On n'imagine pas forcément la foultitude de paramètres à prendre en compte au moment d'établir la programmation journalière dans un tournoi du Grand Chelem.
Quand l'informatique se met au service de la programmation de Roland-Garros
La programmation représente une partie importante du travail du juge-arbitre en Grand Chelem. Celui de Roland-Garros, Rémy Azémar, peut s'appuyer cette année sur une nouvelle solution digitale pour le guider.
Desiderata des joueurs, des télévisions et des spectateurs à satisfaire, temps de repos à respecter (notamment pour ceux qui sont en lice dans plusieurs épreuves), équilibre du tableau à prendre en compte...
La programmation est un véritable casse-tête qui consiste pour le juge-arbitre à effectuer d'incessants compromis. "C'est un fil rouge qui nous accompagne du matin jusqu'au soir et qui occupe la majorité de notre temps", résume Rémy Azémar, juge-arbitre de Roland-Garros depuis 2018.
Un outil pour intégrer les données factuelles
C'est justement pour lui faire gagner une partie de ce temps que la Direction des Systèmes d’Information (DSI) de la FFT a créé, cette année, une application unique dans le monde du tennis. Alors que le juge-arbitre devait jusqu'à présent recenser par lui-même tous les paramètres à prendre en compte pour établir son programme, il peut désormais s'appuyer sur un outil qui va directement intégrer certaines données factuelles. Et l'alerter si besoin sur des choix qui ne seraient pas les plus adéquats. L’algorithme va même jusqu’à lui indiquer les placements qui peuvent répondre aux critères pris en compte dans une programmation.
"C'est une application que l'on développe depuis deux ans, nous avons pris le temps de lister et d’analyser tous les besoins de Rémy Azémar qui a été complètement intégré à son élaboration, indique Rani Azoula, chef de projet à la DSI. Pour la précédente édition, nous avions utilisé un prototype, afin de s'assurer que tout répondait aux attentes sur l’aspect technique tout en constatant une expérience utilisateur sans faille. Cette année, c'est la première fois qu'on l'utilise dans une version suffisamment aboutie pour assurer l’ensemble de la programmation du tournoi."
Une première expérience qui permettra de constituer un précieux socle de réflexion pour les évolutions à emmener dans le futur. La DSI réfléchit déjà à la manière d’utiliser des intelligences artificielles pour aller encore plus loin dans l’assistance au juge-arbitre.
La programmation, un immense compromis au service des fans et des clients
Autrefois établie de manière très manuelle, la programmation bénéficiait depuis quelques années à Roland-Garros d'une assistance informatique également utilisée à l'Open d'Australie et à l'US Open. Mais pas d'un produit aussi poussé que celui-ci. "Le gros "plus" de cet outil, c'est de nous faire gagner un temps précieux sur tous les travaux préparatoires à la programmation, comme le nombre de matchs à caser, le nombre de courts à utiliser ou les temps de repos à respecter, poursuit Rémy Azémar. On a aussi directement accès en ligne aux requêtes des médias ou aux données du service billetterie (nationalité ou profil des spectateurs par exemple), qui ont une influence sur le choix des courts. En résumé, la machine gère tout le côté mathématique. Après, la décision finale reste du ressort de l'humain."
Une décision qui se fait en plusieurs temps. Le juge-arbitre effectue un premier canevas qu'il soumet ensuite à la discussion avec le Comité de programmation, au gré de réunions effectuées avec les représentants des différentes instances (ATP, WTA, superviseur du Grand Chelem, direction du tournoi...). Une fois que tout le monde est à peu près d'accord, la décision définitive est généralement actée -en accord avec le président de la FFT- en fin d'après-midi ou début de soirée, pour le lendemain.
"Ce n'est pas toujours facile et le challenge est là, car chacun défend des intérêts, idées qui peuvent être contradictoires, donc le fait d'avoir ce nouvel outil informatique à ma disposition nous permet d'avoir des arguments concrets pour défendre ou argumenter sur une programmation, explique encore Rémy Azémar. Après, la programmation parfaite n'existe pas. Chaque jour elle génère une frustration. La meilleure programmation consiste donc à trouver le compromis idéal pour tout le monde tout en respectant l’équité des compétiteurs."
La politique de l'alternance
Pour prendre l'exemple concret de la programmation de ce samedi, le choix de Roger Federer en session de soirée s'est imposé assez rapidement selon la politique de l'alternance des grands noms décidée pour ces matchs en nocturne. On voit aussi que Rafael Nadal joue sur le court Suzanne-Lenglen – là encore, selon une règle d'alternance avec le court Philippe-Chatrier – mais pas en même temps que Novak Djokovic, pour répondre à la volonté des diffuseurs. Et si c'est Nadal qui jouera (a priori) le plus tard, c'est pour respecter un plus grand temps de repos nécessaire après avoir été programmé en soirée jeudi (comme l’avait été Novak mardi soir puis jeudi en deuxième partie d’après-midi).
Par ailleurs, si le choc américain entre Jennifer Brady et Cori Gauff est programmé en fin de journée, ce n'est pas un hasard non plus : c'est le meilleur créneau possible si l'on tient compte du décalage horaire avec les États-Unis, un diffuseur important du tournoi et un acteur important sur le marché du tennis.
"Chaque jour, on essaie de mettre l'accent sur un axe différent, conclut Rémy Azémar. Un jour on va mettre l'accent sur un enjeu télévisé pour un pays en particulier ; un autre sur un enjeu lié à la billetterie ; ou encore, un enjeu lié à la politique de direction du tournoi. Il y a vraiment une multitudes de choses à prendre en compte."
La programmation en elle-même, que vous voyez apparaître chaque jour sur le site officiel de Roland-Garros, n'est en somme que la partie émergée d'un immense iceberg.