La première est surprenante, la deuxième est une opposition de style très attendue. Ce jeudi, Elina Svitolina, Marketa Vondrousova et Aryna Sabalenka tenteront de rallier la finale de Wimbledon pour la première fois de leur carrière. De son côté, Ons Jabeur rêve d’une nouvelle revanche et d’un prestigieux back-to-back.
Wimbledon : surprise et blockbuster en demies
Focus sur les superbes affiches des demi-finales dames de cette édition 2023 du Grand Chelem londonien.
Elina Svitolina (WC) – Marketa Vondrousova
"Si quelqu’un m’avait dit que je serais en demi-finale en battant la numéro un mondiale, je l’aurais pris pour un fou !". L’histoire que vit Elina Svitolina est peut-être folle mais elle est surtout absolument magnifique. Neuf mois après avoir donné naissance à son premier enfant, trois mois après son retour sur le circuit et un mois après avoir créé une première surprise en ralliant les quarts de finale de Roland-Garros, elle est en demi-finale de Wimbledon. Un accomplissement pour n’importe quelle joueuse du circuit, une véritable renaissance pour "Svito".
Après quelques tâtonnements à Charleston, Madrid ou encore sur le circuit secondaire, elle a repris la pleine possession de son tennis à Strasbourg pour remporter son premier titre depuis un an et demi. S’en est suivi un parcours déjà hors-norme à Roland-Garros, ponctué notamment par des victoires face à Martina Trevisan, Anna Blinkova et Daria Kasatkina. Sa défaite logique en quarts de finale contre Aryna Sabalenka n’a pas altéré sa détermination, bien au contraire.
Bénéficiaire d’une invitation pour le Majeur londonien, elle réalise un parcours remarquable, avec notamment quatre victoires face à des joueuses titrées en Grand Chelem. Sa défense de fer, son mental et la qualité de ses frappes notamment face à Victoria Azarenka et Iga Swiatek ont subjugué tous les observateurs. Qualifiée pour la troisième demi-finale de sa carrière à ce niveau (après Wimbledon et l’US Open 2019), l’Ukrainienne ne joue pas simplement pour elle ou pour sa famille, elle se bat pour son peuple. "Je pense que la guerre m’a rendue plus forte, mentalement notamment, a-t-elle expliqué en conférence de presse suite à son succès en quarts de finale. Ça représente beaucoup pour moi, je sais que je suis suivie là-bas et je suis heureuse de pouvoir apporter un peu de joie au peuple ukrainien."
Désormais, pour se donner le droit de poursuivre son aventure et jouer sa première finale dans un tournoi de cette dimension, elle a rendez-vous avec Marketa Vondrousova. Et si la Tchèque a déjà eu le bonheur d’en disputer une lors de l’édition 2019 de Roland-Garros, sa présence dans le dernier carré ici n’en est pas moins une surprise. "Je n’imaginais pas pouvoir jouer aussi bien ici, car je n’avais jamais réussi de belles choses sur gazon par le passé, a-t-elle expliqué aux journalistes. C'est un sentiment incroyable. J’essaie de faire le maximum et chaque match est incroyablement difficile".
Des rencontres plus ou moins accrochées au cours desquelles elle s’est permise de faire tomber quatre têtes de série consécutivement. Après ses succès face à Veronika Kudermetova (n°12), Donna Vekic (n°20) et Marie Bouzkova (n°32), elle a créé l’exploit en renversant Jessica Pegula (n°4) alors que cette dernière menait 4-1 et avait une balle de 5-1 dans le set décisif. De quoi rappeler à tout le circuit que malgré des hauts, des bas et des blessures depuis son plus beau tournoi Porte d’Auteuil, son sang-froid et son jeu peuvent lui permettre de battre n’importe qui.
Et sa future adversaire en sait d’ailleurs quelque chose. Si elle est menée 3-2 dans ses confrontations avec Svitolina, celle qui occupe actuellement le 42e rang mondial avait nettement pris le dessus dans le dernier carré des Jeux Olympiques de Tokyo (6/3, 6/1) avant de finalement s’incliner en finale face à Belinda Bencic. Une autre époque pour les deux joueuses, qui rêvent désormais de signer le plus bel exploit de leur carrière.
Ons Jabeur (n°7) – Aryna Sabalenka (n°2)
Enoncer que les enjeux sont nombreux avant une demi-finale de Grand Chelem s’apparente à un pléonasme. Mais c’est particulièrement vrai pour Ons Jabeur et Aryna Sabalenka. La meilleure joueuse sur herbe depuis trois ans (27 victoires) affronte la meilleure joueuse de la saison (trois demi-finales en Grand Chelem, une première depuis 2016) dans une totale opposition de style.
La Tunisienne a d’ores et déjà écrit l’histoire de son pays et du monde arabe au cours de sa carrière mais ses ambitions ne font que grandir au fil des saisons et des exploits. Passée à un set de remporter le plus beau titre de sa vie lors de la dernière édition, elle avait prévenue qu’elle ferait tout pour revenir plus forte. Promesse tenue. "Je pense que l’an passé, je n'étais peut-être pas prête à jouer ce genre de match, a-t-elle confié en conférence de presse. Je ne regrette pas ce qui s’est passé. Comme je le dis toujours, c’est arrivé pour une raison et j’ai beaucoup appris de cette finale. Je suis très fière des progrès accomplis au niveau mental, physique et dans mon jeu".
Au vu de son match parfait face à Petra Kvitova en huitièmes de finale et de la leçon tactique et mentale donnée à Elena Rybakina en quarts, difficile de contredire l’actuelle 6e mondiale. Une revanche plus que savoureuse face à une joueuse dont le profil se rapproche grandement de celui de sa future adversaire, qui l'avait éliminée ici-même en quarts de finale il y a deux ans. "J’ai la preuve que je peux tenir tête à ces joueuses, que je peux commencer le match en confiance et à 100%. Honnêtement, je n'ai rien à perdre. Je vais jouer comme le deuxième et le troisième set d’aujourd’hui" a-t-elle souri après son succès face à la tenante du titre.
Sa palette technique, ses anticipations et ses déplacements apparaissent évidemment comme des atouts majeurs pour contrer la puissance exceptionnelle de Sabalenka. Et cette dernière ne s’y trompe pas : "Nous nous sommes entraînées ensemble avant le tournoi. J’ai senti qu’elle allait faire de belles choses parce qu’elle jouait un tennis incroyable sur le court. Je sais que les choses sont différentes à l’entraînement mais je m’attendais à ce qu’elle soit capable d’atteindre ce niveau en match […] Ses slices et ses amorties fonctionnent très bien sur gazon et je pense qu’elle est très forte mentalement. Elle écrit l’histoire et je crois que c’est sa plus grande motivation."
Mais la motivation, Aryna n’en manque certainement pas. Au-delà d’une nouvelle grande finale, la championne de l’Open d’Australie – qui a gagné 17 de ses 18 derniers matchs en Majeur, une première depuis Serena Williams en 2015 – détrônera Iga Swiatek en cas de succès ce jeudi. Un véritable accomplissement pour celle qui a toujours rêvé de s’installer en haut de la hiérarchie et dont le déclic mental opéré en début d’exercice lui ouvre toutes les portes.
Excepté un set perdu face à Varvara Gracheva, elle s’est montrée impériale tout au long de la quinzaine, à l’image de son succès rondement mené face à Madison Keys ce mercredi. Cataloguée à juste titre comme une joueuse puissante et agressive, elle a également fait preuve de subtilité, notamment sur quelques demi-volées venues d’ailleurs afin de dégoûter l’Américaine. Reste à savoir si sa justesse (14 fautes directes et 2 doubles-fautes seulement) et sa concentration lui permettront de nouveau de trouver la clé pour disputer une deuxième finale de Grand Chelem en carrière et devenir n°1 mondiale. "Pour être honnête, je veux les deux ! Mais j'essaie de me concentrer sur moi-même parce que je sais que si je commence à penser tout ça, je ne pas être focus sur mon jeu" a-t-elle conclu comme à son habitude avec le sourire.