Le patron de retour aux affaires, un nouvel "upset" et deux duels savoureux en perspective dans le tableau féminin : cette huitième journée (sans pluie) n’a pas été avare en émotions et en suspense ! Voici ce qu’il ne fallait pas manquer ce lundi sur les courts du All England Club…
Wimbledon – J8 : Fritz renversant, le "Djoker" de retour
Au terme d’une rencontre de très haut niveau, l’Américain a brillamment retourné la situation face à Alexander Zverev.
Un succès majeur pour Fritz
Si les retournements de situation et les surprises ne manquent pas cette année dans le sud du Royaume-Uni, personne – mis à part peut-être le principal intéressé et son clan – ne peut se targuer d’avoir vu venir la victoire de Taylor Fritz face à Alexander Zverev. D’une part parce que le finaliste de Roland-Garros a marché sur ses deux premiers adversaires avant de se montrer très solide pour boucler l’affaire au tie-break de la troisième manche contre Cameron Norrie. D’autre part parce qu’il a tout bonnement été impérial pendant plus de deux sets ce lundi, privant l’Américain d’air et surtout, de solutions.
Mais puisque le tennis a ses raisons que la raison ignore – et c’est ce qui fait tout son charme – l’Allemand a commis un premier impair sur son service (il n’avait concédé aucune balle de break jusqu’ici) à 4-4 dans la troisième manche, alors que la victoire et un premier quart de finale à Wimbledon lui tendaient les bras. Si on ne peut décemment pas écrire qu’il a perdu le fil, il a bien aidé Taylor Fritz à appuyer sur l’interrupteur de l’espoir. Et de petite veilleuse à lumière puis à flash, il n’y a qu’un pas… "C’est incroyable d’avoir fait ça sur le Centre Court de Wimbledon avec deux sets de retard, s’est réjoui le 12e joueur mondial. Pendant le match, je me disais dit que c’était vraiment dommage de jouer aussi bien et de perdre en trois sets secs. J’y ai cru parce que j’avais l’impression de jouer à un très bon niveau. Il fallait juste que j’arrive à gratter quelques points ici et là… Ensuite, je me suis dit que je pouvais prendre les sets les uns après les autres et renverser la vapeur."
En glanant cette troisième manche, l’outsider du jour a fait basculer la rencontre de son côté et dans une douce folie. Revigoré par sa réussite, ses "come on" bruyants et le soutien du public, celui qui jouait déjà très bien jusqu’ici a encore un peu plus réhaussé le curseur (69 coups gagnants pour 23 fautes directes), ne concédant plus aucune balle de break jusqu’à la fin de la partie (83% de points gagnés derrière sa première, 69% sur deuxième). Intouchable dans le jeu décisif du quatrième set, il s’est même permis de reprendre le service de "Sascha" dans la manche finale pour s’envoler vers une victoire magistrale – sa première contre un Top 5 mondial – dont il se souviendra longtemps (4/6, 6/7(4), 6/4, 7/6(3), 6/3 en 3h29).
Battu en quarts de finale de l’édition 2022 au terme d’un match mémorable face à Rafael Nadal, Taylor Fritz voudra faire mieux mercredi contre Lorenzo Musetti (voir ci-dessous). "Ce sera ma deuxième participation mais cette fois-ci, j’ai l’impression de l’avoir bien plus méritée. Je suis vraiment impatient de retenter ma chance."
Djokovic souhaite "good night" à ses détracteurs
Entré plus tard que prévu en raison du thriller précédemment disputé, Novak Djokovic n’avait pas l’intention de s’éterniser sur le Center Court. Bousculé lors de ses précédentes sorties, il a rapidement fait comprendre à un Holger Rune des mauvais soirs que rien (ni personne) ne pourrait l’empêcher de disputer un 15e quart de finale à Wimbledon, son 60e en Grand Chelem. En enquillant les trois premiers jeux du match sans perdre le moindre point, il a tout de suite envoyé un signal fort à destination du Danois. Intraitable sur sa mise en jeu, il a écarté les deux seules balles break de son adversaire, dont la tentative de putsch en fin de deuxième manche a été tuée dans l’œuf, le septuple champion considérant sans doute que le public avait eu le droit à suffisamment de folie pour aujourd’hui.
Des spectateurs dont les "Ruuuuune, Ruuuuune" incessants ont quelque peu agacé l’homme aux désormais 96 victoires à Wimb’ (6/3, 6/4, 6/2 en 2h03). Interrogé sur ce sujet en fin de partie, il a envoyé un message clair à destination des tribunes. "A tous les fans respectueux et qui sont restés ce soir, je pense à vous du fond du cœur, j’ai apprécié votre soutien. Et à tous ceux qui ont choisi de manquer de respect aux joueurs, en l'occurrence à moi, je vous souhaite une booooonne nuit !". Du Djokovic dans le texte et dans l’attitude. Pas de doute, le "Djoker" est de retour et ce n’est pas une bonne nouvelle pour son prochain adversaire, Alex de Minaur.
Le "french corner" : fin de la belle aventure pour Fils et "GPM"
Dans le premier match de la journée, Lorenzo Musetti n’était pas non plus décidé à faire de cadeaux à Giovanni Mpetshi Perricard, qui fêtait ses 21 ans ce lundi. Après la perte d’un premier set rondement mené par le Français – durant lequel ce dernier a converti sa seule et unique balle de break de la rencontre – le 25e joueur mondial a mis à profit ses qualités de retour pour contrer les services éclairs décochés depuis la moitié de terrain adverse. Une arme d’ailleurs beaucoup moins efficace que lors des tours précédents (10 aces, 67% de points gagnés derrière sa première et cinq breaks concédés durant la rencontre).
En stoppant le très joli parcours du lucky loser (4/6, 6/3, 6/3, 6/2 en 2h03), l’Italien s’est qualifié pour la première fois de sa carrière en quarts de finale d’un Grand Chelem, devenant au passage le 7e représentant de son pays à réussir cette performance sur le gazon londonien. Par ailleurs, c’est également la première fois de l’histoire que trois Transalpins (avec Jannik Sinner et Jasmine Paolini) seront présents à ce stade de la compétition au All England Club. Un accomplissement qui valait bien une célébration et un discours teintés d’émotions. "C’est difficile pour moi d’être émotif en règle générale mais je pense qu’aujourd’hui, je vais l'être. Je rêve de ce moment depuis que je suis enfant et j'ai toujours eu une très belle famille qui m'a constamment soutenu dans la poursuite de mon rêve" a confié celui qui a accueilli son premier enfant en mars.
Une première à Wimbledon également pour Alex De Minaur ! Déjà quart-de-finaliste Porte d’Auteuil, l’Australien a composté son billet en prenant la mesure d’Arthur Fils (6/2, 6/4, 4/6, 6/3 en 2h54). Ultra-dominateur dans le premier set, il s’est retrouvé mené 0-3 dans le deuxième avant d’inscrire cinq jeux consécutifs pour renverser la vapeur. Dos au mur, le Tricolore n’a pas oublié de faire le show et d’haranguer copieusement la foule du Court n°1 au moment de conclure la troisième manche. Un répit finalement de courte durée pour Fils, dont le manque de réussite en premières (56% de points gagnés) et l’imprécision (66 fautes directes) ont fait les affaires du "démon".
Mais une question est désormais sur toutes les lèvres : le 9e joueur mondial sera-t-il à 100% pour affronter Novak Djokovic ? En effet, au moment de convertir sa deuxième balle de match, il n’a pas pu cacher un rictus de douleur avant de fêter très timidement sa victoire, lançant des regards inquiets vers son clan. Il s’est toutefois montré rassurant en conférence de presse. "J’ai glissé après un coup droit sur ma première balle de match. Mais c’est probablement plus une petite frayeur qu’autre chose. Mais la situation était tendue et d’une certaine manière, ça m’a aidé à me détendre et à terminer le match […] Je suis sûr que je me sentirai bien demain."
Rybakina – Svitolina, comme on se retrouve
Dans le tableau féminin, elle est désormais LA grande favorite de cette édition 2024. Suite aux éliminations successives de la tenante du titre Marketa Vondrousova, des meilleures têtes de série Iga Swiatek et Coco Gauff et de la double finaliste sortante Ons Jabeur, Elena Rybakina semble plus que jamais en position extrêmement favorable pour récupérer sa couronne. D’autant que dans l’autre partie du tableau, les quatre joueuses encore en lice disputeront leur premier quart de finale au All England Club… "C’est une bonne chose bien sûr si les gens pensent que je suis favorite, a-t-elle confié face aux médias. Mais le chemin à parcourir jusqu’à la finale est encore long. Il y a encore beaucoup de matchs et comme je le dis toujours, je vais les prendre les uns après les autres et on verra. Mais c’est sûr que je veux aller loin et essayer de gagner."
Ce statut, la 4e joueuse mondiale n’a pas réellement eu besoin de l’assumer ce lundi en ouverture sur le Centre Court. Bousculée en tout début de rencontre, elle s’est rapidement réglée au service pour recoller. Surtout, alors que le tableau des scores affichait 4-3 en sa faveur, son adversaire Anna Kalinskaya a fait appel à l’équipe médicale du tournoi pour se faire manipuler le bras droit, de l’épaule au poignet. "J’ai commencé à ressentir une douleur au poignet dans le quatrième jeu du match, a expliqué la tête de série n°17. Ça affectait beaucoup mon service et ma première frappe, je me sentais comme engourdie ensuite. Je pensais que ça disparaîtrait, mais ça n'a pas été le cas. J'ai décidé d'arrêter parce que je ne me sentais pas mieux."
Un abandon (6/3, 3-0, ab.) qui propulse "Lena" en quarts de finale pour la troisième année consécutive. Madame 90% de victoires à Wimbledon (18-2) y croisera la route de la toujours très combative Elina Svitolina. "C’est une adversaire très difficile, elle lit très bien le jeu, elle défend bien et peut faire des slices ici et là. Ce ne sera pas facile, bien sûr mais si je suis agressive et si je sers correctement, j'ai toutes les chances de gagner" a-t-elle conclu.
Battue le mois dernier par la Kazakhstanaise en huitièmes de finale à Roland-Garros, "Svito" n’a pas tergiversé face à Xinyu Wang (6/2, 6/1 en 55 minutes). Impeccable sur sa ligne (21 coups gagnants pour 10 fautes directes) et en réussite au service (80% de points gagnés derrière sa première balle) elle s’est facilitée la vie en écartant les trois opportunités de break de la Chinoise.
Très émue au sortir de son match, elle a expliqué que ses pensées étaient tournées vers l’Ukraine. "C’est un jour incroyablement triste pour tous les Ukrainiens. C’était vraiment difficile pour moi d’être sur le court et de faire quoi que ce soit, je voulais juste rester dans ma chambre avec mes émotions et tout le reste […] Chaque Ukrainien utilise ses propres moyens pour sensibiliser l'opinion, collecter de l'argent, aider de toutes les manières possibles. Ma façon à moi, c'est le tennis. Ça m’a vraiment motivée aujourd’hui, mon succès est une petite lumière qui a apporté un moment de bonheur au peuple ukrainien. J'ai reçu tellement de messages… Les gens sont reconnaissants de ma performance, de ma victoire. Ça me fait chaud au cœur en cette triste journée."
Un air de Roland-Garros
Le jour du tirage au sort, Jelena Ostapenko faisait figure de grand danger pour Iga Swiatek en huitièmes de finale. La Polonaise n’était pas sur le court aujourd’hui mais la Lettonne s’est chargée de confirmer son excellente forme du moment face à Yulia Putintseva (6/2, 6/3 en 1h08). Depuis le début de la quinzaine, elle n’a passé que 4h05 sur le court et n’a perdu que 15 jeux, soit le plus faible total pour intégrer le Top 8 depuis Victoria Azarenka en 2012.
De retour en quarts de finale pour la première fois depuis 2018, elle a confirmé se sentir particulièrement bien sur les courts de SW19 : "Je joue de manière agressive, je joue mon jeu et je prends du plaisir, probablement plus qu'avant. Je suis probablement plus confiante et plus mûre sur le terrain, surtout dans ce tournoi. Je sais ce que j'ai à faire et je le fais plutôt bien, surtout dans les moments décisifs. Je fais simplement ce que je faisais auparavant, comme lorsque j'ai gagné Roland-Garros ou lorsque j'étais de retour dans le Top 10. J'ai la capacité de frapper fort, alors pourquoi je m’en priverais ?". Les chiffres ne lui donnent pas tort puisque ce lundi, elle a mis au supplice celle qui s’est offert le scalp de la n°1 mondiale en frappant 29 coups gagnants, ne perdant que cinq petits points lors des cinq premiers jeux du match…
Une recette savoureuse dont tous les ingrédients devront bien mijoter au prochain tour contre Barbora Krejcikova. Couronnée Porte d’Auteuil en 2021, la Tchèque a définitivement acté son retour au premier plan en prenant le meilleur sur l’une des outsiders crédibles de cette édition 2024, Danielle Collins (7/5, 6/3 en 1h42). En délicatesse avec son dos, celle qui n’avait gagné que trois matchs entre février et juin (un à Abu Dhabi et les deux autres il y a trois semaines à Birmingham) a fait preuve d’une grande solidité face à l’Américaine, qui n’avait pas perdu le moindre set jusqu’ici.
Si cette dernière a bénéficié d’un temps mort médical pour une douleur à la jambe gauche, cela n’enlève rien à la performance très complète de la souriante gagnante du jour, ravie de rallier les quarts pour la première fois de sa carrière à Londres. "C’est un grand honneur d’être ici et de participer à Wimbledon, a-t-elle confié en bord de court. C'est incroyable que je sois là et que je puisse bien jouer. C'est un cadeau. J’ai l’impression qu’après mes blessures, il m’a fallu plus de temps pour revenir et me réhabituer au rythme des matchs. J’attends ma prochaine rencontre avec impatience et comme c’est la première fois que je suis en quarts ici, nous allons fêter ça ce soir en mangeant de la bonne nourriture !".