Sur ses joues et celles de son entourage, ce sont des larmes de joie qui ont ruisselé abondamment durant de longues minutes hier soir, sur le Centre Court. Issue des qualifications, Lulu Sun venait tout juste de se qualifier pour les quarts de finale de Wimbledon, au terme d’un combat ahurissant de maîtrise et de puissance face à Emma Raducanu. Une première historique pour la Nouvelle-Zélande et pour cette joueuse pas comme les autres.
Wimbledon 2024 : qui est Lulu Sun, la surprise des quarts de finale ?
Focus sur la Néo-Zélandaise de 23 ans, sensation du tableau féminin de cette édition 2024 !
Un tournoi (déjà) exceptionnel
Avant de nous intéresser à la vie et à la surprenante trajectoire de Lulu Sun, un concis retour sur son tournoi s’impose. Débutée au Community Sport Centre de Roehampton il y 15 jours, sa formidable aventure a failli s’interrompre très tôt, dès le deuxième tour des qualifications lorsque son adversaire Gabriela Knutson a obtenu une balle de match. Une partie très disputée – et finalement remportée au super tie-break (4/6, 6/4, 7/6(6)) – qui lui a donné un surplus de confiance pour se défaire ensuite d’Alexandra Eala (7/6(3), 7/5) et ainsi accéder au deuxième tableau principal d’un tournoi du Grand Chelem en carrière, après l’Open d’Australie 2024 (défaite au premier tour contre Elisabetta Cocciaretto). De quoi devenir la première joueuse néo-zélandaise à réussir cette prouesse depuis Marina Erakovic ici-même en 2016.
La suite a été déterminée par un tirage au sort loin d’être clément sur le papier puisqu’elle s’est vue attribuer un énorme défi dès son entrée en lice : un duel face à la 8e joueuse mondiale et finaliste à Melbourne, Qinwen Zheng. Mal embarquée dans ce premier tour, elle est parvenue à renverser la situation (4/6, 6/2, 6/4 en 1h57) pour s’offrir sa première victoire non seulement sur une joueuse du Top 10 mais aussi sur une pensionnaire du Top 50 ou du Top 100... L’occasion de rappeler qu’avant cette édition 2024, la 123e joueuse mondiale ne comptait que deux victoires sur le circuit principal !
S’en sont suivis une nouvelle remontada face à Yulia Starodubtsewa (joueuse qualifiée) et deux tie-breaks disputés contre Lin Zhu (61e mondiale) pour intégrer le Top 16. "Je ne m’attendais pas à être ici, à ce stade de la compétition mais je me suis contenté de jouer match par match. Et voilà où j’en suis…" a-t-elle humblement expliqué. Mais sa véritable révélation a donc eu lieu lundi soir, sur un Centre Court ébahi par le niveau de jeu et le caractère de la novice, opposée à la favorite des tribunes, Emma Raducanu.
En mode "tout pour l’attaque" elle n’a jamais laissé respirer la championne de l’US Open 2021, réussissant notamment 23 montées (sur 28) et 52 coups gagnants, soit le plus haut total pour une joueuse depuis le début du tournoi ! "Je suis juste… Je n’ai même pas les mots pour le moment. C’était un match incroyable, j’ai vraiment puisé au fond de moi pour gagner. J'ai dû me battre bec et ongles parce qu'il était évident qu'elle allait courir sur chaque balle et lutter jusqu'à la fin… C'est une expérience extraordinaire pour moi !".
Diplôme et patrimoine multiculturel
Mais au-delà de ses qualités, de son style de jeu et de son tempérament, ce sont bien ses racines, sa formation et ses origines qui suscitent la curiosité des journalistes du monde entier. Née en Nouvelle-Zélande d’un père croate et d’une mère chinoise, elle a passé de nombreuses années en Suisse, s’est distinguée sur le circuit universitaire américain sous les couleurs de l’Université du Texas et passe désormais sa vie entre les Etats-Unis et la Slovaquie, d’où vient son entraîneur Vladimir Platenik ! Un bagage multiculturel qui lui permet de parler trois langues (anglais, chinois et français) et ainsi de répondre avec aisance aux nombreuses questions posées dans des salles de conf' de plus en plus grandes…
Mais son histoire, c’est bien évidemment la principale intéressée qui en parle le mieux. "Je suis née dans le sud de la Nouvelle-Zélande, dans une toute petite ville (rires). Il y a pratiquement plus de moutons et de cerfs que d’habitants ! J’y ai passé quelques années, avec ma grand-mère et ma mère. Ensuite, j’ai déménagé à Shanghai, j’y suis restée jusqu’à la maternelle jusqu’à ce que nous déménagions en Suisse. Ma mère a toujours été très attachée à l’éducation, elle nous a toujours appris que le sport était important mais que l’éducation l’était tout autant."
Une mère qui l’a donc tout naturellement poussée à poursuivre ses études tout en continuant le tennis, du côté des Etats-Unis. "J'ai terminé mes études en 2022 (elle a un diplôme en relations internationales, ndlr). J’ai eu de la chance parce que le Covid est arrivé au moment où j’ai contracté une blessure. Ma mère était très inquiète, elle me disait : ‘Je ne sais quand tu vas passer tes examens mais tu dois te concentrer sur tes études avant de te lancer à 100% dans le tennis’. C’est une question de chance et de timing […] J'ai pu les terminer à un moment où il ne se passait rien d'autre. Beaucoup d'autres joueurs m'ont raconté comment s'étaient déroulés les tournois et j'ai eu l'impression qu'ils n'avaient pas vraiment vécu de grandes expériences…"
Le choix de la Nouvelle-Zélande
Forgée par ses origines et ses nombreux voyages, Lulu Sun n’a choisi que très récemment (en mars) de représenter la Nouvelle-Zélande alors qu’elle évoluait sous bannière suisse sur le circuit juniors. Une décision sur laquelle elle est revenue à l’issue de sa victoire en huitièmes de finale. "C’était vraiment une décision difficile parce que je suis née en Nouvelle-Zélande et ma famille est toujours là-bas mais j’ai grandi en Suisse. Ces deux pays me sont chers. La décision n’a pas été facile à prendre… Je suis très reconnaissante de tout ce que le tennis suisse a fait pour ma carrière en juniors. Mais je suis également reconnaissante envers Tennis New Zealand pour leur soutien et ce qu'ils m'ont apporté jusqu'à présent. Tous les pays que j'ai visités, dans lesquels j'ai grandi ou avec lesquels j'ai des liens seront toujours présents en moi, d'une certaine manière. Je ne pense pas que cela disparaîtra un jour."
La Suisse, où elle a d’ailleurs puisé une partie de son inspiration tennistique en regardant jouer et en prenant exemple sur une légende de la discipline : "J’ai grandi en regardant jouer les meilleurs, comme Roger Federer bien sûr, qui prenait constamment le filet. J’ai aussi regardé Steffi Graf contre Martina Navratilova sur YouTube. C'était tout simplement incroyable de les regarder. Bien sûr, je ne pouvais pas le faire en direct, mais je me suis inspirée des professionnels pour développer mon jeu et reproduire leurs gestes."
Et maintenant ?
Aussi à l’aise sur un court que derrière un micro, la joueuse de 23 ans a désormais rendez-vous avec Donna Vekic pour continuer d’écrire l’histoire, qu’il s’agisse de la sienne ou de celle de son pays. Mais pas question de se mettre une quelconque pression sur les épaules, Lulu Sun restera la même, que son parcours se poursuive ou s’arrête ce mardi. "Je ne pense pas que ça change tant de choses que ça (rires). Je vais continuer à m’entraîner, à jouer au tennis et je vais me rendre à mon prochain tournoi. Non, je ne crois pas que beaucoup de choses vont changer…" a-t-elle conclu.
Une chose est sûre, sa notoriété et sa côte de popularité, elles, ne vont faire que grandir.