La deuxième semaine, ce monde parallèle...

Plusieurs joueuses encore en lice ont très peu d'expérience en deuxième semaine de Grand Chelem. Le moment où, paraît-il, un nouveau tournoi commence...

Elena Rybakina Roland Garros 2021©Nicolas Gouhier / FFT
 - Rémi Bourrieres

Alors que le tennis féminin donnait depuis quelques mois des signes d'une hiérarchie enfin stabilisée, avec des joueuses comme Ashleigh Barty ou Naomi Osaka, ce Roland-Garros 2021 est en train de faire vaciller sur ses bases cette théorie encore fragile. 

A l'exception d'Iga Swiatek, qui peut encore maintenir de l'ordre dans la maison si elle devient la première joueuse à conserver son titre à Paris depuis Justine Henin (2005-2007), et d'Anastasia Pavlyuchenkova, six des huit joueuses qualifiées pour les quarts de finale n'avaient jamais atteint auparavant ce stade de la compétition dans un tournoi du Grand Chelem. Du jamais vu !

Parmi elles, deux n'avaient même jamais connu une deuxième semaine de Grand Chelem (Elena Rybakina et Tamara Zidansek), tandis que les quatre autres avaient tout juste mis un pied en huitièmes, mais pas plus loin (Cori Gauff, Barbora Krejcikova, Maria Sakkari et Paula Badosa).

Deux semaines, deux tournois...

Bref, pour ainsi dire, six néophytes dans ce monde mythique et fantastique qu'on appelle communément la deuxième semaine d'un Grand Chelem, c'est-à-dire les quatre matchs restant à compter des huitièmes de finale. Par opposition à la première semaine, véritable jungle bouillonnante où tout semble possible mais dont il est extrêmement difficile de s'extirper, la deuxième semaine exprime un univers radicalement différent, où le silence se fait pour laisser place à des projecteurs soudainement braqués sur vous, dans une atmosphère plombée par le poids de l'histoire.

"La deuxième semaine, c'est vraiment un autre tournoi qui commence, résume l'ancienne n°1 française Marion Bartoli, qui officie à Roland-Garros en tant qu'intervieweuse de terrain et consultante pour Prime Vidéo. L'atmosphère est particulière, avec les vestiaires qui se vident petit à petit. C'est euphorisant parce que l'on se sent d'un coup appartenir à une élite. Mais ça peut aussi être très difficile à gérer, surtout la première fois."

La première fois, pour Marion, c'était ici-même, en 2007, face à Jelena Jankovic. Et la deuxième fois, c'était un mois plus tard à Wimbledon... face à Jelena Jankovic. Deux matchs, deux ambiances. 

"J'avais abordé ces deux rencontres de manière totalement différente, poursuit la gagnante de Wimbledon en 2013. A Roland-Garros, rien à dire, Jelena était beaucoup plus forte que moi (Marion s'était inclinée 6/1, 6/1, Ndlr). Mais pour ma part, même si ce n'est pas à cause de ça que j'avais perdu, je m'étais un peu laissée submerger par la pression. En revanche, à Wimbledon, j'avais moins gambergé. J'étais beaucoup plus "focus" sur le match en lui-même que sur le contexte."  Et elle avait gagné 3/6, 7/5, 6/3, poursuivant son épopée jusqu'en finale, face à Venus Williams.

Marion Bartoli Jelena Jankovic Roland Garros 2021©Corinne Dubreuil / FFT

"Le niveau de pression médiatique augmente"

Bref, le danger qui plane autour des joueuses qui découvrent ce nouvel environnement à Roland-Garros n'est pas neutre. Poncif : celle qui s'en sortira le mieux ne sera pas forcément celle qui jouera le mieux, mais celle qui gèrera le mieux le "débarquement" dans cette planète hostile. 

"Le danger, quand on arrive en deuxième semaine, c'est que le niveau de pression médiatique augmente de manière considérable, explique enfin celle qui travaille depuis le mois d'avril avec Sorana Cirstea, pour des résultats immédiats puisque la Roumaine s'est imposée à Istanbul puis fait finale à Strasbourg, avant d'atteindre la... deuxième semaine à Roland-Garros, ce qu'elle n'avait plus fait en Grand Chelem depuis son quart à Paris en 2009 (!). Si l'on commence à se dire qu'il ne reste plus beaucoup de joueuses, qu'il y a une possibilité d'aller au bout, ce n'est pas bon. Il faut bloquer toutes ces pensées parasites autant que possible. C'est un paramètre que Sorana n'a justement pas très bien géré contre Zidansek."

Tant mieux pour cette dernière qui a donc réussi à franchir la première marche de cette deuxième semaine, mais qui reste la plus néophyte de toutes les quarts de finaliste restantes. Elle est la moins bien classée (85e) et la moins aguerrie sur le circuit principal, même si elle a disputé en avril une finale à Bogota.

Sera-t-elle pour autant celle qui se laissera le plus facilement déborder par ses émotions ? Dur à anticiper, mais une chose est sûre : la préparation "hors court" de son prochain match, face invisible de la prestation que l'on voit ensuite sur le terrain, sera capitale. Pour elle comme pour les autres...