Déjà vainqueur en début d'année d'un Open d'Australie où on ne l'attendait pas, Rafael Nadal pourrait s'approcher à mi-chemin du Grand Chelem s'il s'impose face à Casper Ruud ce dimanche en finale de Roland-Garros. Où beaucoup pensaient aussi que son état physique le stopperait bien plus tôt...
Nadal, le miracle permanent
Rafael Nadal jouera ce dimanche sa 14e finale de Roland-Garros. A chaque fois, on le pense au bord du précipice. A chaque fois, il renaît de ses cendres.
A un match de l'histoire
Rafael Nadal a 36 ans, un pied gauche partiellement nécrosé et un physique qui semble parfois – mais semble seulement – au bord du point de rupture. Et pourtant, le voilà plus proche que jamais d'un exploit que lui-même n'a jamais réalisé durant sa légendaire carrière : remporter les deux premières levées majeures de la saison.
A vrai dire, dans l'ère Open, seuls quatre hommes ont remporté coup sur coup l'Open d'Australie puis Roland-Garros pour se poster à mi-chemin du Grand Chelem calendaire : Rod Laver en 1969 (le seul à être ensuite allé au bout), Mats Wilander en 1988, Jim Courier en 1992 ainsi que Novak Djokovic en 2016 et 2021.
Rafael Nadal, qui partira favori ce dimanche pour sa 14e finale de Roland-Garros face à Casper Ruud, est donc à un match d'une performance qui aurait relevé, il y a six mois, de la plus pure science-fiction. Fin 2021, après quasiment six mois passés au frigo pour soigner (déjà) sa douleur au pied, il ne savait même pas s'il se rendrait à l'Open d'Australie. Il se dit même que certains membres de son staff n'étaient pas chauds pour qu'il fasse le lointain déplacement à Melbourne. Rafa a décidé de le faire, finalement. Mais avec des objectifs très éloignés d'une hypothétique victoire.
Et puis, il s'est passé ce qui s'est passé. Un retour gagnant salutaire, déjà, sur l'ATP 250 préparatoire de Melbourne. L'affaire Novak Djokovic, ensuite, qui l'a libéré de la présence de son grand rival dans sa partie de tableau. Une montée en puissance quasiment millimétrée au fil des tours. Et les miracles qui s'accumulent, avec notamment ces succès en cinq sets contre Denis Shapovalov en quarts – alors que l'Espagnol semblait exténué – mais surtout en finale contre Daniil Medvedev, qui menait deux sets à rien. Incroyable mais vrai. Incroyable mais Nadal.
Un protocole de soins quotidien
Sauf évidemment tout le respect qu'on doit au maître des lieux et à ses 13 victoires ici, sa présence en finale cette année ne semblait, a priori, pas beaucoup plus certifiée. Voire tout aussi improbable si l'on juge l'état dans lequel Rafael Nadal avait quitté le tournoi de Rome, battu en huitièmes par Denis Shapovalov au terme d'un match qu'il avait terminé en claudiquant et en grimaçant, le pied gauche en capilotade. A ce moment-là, sa simple présence à Paris était en question.
Et puis, une fois encore, la magie a opéré, match après match, miracle après miracle, renaissance après renaissance. Après son huitième de finale laborieusement bouclé en cinq sets contre Félix Auger-Aliassime, c'était sûr : physiquement, tennistiquement, Rafael Nadal n'allait pas pouvoir tenir la distance en quarts de finale contre Novak Djokovic. Le Majorquin avait lui-même envoyé un message de pessimisme en déclarant que ce match pouvait possiblement être le tout dernier de sa carrière à Roland-Garros.
Mais on a vu ce qu'on a vu : il a jailli de sa boîte pour retrouver son meilleur tennis, comme par enchantement, au moment où il en avait le plus besoin. Avant, ensuite, d'éteindre l'incendie qui commençait à se propager après ses inquiétantes déclarations : "Je n’avais aucune intention de faire passer ça pour des possibles adieux”, a-t-il rectifié le lendemain au sortir d'un entraînement. C’est juste la réalité de ce qui pourrait arriver."
De quoi rassurer ses millions de fans, mais pas complètement malgré tout au moment de disputer une demi-finale ultra-piégeuse face à un Alexander Zverev en feu au début du match, au point de se procurer quatre balles de set consécutives dans le tie-break du premier set. Moment choisi par Nadal pour claquer des passings venus d'ailleurs et se tirer d'affaire, avant de voir son adversaire contraint à un cruel abandon à la fin du 2e, alors que rien n'était joué. Un miracle, là encore. Quelque chose de presque surnaturel. Une immortelle bonne étoile.
Ça ressemble presque à un film de super-héros, sauf que la réalité des choses est plus terre à terre. Nadal ne s'en cache pas, ou plus : il joue ce Roland-Garros avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, en raison de l'état de son pied qui nécessite la présence permanente à ses côtés de son médecin Angel Ruiz Cotorro, ainsi qu'un protocole de soins quotidien extrêmement fastidieux, et de plus en plus lourd à porter.
Son équipe se veut rassurante sur le fait que son pied tiendra le choc jusqu'au bout. Oui, mais après ? Rafael Nadal pourrait-il vraiment mettre la suite de sa saison, voire de sa carrière entre parenthèses s'il parachève un 22e titre du Grand Chelem qui lui offrirait deux longueurs d'avance sur Novak Djokovic et Roger Federer ?
Lui a dit en tout cas qu'il ne ferait passer aucun titre avant son bien-être personnel, dans la perspective de sa future vie personnelle. Mais son attaché de presse, Benito Perez-Barbadillo, a démenti les rumeurs selon lesquelles il ferait à coup sûr l'impasse sur Wimbledon. "Il fera tout pour y être, dans la limite du possible", a-t-il tweeté ce samedi.
Particulièrement bien sûr s'il gagne Roland-Garros, et s'offre ainsi la possibilité de croire à un impensable Grand Chelem. Si vous vous demandez si cet accomplissement est possible, difficile de répondre par l'affirmative. Mais penser rationnellement, avec Rafael Nadal, revient souvent à penser faux, comme dirait Roger Federer. Il faut s'y habituer : cet homme-là a plusieurs vies. Et il est bien difficile, face à tel phénomène, de savoir sur quel pied danser.