Roland-Garros: Derrière l'objectif

À un mois et demi de l'édition 2021, elles et ils pensent déjà à la prochaine photo ! Confidences des photographes officiels du tournoi.

objectif appareil photo Roland-Garros©Corinne Dubreuil / FFT
 - Elodie Iriart

À Roland-Garros, on se délecte autant du beau jeu et des beaux points que du spectacle de la victoire, de la défaite, de la détresse mais aussi de l'atmosphère si particulière qui règne chaque printemps au sein de ce lieu emblématique.

Pour capturer l'intensité de ces différentes émotions, les photographes officiels du tournoi contemplent le monde qui les entoure et expérimentent la relation entre l'humain et son environnement (le stade, le jeu, les joueurs, la performance).

Ils parcourent le stade, tapis dans l'ombre, à la recherche du cliché parfait. Seul indice de leur présence parmi nous, le crépitement des flashs rompant ainsi, parfois, le silence d'un jeu.

Six d'entre eux ont accepté de se prêter au jeu des confidences et nous partagent leur photographie fétiche. 

Que se passe-t-il, pour eux, à ce moment précis derrière l'objectif ?

Victoire Rafael Nadal Roland-Garros 2010 ©Corinne Dubreuil / FFT

Coup de maître en rafales

Quand ? Roland-Garros 2010

Raconte-moi ce moment fort vécu derrière l'objectif ?

Corinne Dubreuil : Roland-Garros est un terrain de jeu formidable pour les photographes ! Depuis 30 ans je me régale à arpenter les courts à la recherche de nouvelles images. Découvrir des angles ou des lumières, chercher la position idéale qui permettra de faire une belle photo.

Lors de cette finale « revanche » de 2010 entre Rafael Nadal et Robin Soderling, après consultation avec l’équipe de photographes de Roland-Garros, j’avais opté pour la fosse (dédiée aux photographes) du court Central lors de la balle de match. Un spot risqué car il se peut que l'on obtienne aucune photo correcte.

Il y a différents éléments à réunir pour obtenir LA photo. Il faut impérativement que le joueur gagne du coté de la fosse. Ensuite, l’angle de vue étant assez restreint (avec les chaises d’arbitres qui peuvent gêner le cadre), il faut espérer que le joueur célèbre sa joie… au bon endroit.

Ce jour-là, tout s’est parfaitement assemblé ! Le bon côté pour la victoire finale, l’angle de vue parfait et Rafa qui s’allonge pile devant moi ! Son attitude est incroyable ! C’est son 5e sacre à Paris (Rafael Nadal remporte son 5e Roland-Garros cette année là en 2010) et il prend sa revanche sur Soderling qui l’avait éliminé en 2009 lors des 1/8e de finale à la grande surprise générale.

C'est l'une de mes victoires préférées de Rafa à Roland-Garros.

(Ce cliché est issu d'une série de 10 images capturées en rafales)

Pendant le tournoi, quel est ton plaisir coupable ?

Corinne Dubreuil : En fin de journée, quand le stade est vide et que la nuit tombe, j'adore me poser sur un banc quelques minutes, tranquille.

Quel est ton spot favori dans l'enceinte du stade Roland-Garros ?

Corinne Dubreuil : J'aime particulièrement toutes les positions en hauteur et notamment au dernier rang du court Suzanne-Lenglen du côté du Fond des Princes dans le dos de l'arbitre de chaise. La lumière de fin d'après-midi et les jeux d'ombres sont splendides. 

Qui est ta joueuse / ton joueur préféré(e) ?

Corinne Dubreuil : Rafael Nadal

Stefanos Tsitsipas Roland-Garros 2020©Nicolas Gouhier / FFT

Clair-obscur automnal

Quand ? Roland-Garros 2020
Raconte-moi ce moment fort vécu derrière l'objectif ?

Nicolas Gouhier : Parmi toutes les éditions de Roland-Garros que j'ai pu couvrir, celle de 2020 est particulièrement différente des autres du fait de la crise sanitaire et des incertitudes liées à l'annulation ou au report du tournoi. Le plaisir de retrouver l'équipe photo n'en fut que décuplé cette année !  La particularité de cette édition reposait à la fois sur les nouvelles infrastructures du stade mais aussi et surtout sur la date totalement inhabituelle de ce rendez-vous annuel. Jouer en automne, Porte d'Auteuil, cela signifie pour nous autres photographes : nouvelles lumières

J'ai donc choisi cette photo de Stefanos Tsitsipas réalisée lors de sa demi-finale face à Novak Djokovic. Grâce aux nouvelles infrastructures du court Philippe-Chatrier et à la lumière automnale, j'ai pu dénicher un nouveau point de vue à partir duquel j'ai pu réaliser ce cliché en total contre jour, ne laissant deviner que la silhouette du joueur. 

J'ai vraiment ressenti une grande excitation en réalisant les premiers clichés. Il fallait juste attendre le bon geste, au bon moment. Une concentration extrême car la "fenêtre de tir" était très limitée à la fois dans le temps (je devais faire vite avant que le soleil ne disparaisse derrière les tribunes) et dans l'espace (car seul le fond de court à ce moment donné était éclairé par le soleil). 

Pendant le tournoi, quel est ton plaisir coupable ?

Nicolas Gouhier : Le stand de gaufres assurément !

Quel est ton spot favori dans l'enceinte du stade Roland-Garros ?

Nicolas Gouhier : Les fosses des courts

Qui est ta joueuse / ton joueur préféré(e) ?

Nicolas Gouhier : Rafa évidemment !!!

Court Simonne-Mathieu de nuit Roland-Garros 2020©Emilie Hautier / FFT

Avant-première nocturne

Quand ? Roland-Garros 2020
Raconte-moi ce moment fort vécu derrière l'objectif ?

Emilie Hautier : Nous sommes donc sur l'édition 2020, il y a un évènement Oppo en nocturne. C'est la première fois que nous jouons de nuit à Roland-Garros ! Je sais que c'est une grande première, avant que le tournoi ne mette en place officiellement les fameuses sessions de soirées (prévues sur l'édition 2021).

Ici nous sommes sur le court Simonne-Mathieu, ce nouvel écrin que j'aime beaucoup. 

J'ai l'impression que c'est un moment précurseur. 

De plus, nous sommes très peu de photographes, deux ou trois, je me sens privilégiée d'assister à cette version "beta" des nights sessions.

En plus , c'est une année très particulière à cause de la crise sanitaire. Le stade est pratiquement vide, nous sommes en septembre au lieu des traditionnels mai/juin, et nous avons conscience de la chance que nous avons d'être là et de pouvoir participer à cette édition historique.

Au moment de faire cette photo, je surplombe le court, que je trouve sublime avec la dimension végétale, à taille humaine, il y a Paris derrière, et j'ai vraiment le sentiment de vivre un moment extraordinaire, presque hors du temps.

Pendant le tournoi, quel est ton plaisir coupable ?

Emilie Hautier : Je n'en ai pas de particulier ! Peut-être suivre très régulièrement les réseaux sociaux pour voir les publications sur le tournoi !

Quel est ton spot favori dans l'enceinte du stade Roland-Garros ?

Emilie Hautier : L'Orangerie du jardin des Serres, avec son architecture 1900 et ses pierres meulières ! En plus c'est un espace "hospitalités", ça me concerne pour mes missions photos. J'aime aussi beaucoup le court Philippe-Chatrier, le béton, les croix de St André et son côté "Art Déco". 

Qui est ta joueuse / ton joueur préféré(e) ?

Emilie Hautier: Rafael Nadal, c'est vraiment le plus impressionnant à photographier. Son corps est un concentré de puissance, c'est très visuel.

Cori Gauff Finale Junior Roland-Garros 2018©Amélie Laurin / FFT

Performance sculpturale

Quand ? Roland-Garros 2018
Raconte-moi ce moment fort vécu derrière l'objectif ?

Amélie Laurin : C'était lors de la finale simple filles de Roland-Garros 2018. La répartition des photographes sur les différents courts est faite, et moi qui suis plus chargée de couvrir l'ambiance du tournoi, je décide d'aller sur le court n˚1 où la finale juniors se déroulait afin de capter de belles images. Je me place en différents endroits, d'abord tout en haut des gradins, puis en fosse et enfin en bords de court. Je cherche des images d'illustrations, des moments forts à saisir, en scrutant ce qui se passe tant sur la terre battue que dans les gradins. Je sais qu'un autre photographe de la FFT est là pour faire les photos de sport mais ça ne m'empêche pas d'en faire également. Cori Gauff, qui a remporté le titre, avait 14 ans à ce moment là. Sa musculature est impressionnante et elle est belle à photographier car très expressive. Je suis en fosse. Elle court d'un bout à l'autre du terrain, passe et repasse devant mon objectif. Je shoote en rafale pour choisir par la suite le plus bel instantané de ses mouvements. Sur celle-ci, elle est sculpturale. 

Pendant le tournoi, quel est ton plaisir coupable ?

Amélie Laurin : Quand on peut, on mange une petite glace avec ma collègue et amie Pauline, ou avec les autres photographes de l'équipe.

Quel est ton spot favori dans l'enceinte du stade Roland-Garros ?

Amélie Laurin : J'aime beaucoup le point de vue au ras du sol depuis la fosse.

Qui est ta joueuse / ton joueur préféré(e) ?

Amélie Laurin : Nadal !

Iga Swiatek Finale Dames Roland-Garros 2020©Cédric Lecocq / FFT

La belle victoire

Quand ? Roland-Garros 2020

Raconte-moi ce moment fort vécu derrière l'objectif ?

Cédric Lecocq : Iga Swiatek qui enlace sa mère et son frère en octobre dernier. Je me suis vraiment senti privilégié d’assister à ce moment de complicité entre la nouvelle vainqueur de Roland-Garros 2020 et ses proches. Je n’étais pas très loin des loges de la joueuse polonaise et d’habitude à cette place, on ne voit pas grand chose, les spectateurs sont tous debout. Mais dans ces circonstances si particulières, d’être aussi près de ces accolades, de ce bonheur qu’elle partageait avec sa famille, de la voir réaliser le chemin parcouru à seulement 19 ans, tous ses efforts magnifiquement récompensés, j’avais la chance de pouvoir immortaliser ce moment.

Pendant le tournoi, quel est ton plaisir coupable ?

Cédric Lecocq : Toutes les après-midi, direction le stand de gaufres et crêpes. Nous marchons beaucoup dans la journée et après être régulièrement passé devant, s'arrêter pour une petite pause est toujours un plaisir. Je dois avouer en prendre souvent deux et en offrir à un collègue, histoire de ne pas trop culpabiliser … !

Quel est ton spot favori dans l'enceinte du stade Roland-Garros ?

Cédric Lecocq : Derrière le banc du joueur. On peut faire plein de belles photos à cet endroit. L'entrée des joueurs ou la poignée de main de fin de match, mais surtout au changement de côté, comme on est très près, cela permet de faire des gros plans sur les visages ou les mains ou même les contre-jours sympas lorsqu'il y a des parasols.

Qui est ta joueuse / ton joueur préféré(e) ?

Cédric Lecocq : Roger Federer ! J'adore les trois grands champions que nous avons la chance de voir jouer de nos jours. J'ai une préférence pour Roger Federer, son attitude très calme et son jeu hyper complet avec son revers à une main super classe. Et numéro 1 mondial pendant 237 semaines consécutives, c'est juste incroyable !

Ramasseuse de balles Chinoise Roland-Garros 2019©Pauline Ballet / FFT

Ballerine sur court

Quand ? Roland-Garros 2019
Raconte-moi ce moment fort vécu derrière l'objectif ?

Pauline Ballet : Une bonne photo ne dépend pas forcément de la teneur historique ou marquante du moment photographié. Pour moi elle tient d’une alchimie : quand la lumière, la composition, l’action et/ou l’émotion se rejoignent au même moment. S’opère alors un instant que je trouve fantastique, c’est précisément cette magie qui me donne envie de photographier. 

Roland-Garros est une mine d’or pour les photographes, et chaque recoin regorge de détails exquis qui participent à l’histoire du tournoi. Je devais rendre une série des ramasseuses de balles Chinoises présentes sur l'édition Roland-Garros 2019. Cet instant était absolument anodin en soit, mais au moment de l’observer dans mon capteur j’ai ressenti ce moment suspendu. Celui où la ramasseuse devenait sous mes yeux ballerine, se mouvant avec grâce dans une lumière douce aux couleurs pastel.

Pendant le tournoi, quel est ton plaisir coupable ?

Pauline Ballet : Manger des Kinder Bueno ou des glaces à la pistache de chez Grom

Quel est ton spot favori dans l'enceinte du stade Roland-Garros ?

Pauline Ballet : La fosse (des courts)

Qui est ta joueuse / ton joueur préféré(e) ?

Pauline Ballet: Le magicien, Henri Cochet