Il y aura bien une Emma en quarts de finale de Wimbledon mais ce n’est pas forcément celle que le public britannique attendait ! Moins de deux heures après l’élimination d’Emma Raducanu face à la surprenant qualifiée Lulu Sun, Emma Navarro a créé une petite sensation en s'offrant la n°2 mondiale Coco Gauff. Chez les hommes, Carlos Alcaraz s’est fait violence et Sinner a confirmé son statut de favori de la compétition…
Wimbledon – J7 : Navarro s’affirme, Sun continue de briller
Des surprises, de très beaux combats et des abandons regrettables : on fait le point sur les premiers huitièmes de finale de cette édition 2024 !
Navarro surclasse Gauff, Paolini "miraculée"
Battue en huitièmes de Roland-Garros par la n°2 mondiale de l’époque Aryna Sabalenka, Emma Navarro n’a cette fois pas laissé passer sa chance de rallier les quarts de finale d’un Majeur pour la première fois de sa carrière. Dominatrice dans tous les compartiments du jeu, elle n’a eu besoin que d’1h14 pour surclasser Coco Gauff (6/4, 6/3). Très au point tactiquement, elle a mis à profit son énorme couverture de terrain pour constamment obliger la dauphine d’Iga Swiatek à effectuer un coup supplémentaire, bien souvent synonyme de faute directe (25 au total sur la rencontre). A l’aise pour distribuer depuis sa ligne de fond de court, elle n’a pas non plus hésité à prendre le filet (9/9) et à agresser sa compatriote au retour (22/54 sur le service adverse, 3 balles de break converties sur 4).
Brouillonne et coupable de fautes grossières, la championne de l’US Open 2023 a longtemps cherché du réconfort et des solutions auprès de son clan, en vain. En échec total sur son coup droit, elle a tenté de tourner sur son revers dans la deuxième manche et de bomber davantage ses frappes. Une nouvelle tactique à laquelle Navarro a continué de répondre par des frappes longues, puissantes et dans des zones inatteignables.
Réputée imperméable à la pression, la tombeuse de Naomi Osaka au deuxième tour n’a pas tremblé au moment de conclure, pour s’offrir sa deuxième championne de Grand Chelem en quelques jours. "J’ai joué de manière très agressive aujourd’hui, a-t-elle confirmé. Coco est une joueuse incroyable, j’ai beaucoup de respect pour elle et pour ce qu’elle a réussi à accomplir à son âge. Je savais qu’elle n’allait pas me faciliter la vie ce soir et je suis contente d’avoir réussi à la pousser dans ses retranchements."
Mardi, elle affrontera une autre novice à ce stade de la compétition sur le gazon londonien : Jasmine Paolini, contre qui elle mène 3-0 dans leur face-à-face. Propulsée à la 7e place mondiale grâce à son titre au WTA 1000 de Dubaï et sa très récente finale à Roland-Garros, l’Italienne n’avait pas gagné le moindre match sur herbe sur le circuit principal avant cette saison 2024 ! Demi-finaliste à Eastbourne avant de poser ses valises au All England Club, elle s’est qualifiée suite à l’abandon de Madison Keys, blessée aux adducteurs de la cuisse gauche dans la troisième manche. "Je suis vraiment désolé pour elle, nous avons joué un très bon match et nous avons toutes les deux eu des hauts et des bas, a-t-elle commenté en bord de court. Je suis heureuse mais aussi triste pour elle, ce n’est pas facile de gagner dans ces conditions…"
Avant ce triste fait de jeu, le public du Court n°1 avait assisté à un magnifique huitième de finale. Puissante et virevoltante, Paolini a asphyxié son adversaire durant une première manche au cours de laquelle l’Américaine a commis 14 fautes directes tout en ne gagnant que 20% de points derrière sa deuxième balle (2/10). Mais cette dernière a eu une réaction de championne dans le set suivant, pour s’adjuger cinq jeux consécutifs et obtenir deux premières balles de set à 5-1.
Combattante dans l’âme, la native de Castelnuovo di Garfagnana ne s’est pas démobilisée, a continué de monter et de trouver des contre-pieds parfaits pour pousser la tête de série n°12 dans un tie-break finalement concédé 8 points à 6. Passionnante et indécise jusqu’ici, la rencontre a semblé tourner à l’avantage de la moins bien classée des deux joueuses, qui a par la suite survolé les débats (5-2, double break) avant donc de cruellement se blesser sur une reprise d’appui qui allait sceller le sort de cette partie. Malgré un long temps mort médical et un gros strap posé sur sa cuisse, Keys, ne pouvant à peine marcher, a été contrainte à l’abandon trois jeux plus tard (6/3, 6/7(6), 5-5 ab.). Un "petit miracle" qui permet à Paolini de devenir la cinquième Italienne à rallier le Top 8 de Wimbledon dans l’ère Open après Camila Giorgi (2018), Francesca Schiavone (2009), Silvia Farina Elia (2003) et Laura Golarsa (1989).
Sun, le tube de l’été
Quelques minutes plus tôt, le public du Centre Court a assisté à un autre "upset" suite à la victoire de la qualifiée Néo-Zélandaise Lulu Sun face à la dernière représentante britannique en lice en simple, Emma Raducanu (6/2, 5/7, 6/2 en 2h50). Loin d’être intimidée par l’enjeu ou la douce hostilité du public, la 123e joueuse mondiale a enclenché le mode "tout pour l’attaque", réussissant au passage 52 coups gagnants, soit le plus haut total pour une joueuse depuis le début du tournoi ! Et lorsque ses missiles lancés depuis sa ligne de fond ne lui permettaient pas de conclure l’échange, elle n’a pas hésité à effectuer des montées gagnantes (23/28).
Constamment sur la corde raide, celle qui a dû jeter l’éponge en double mixte (elle devait jouer avec Andy Murray) a été manipulé au niveau de la jambe gauche et du bas du dos après une glissade en début de troisième manche. Quelques minutes plus tôt, elle avait harangué la foule suite au gain du deuxième set. Un sursis de courte durée avant d’être définitivement emportée par une tempête que personne n’avait vu venir, pas même la principale intéressée. « Je suis juste… Je n’ai même pas les mots pour le moment, a lancé celle qui ne comptait que deux victoires sur le circuit principal avant cette édition 2024. C’était un match incroyable, j’ai vraiment puisé au fond de moi pour gagner. J'ai dû me battre bec et ongles parce qu'il était évident qu'elle allait courir sur chaque balle et lutter jusqu'à la fin… C'est une expérience extraordinaire pour moi !".
La première joueuse néo-zélandaise de l’histoire à disputer un quart de finale à Wimbledon a désormais rendez-vous avec la Croate Donna Vekic, qui a eu besoin de toute une journée (toujours en raison des interruptions) pour se débarrasser de Paula Badosa (6/2, 1/6, 6/4 en 1h38). "Depuis que j'ai commencé à jouer au tennis, je rêve de remporter un Grand Chelem, a confié la 37e joueuse mondiale. C'est la raison pour laquelle je continue à m'entraîner et à me dépasser chaque jour. Bien sûr que j'y crois, sinon, je ne serais pas là. Mais pour gagner un Majeur, de nombreux facteurs entrent en compte. J'espère qu'un jour, j’y arriverai."
Alcaraz passe le test Humbert
Vainqueur en cinq manches de Frances Tiafoe au 3e tour, Carlos Alcaraz s’est évité un deuxième marathon consécutif ce dimanche contre Ugo Humbert. Mais une nouvelle fois, rien n’a été simple pour le Murcien, poussé dans ses retranchements et sans solutions pendant un set et demi face au Français. Très offensif et particulièrement impressionnant au retour, le gaucher s’est même procuré trois balles de break pour mener 5-3 dans le 4e set avant de finalement s’incliner au terme d’un âpre combat très apprécié par Rod Laver, présent dans la Royal Box (6/3, 6/4, 1/6, 7/5 en 3h00). "Jouer un gaucher est toujours délicat, a analysé "Carlitos". J’en ai affronté un au Queen's (défaite face à Jack Draper, ndlr) et j'ai beaucoup appris de ce match. Je me suis senti très bien aujourd'hui. J'ai joué à un niveau très élevé."
Le champion en titre se dirigeait pourtant vers une victoire nette et sans bavure. Après un round d’observation de quatre jeux, il a nettement élevé son niveau de jeu et profité de quelques errements de son vis-à-vis pour glaner un premier break, puis un deuxième afin de virer en tête. Challengé une première fois sur sa mise en jeu à 2-2 dans le set suivant, il a écarté 4 balles de break avant de se montrer clinique en convertissant sa seule opportunité de prendre le large, sur une défense héroïque après s’être retrouvé les quatre fers en l’air pendant l’échange ! Un point qualifié "d’incroyable" par l’intéressé lui-même. "J’ai essayé de me battre sur chaque point. Peu importe la partie du court dans laquelle je me trouve, je me donne toujours une chance de rester en vie. Sur cette balle de set, c’était un point très important pour moi. Peu importe ce qu’il allait faire, j’allais être là et me battre jusqu’au dernier échange."
Mais au bord du précipice, le protégé de Jérémy Chardy n’a pas rendu les armes, bien au contraire. Il a lâché les chevaux et tenté le tout pour le tout, notamment sur le service du n°3 mondial. Spoiler alert : cette tactique a parfaitement fonctionné, au-delà même de ses espérances. Avec notamment 16 points gagnés au retour (55 au total sur la rencontre !), il a enchaîné six jeux consécutifs pour plier la troisième manche et relancer le suspense. Au coude-à-coude, les deux hommes ont échangé les politesses et les engagements jusqu’à ces fameuses balles de 5-3 pour Ugo.
Nerveux et constamment tourné vers son clan, l’Espagnol les a écartées en retrouvant sa première, son explosivité et sa réussite. Des qualités qui lui ont permis de conclure, sans passer par la case jeu décisif ou cinquième manche, devenant ainsi le troisième joueur espagnol à disputer le plus grand nombre de quarts de finale de Grand Chelem dans l’ère Open (9). Mardi, il affrontera Tommy Paul (n°12), logique vainqueur de Roberto Bautista Agut dans une rencontre longtemps repoussée en raison des conditions climatiques toujours aussi capricieuses dans le sud du Royaume-Uni (6/2, 7/6(3), 6/2 en 2h02).
Sinner a rendez-vous avec Medvedev
Impérial face à Miomir Kecmanovic après avoir été testé par Matteo Berrettini, Jannik Sinner a de nouveau livré une prestation très sérieuse pour mettre fin au parcours marathon de Ben Shelton dans ce Wimbledon 2024 (6/2, 6/4, 7/6(9) en 2h09). Comme le score l’indique, le n°1 mondial a rapidement trouvé la solution pour canaliser le surpuissant service de l’Américain tout en étant impeccable sur sa propre mise en jeu (aucune balle de break à sauver dans les deux premières manches). Bien plus réaliste et impactant dans le troisième set, le showman a fait vibrer le Court n°1 en réussissant un premier break pour mener 3-0.
Moins dominateur mais toujours à l’affût, l’Italien a fait étalage de sa sérénité légendaire pour recoller puis sauver quatre balles de set dans un jeu décisif sous haute tension. Comme un symbole, Shelton a fini par craquer en commettant une double faute sur la deuxième balle de match de Sinner. "Ça a été un match très difficile, notamment la troisième manche, dans laquelle j’ai sauvé des balles de set, a expliqué le vainqueur à chaud. Avec mon équipe, on travaille pour vivre ce genre de moments. On a envie de faire le show pour le public et quand on arrive à gagner en jouant bien, forcément, ça donne le sourire."
Qualifié en quarts de finale pour la troisième année consécutive, il y affrontera Daniil Medvedev, qu’il a battu lors de leurs cinq dernières confrontations. Opposé à Grigor Dimitrov en début de soirée, le finaliste de l’Open d’Australie n’a joué que huit jeux, en raison de l’abandon de son adversaire suite à une mauvaise chute dans la première manche.