Une première participation à Roland-Garros est toujours un moment magique, et cela ne vaut pas que pour les joueurs. Devenue cette année Partenaire officielle du tournoi (comme à l'US Open), la marque Wilson fournit les balles et tient le poste clé du cordage à Paris. Un défi empreint de stress et d'excitation pour une équipe qui comprend 24 cordeurs triés sur le volet dans le monde entier et placés sous la responsabilité de l'Américain Dustin Tankersley, manager du service.
Les cordeurs à flux (dé)tendu
Nouvelles conditions de jeu obligent, le service cordage a fort à faire cette année.
"Hormis une quinzaine de top joueurs qui ont leur cordeur privé, comme Djokovic, Zverev ou Tsitsipas, quasiment tous font appel à nos services, y compris Nadal, raconte ce Texan, qui dirige à l'année un magasin spécialisé. Cela nous fait de grosses journées. Nous ouvrons à 7h30 le matin et nous assurons une permanence jusqu'à la fin des matchs." Ce qui, avec la mise en place des projecteurs, peut mener à une heure avancée de la soirée, voire de la nuit.
Dans le stand installé cette année dans les locaux de l'ancien Musée, inutile de dire, donc, que l'on ne chôme pas. Depuis le début du tournoi (qualifications comprises), le service cordage a déjà vu passer plus de 4 000 raquettes. Un chiffre qui devrait monter aux environs de 6 000 à la fin. A raison d'une vingtaine de minutes par instrument, faites le calcul, cela représente une volume de travail de 2 000 heures.
Un travail à effectuer avec la plus grande concentration possible car évidemment, la moindre approximation peut avoir d'énormes conséquences. "Nous avons un protocole très strict, tout le monde doit corder de la même manière, raconte le Toulousain Adrien Andurand, l'un des deux Français retenus dans la "team" à l'issue d'une rude journée de sélection effectuée en mars. C'est une ambiance à l'américaine, rigoureuse mais assez décontractée, avec beaucoup d'entraide."
De 9,5 à 40 kilos !
Il en faut, de la solidarité, dans ce début de tournoi dont les conditions alourdies compliquent aussi la tâche des cordeurs. "L'humidité et la fraîcheur rendent les cordages plus fragiles : on constate que les joueurs cassent plus souvent, surtout ceux qui jouent en hybride avec du boyau", explique Dustin Tankersley.
Autre constat récurrent : des tensions revues à la baisse (de 1 à 2 kilos en moyenne) pour contrecarrer le manque à gagner de puissance causé par la lourdeur des conditions. C'est le cas par exemple d'Adrian Mannarino, passé en cours de tournoi de 11,5 kg à... 9,5 kg, un record en la matière. Moins tendu, c'est un filet de pêche ! A l'inverse, la joueuse de double norvégienne Ulrikke Eikeri (ci-dessous), visiblement guère affectée par la météo, a affolé les compteurs en réclamant une tension à 40 kilos. Plus tendu, c'est du bois !
Quant à la plus grande consommatrice de raquettes, c'est également une joueuse : Serena Williams, qui a l'habitude de réclamer une bonne dizaine de raquettes par match. Malheureusement pour elle, il n'y aura eu qu'un match pour l'Américaine, qui a déclaré forfait avant son deuxième tour.
N'allez pas croire que les cordeurs ont, eux, l'assurance d'aller au bout de la quinzaine. A l'image d'un jeu de téléréalité, ils quittent eux aussi l'aventure au fil des tours, leur destinée étant liée en partie à celle des joueurs dont ils s'occupent. A la fin du tournoi, ils ne seront plus que cinq. Tendu !