Tout le monde l'attendait depuis le tirage au sort. La demi-finale entre le n°1 mondial Carlos Alcaraz et la légende serbe Novak Djokovic aura bien lieu ce vendredi. Forcément, elle suscite déjà toutes les passions dans les allées de Roland-Garros, où l'on parle énormément de ce qui s'annonce comme le blockbuster de l'année.
Alcaraz - Djokovic : tout le monde en parle !
La demi-finale entre le n°1 mondial et la légende serbe suscite déjà de nombreuses réactions à Roland-Garros.
Pas de 11e "Djokodal" à Roland-Garros, mais un alléchant 1er "Alcarovic"
Roland-Garros avait pris l'habitude de vibrer chaque année au rythme des duels de titans entre Novak Djokovic et Rafael Nadal, qui s'y sont affrontés dix fois en 17 ans et notamment lors des trois éditions écoulées. Et puis, pas de "Djokodal" cette année, en raison du forfait de l'Espagnol, qui devrait être absent jusqu'à la fin de la saison après sa blessure au muscle ilio-psoas. Mais à la place, un alléchant "Alcarovic" qui fait couler tout autant d'encre. Et s'annonce d'ores et déjà comme un match historique entre deux joueurs qui ne se sont curieusement plus croisés depuis leur magistrale demi-finale de l'an dernier, à Madrid.
Du côté de la Porte d'Auteuil, tout le monde est déjà sur les rangs. A commencer bien sûr par les principaux intéressés. "Depuis que le tirage a été fait, tout le monde attend ce match, et moi aussi, a admis l'Espagnol mardi soir après son récital nocturne contre Stefanos Tsitsipas. Je voulais vraiment jouer ce match. Depuis l'an dernier, j'attendais vraiment cette occasion d'affronter Djokovic. C'est incroyable de jouer une demi-finale pour l'histoire contre une légende comme lui."
"C'est un match que beaucoup de gens veulent voir et pour moi, c'est clairement mon plus gros challenge depuis le début du tournoi, avait déclaré le Serbe un peu plus tôt, comme en écho. Carlos est sans aucun doute le joueur à battre ici. Il apporte énormément d'intensité sur le court. Il me rappelle un autre Espagnol, gaucher (sourire). J'ai hâte d'y être."
Et il n'est pas le seul. "C'est le match le plus excitant de l'année", résume l'Espagnol Sergi Bruguera, double vainqueur à Roland-Garros en 1993 et 1994. Cette demi-finale entre le n°1 mondial et celui qui demeure aux yeux de Tatiana Golovin (et de beaucoup d'autres) le "patron du circuit" suscite un enthousiasme presque sans égal. Avec bien sûr une question centrale en ligne de fond : qui va remporter ce duel de boss ?
La tendance générale penche plutôt en faveur d'Alcaraz. Mais les avis des experts sont partagés. "Je suis curieux de voir comment le jeu de l'un va se marier à celui de l'autre. Pour moi, c'est impossible à prédire", reprend Bruguera.
Il n'en faudrait pas beaucoup à certains pour mettre une petite pièce sur Djokovic, à l'image de Pauline Parmentier : "Même si Alcaraz est monstrueux depuis le début de la quinzaine, Djokovic, lui, joue pour l'histoire. Et le Djokovic de fin de tournoi, ce n'est pas celui du début, qui peut parfois montrer quelques petites faiblesses. A partir de maintenant, il va falloir aller le chercher…"
Même son de cloche chez Jo-Wilfried Tsonga, qui livre un avis intéressant dans les colonnes de L'Equipe : "Avant le tournoi, je mettais la pièce sur Alcaraz. Mais après ce que j'ai vu de 'Djoko', j'ai envie de retourner ma veste. Je le connais bien et je sais qu'il est prêt. Tout Alcaraz qu'il est, le patron, ça reste Djoko. Pour lui, cette demi-finale, c'est aussi l'occasion d'envoyer un message : 'On parle du gamin, mais je suis encore là'. Et puis, il ne va pas attendre dans la bâche comme Tsitsipas en retour. Il va venir couper les trajectoires en revers."
Au-delà de sa dimension psychologique, ce duel sera en effet, avant toute chose, un combat sans merci entre deux hommes qui possèdent chacun mille cordes tennistiques à leur arc, mais dans des styles bien différents. Au spin surpuissant et à la vitesse de bras (et de jambes) quasi martienne d'Alcaraz, Djokovic répliquera en mettant en place sa forteresse habituelle et son tennis peut-être moins explosif, mais sculpté encore plus profondément dans l'acier trempé. "L'expérience de l'un contre les jambes de Speedy Gonzales de l'autre", pour reprendre la formule de Stefanos Tsitsipas.
Une chose est sûre : chacun devra imposer sa filière. Et surprendre, autant que possible. "Face à des joueurs aussi forts et aussi agressifs en fond de court, il faut absolument varier le jeu. Sinon, ils trouvent plus facilement leur rythme et une fois qu'ils l'ont trouvé, c'est impossible de les faire dérailler", estime Michael Chang. La variété et l'agressivité, c'est justement le fonds de commerce de Carlos. Selon l'inoubliable vainqueur américain de l'édition 1989, Novak devra se mettre au diapason. Il devra jouer un tennis offensif, prendre la balle tôt, saisir sa chance dès qu'il le peut. Je ne pense pas qu'il ait très envie de courir à droite, à gauche, à 3 mètres de sa ligne de fond, face à un joueur aussi jeune, aussi puissant et aussi affamé."
Lors de leur seule confrontation, l'an dernier à Madrid, le Serbe avait d'ailleurs opté pour cette voie ultra offensive en montant énormément au filet. Il avait fini par perdre, mais sur le fil et non sans livrer probablement son meilleur match sur terre battue de cette année 2022, face à un adversaire qui s'affirmait alors comme l'un des tout meilleurs joueurs du monde, après avoir également battu Rafael Nadal un jour plus tôt.
Henri Leconte, finaliste à Roland-Garros en 1988, recommanderait également à Djokovic d'aller dans le sens de l'attaque et de la variété : "Carlos frappe tellement fort que si on le laisse jouer, ça peut devenir très compliqué. En plus, il sait tout faire. Il faut donc essayer de le dérégler, mixer les zones et les effets au service, jouer un peu comme John McEnroe le faisait, en alternant les zones longues et les zones plus courtes".
Pour Cédric Pioline, directeur du Rolex Paris Masters, l'Espagnol a un double avantage : celui de la surface et du contexte : "Alcaraz a un jeu plus naturel sur terre battue. Il a toute sa carrière devant lui alors d'une certaine manière, il est plus relax par rapport à un Djokovic, qui a d'autres enjeux, d'autres pressions. Mais même si Alcaraz a été plus impressionnant, je suis persuadé que Djokovic peut s'élever à son niveau. C'est LE champion des grands rendez-vous".
Et c'est peu dire que ce rendez-vous est majeur. Avec en ligne de mire, pour Djokovic, la possibilité d'aller décrocher dimanche un 23e sacre en Grand Chelem. Ce qui ferait de lui le joueur masculin le plus titré de tous les temps, au détriment du grand absent de cette édition 2023 (Nadal). Pour Alcaraz se dessine l'éventualité de devenir, à 20 ans, le plus jeune joueur à décrocher deux tournois du Grand Chelem différents depuis Mats Wilander (Roland-Garros 1982 à 17 ans et Open d'Australie 1983 à 19 ans).
Le match, par son contexte, est déjà historique. Il a tout pour devenir légendaire.