je crois que je suis capable de battre quasiment n'importe qui", disait-il après avoir battu le finaliste sortant. Et très franchement, au vu de son parcours ici, on n'oserait plus trop le contredire.