AO 2022 - J9 : Nadal au courage, Barty en balade

La grosse frayeur de Nadal

Ça ne fait plus aucun doute pour personne depuis de nombreuses années : Rafael Nadal est un incroyable guerrier. Eloigné des terrains pendant une bonne partie de la saison 2021 en raison d'une blessure au pied gauche, le Majorquin est arrivé à Melbourne sans certitude mais avec beaucoup d’envie et le sentiment d’être privilégié. En léger manque de sensations, il a semblé monter en puissance face à Karen Khachanov puis Adrian Mannarino.

Encore fallait-il confirmer face à l’un des hommes en forme de ce début d’exercice. Vainqueur de l’ATP Cup et auteur d’un début d’Open d’Australie très convaincant à l’image de sa victoire en trois sets face à Alexander Zverev, Denis Shapovalov se présentait avec de grandes ambitions. Seulement, face au Majorquin, les velléités ne suffisent pas et le Canadien en a fait les frais dans les deux premières manches. Incapable de se procurer la moindre balle de break, il a multiplié les gestes de frustration, s’agaçant même auprès de l’arbitre du temps que mettait Nadal pour retourner ses services.

Largement en tête après 1h39 de jeu, on pouvait alors imaginer un match assez tranquille pour le vainqueur de l’édition 2009, tout en maîtrise face à un adversaire commettant trop d’erreurs. Mais la force de "Shapo" a été de ne pas baisser les bras et d’enfin entrer pleinement dans le combat proposé par son vis-à-vis. Il a finalement obtenu ses premières opportunités à 3-2 en sa faveur dans la troisième manche. Et si "Rafa" a éteint le début d’incendie, le feu est vite revenu, le Canadien ne laissant pas passer sa chance lorsqu'il s'est procuré des balles de set à 5-4.

Déjà dans cette situation contre Karen Khachanov, Nadal avait sorti les muscles pour expédier la quatrième manche. Mais à coup de poings serrés et de "come on", Shapovalov prouvait point après point que la confiance avait changé de camp. A 2-1 en sa faveur, il a de nouveau réalisé le break pour ne plus jamais être rattrapé. Affaibli physiquement par des douleurs au niveau de l’estomac, c’est alors un Nadal livide et inquiet qui se trainait sur le court, incapable de fournir les efforts physiques nécessaires pour résister au bulldozer canadien.

Après une interruption de 7 minutes pour traitement médical au vestiaire, le Majorquin est revenu sur le court sans filet, suivi de près par le fantôme de Stefanos Tsitsipas, qui l’avait complètement renversé au même stade de la compétition l’année dernière. Pendant ces 7 longues minutes, Shapovalov s’est peut-être vu gagner le match trop tôt. Il a tout de même eu trois opportunités de faire le break lors des deux premières mises en jeu de Nadal dans cette cinquième manche.

Résultat ? La nervosité, la fébrilité et le manque de jugement ont repris le dessus, permettant à l’Espagnol de se détacher presque miraculeusement à 3-0. De nouveau plus serein sur son engagement (il a tout de même commis 11 doubles fautes durant la rencontre), le cinquième joueur mondial s’est concentré dessus et s’est contenté de remiser au mieux les services adverses. Suffisant pour s’offrir une 36ème demi-finale en Grand Chelem, sa 7ème à Melbourne (6/3, 6/4, 4/6, 3/6, 6/3 en 4h08).

"Je ne sais pas comment j’ai gagné ce match. J’ai juste essayé de survivre. Je souffrais beaucoup physiquement, j’essayais de gagner mon service et j’espérais un miracle au retour. C’était un match fort en émotions, très rude physiquement et mentalement. Je jouais très bien, j’ai eu des opportunités dans le troisième set mais je me suis senti de plus en plus mal. J’ai eu des douleurs à l’estomac et je n’arrivais plus à respirer […] Revenir de si loin et être en demi-finale ici, ça représente tout pour moi" a commenté le Majorquin au micro d’Eurosport. Il devra désormais se mesurer à Matteo Berrettini pour rallier la finale.

Berrettini résiste au retour de Monfils

Dans l'autre quart de finale masculin du jour, Gaël Monfils défiait Matteo Berrettini dans un match qui sentait la poudre entre deux gros cogneurs du circuit. Après un round d’observation de quatre jeux, l’Italien a profité d’un léger passage à vide du Français pour le punir en breakant blanc et s'envoler ainsi vers le gain de la première manche malgré un jeu de service plus compliqué que les précédents pour conclure le set.

Une moins grande maîtrise sur l’engagement du Romain confirmée au début de la deuxième manche, dans un jeu d’anthologie qui a duré 20 minutes ! Poussé à égalité à dix reprises, le septième joueur mondial a également sauvé trois balles de break avant de pouvoir crier sa rage en revenant à 2-2. Une bataille à haute intensité qui a laissé plus de traces chez le Parisien, de nouveau pris sur sa mise en jeu à 3-3. Plus réaliste donc mais aussi plus mobile, Berrettini ne s’est pas fait prier pour profiter de la baisse de régime adverse et virer largement en tête.

Mais comme Denis Shapovalov quelques heures auparavant, Monfils a eu le mérite de ne pas se résigner malgré la pression de son vis-à-vis à l’entame de la troisième manche. Capable cette fois de résister aux tentatives de break, le Français a continué de mettre la pression et n’a pas abdiqué malgré un manque certain de réalisme ou de chance, c’est selon. Son heure est enfin venue à 3-2, jeu durant lequel il a réussi à prendre la mise en jeu adverse sur sa sixième tentative !

Revigoré et toujours bruyamment encouragé par un public aux anges, Gaël s’est mis à frapper plus fort et à trouver des zones inatteignables pour le tombeur de PCB au tour précédent. De quoi remporter ce set et inverser complètement la dynamique. Beaucoup plus agressif et auteur de coups surpuissants - à l’image de son coup de fusil de fond de court pour s’offrir un nouveau break à 2-2 dans la quatrième manche – il n’a plus rien lâché pour s’offrir le droit de disputer un dernier set. Comble du renouveau, il a conclu sur le service de l’Italien.

Mais ce match fou allait encore connaître un revirement de situation. Après une pause assez longue, Matteo Berrettini est revenu sur le ring avec de toutes nouvelles intentions. L’agacement et les interrogations ont laissé place au regard noir et aux cris rageurs. Des frappes puissantes et une couverture de terrain exemplaire lui ont permis de refaire le trou, en quelques minutes seulement.

Si Monfils a réussi à stopper l’hémorragie à 4-0, le mal était fait. Encore plus fort et impressionnant qu’en début de rencontre, le rouleau-compresseur italien n’a plus laissé aucun espoir de retour au Français. Berrettini s’impose finalement sur sa troisième balle de match (6/4, 6/4, 3/6, 3/6, 6/2 en 3h49). Cette sixième victoire en sept rencontres disputées au meilleur des cinq manches lui ouvre les portes d’une première demi-finale prestigieuse à Melbourne face à Rafael Nadal, remake de la demi-finale de l’US Open 2019 remportée par le Majorquin.

"Je suis très heureux, c’était un gros combat face à Gaël. Je me suis perdu dans le troisième set et je me suis enfin retrouvé dans le cinquième ! J’ai tout donné sur le court. J’ai essayé de rester focus sur le match, ça arrive dans le tennis de mener puis de voir son adversaire revenir. J’ai gagné, je suis content" a-t-il concédé sur le court.

Barty continue sa balade

Aucun set et 17 petits jeux lâchés en route, tel est le bilan d’Ashleigh Barty, qualifiée pour les demi-finales de l’Open d’Australie. Un stade qu’elle n’avait atteint qu’une seule fois en simple jusqu’ici, en 2020. Opposée à Jessica Pegula ce mardi, la numéro un mondiale ne s’est pas laissée gagner par la nervosité malgré quelques légères approximations dans une première manche durant laquelle elle a commis plus de fautes directes que son adversaire. Toujours performante sur son engagement (6 aces, 81% de points gagnés sur sa première), elle a tout de même conclu en 35 minutes.

De quoi dégoûter Pegula et ses timides fulgurances, totalement portées disparues dans le deuxième set. Débordée de toute part et incapable de mettre en danger Ash Barty dans l’échange, elle a assisté comme spectatrice à la domination de l’Australienne, qui n’aura finalement passé qu’une heure et trois minutes sur le court (6/2, 6/0).

Deux ans après sa première tentative en demi-finale, la chouchou du public estime être une joueuse différente et croit évidemment en ses chances : "J’ai grandi en tant que personne, je suis également une joueuse plus complète, j’ai plus d’expérience. J’arrive davantage à résoudre les problèmes sur le court quand ça ne fonctionne pas. Jusqu’à maintenant, j’ai pris beaucoup de plaisir en jouant devant mon public".

Keys confirme son renouveau

L’Australienne, toujours plus favorite de "son" Grand Chelem à domicile, retrouvera donc Madison Keys, une autre Américaine dans le dernier carré. "Elle est de retour à son meilleur niveau, c’est l’une des meilleures joueuses du monde qui a été blessée ces dernières années. Je suis très heureuse de la revoir, c’est vraiment quelqu’un de très sympa. On a eu des grosses batailles par le passé, je suis très impatiente de la jouer !" a-t-elle confié à Jim Courier.

Une joueuse clairement de retour aux affaires au vu de ses deux derniers succès face à des têtes de série. Déjà impressionnante et pressée face à Paula Badosa en huitième de finale, Madison Keys s’est défaite de Barbora Krejcikova ce mardi (6/3, 6/2 en 1h25). Alors qu’elle n’avait pas tari d’éloge sur la championne de Roland-Garros 2021, la native de Rock Island s’est montrée plus solide et plus réaliste.

Bousculée en début de rencontre, elle est parvenue à écarter six balles de break lors de ses deuxième et troisième jeux de service avant de prendre un ascendant décisif pour virer en tête après 50 minutes d’une partie de nouveau disputée sous une chaleur écrasante. Des conditions difficiles très gênantes pour Krejcikova, qui s’est sentie mal au point de faire appel au médecin.

Si les 11 aces et les 77% de points gagnés sur la première balle de l’Américaine l’ont mise sur la bonne voie, son agressivité en retour lui a permis de virer plus rapidement en tête dans la deuxième manche et de ne jamais lâcher sa proie.

Avec cette victoire prestigieuse, celle qui a su retrouver son relâchement et son explosivité après une période compliquée, est de nouveau au rendez-vous du dernier carré de l’Open d’Australie, sept ans après sa demi-finale perdue contre Serena Williams. "Le sentiment est différent, j’ai sept ans de plus et ce ne sera pas ma première demi-finale en Grand Chelem. Je pense que je suis un peu mieux préparée cette année. Le plus important est de me concentrer sur mon plan de jeu, sur moi, peu importe mon adversaire" a-t-elle déclaré avec enthousiasme en conférence de presse.