C’est ce qu’on appelle assumer son statut et ses responsabilités. Arrivé dans la capitale italienne avec la casquette de grand favori vissée sur la tête, Jannik Sinner s’est aisément qualifié pour le dernier carré des Finales ATP en remportant tous ses matchs de poule sans perdre le moindre set. Il vise désormais un accomplissement que seuls Roger Federer et Novak Djokovic ont réussi au cours de leur carrière.
Finales ATP : Sinner, patron et bientôt maître ?
Le meilleur joueur de la saison réalise un début de campagne idéal à Turin.
Prêt pour le bouquet final
Assuré de boucler l’exercice 2024 au sommet du tennis mondial avant même de poser ses valises à Turin, c’est un Jannik Sinner ému et reconnaissant qui a reçu le trophée de n°1 mondial des mains du président de l’ATP Andrea Gaudenzi et de Boris Becker. "C’est un sentiment très agréable et c’est très spécial de partager ce genre de moments avec le public, ici en Italie, a-t-il confié après la cérémonie. J’ai entendu que ma mère pleurait, ce qui est très mignon. Il n’y a que mes proches qui connaissent tous les sacrifices que nous avons fait en tant que famille depuis que j’ai 13 ans. Aujourd’hui, je soulève l’un des trophées les plus spéciaux de ma carrière, peut-être même le plus spécial […] Il récompense une année très régulière donc c’est un trophée très difficile à obtenir."
Difficile en effet de faire plus régulier que le natif de San Candido cette saison. Démarrée sur de très bonnes bases avec un premier titre en Grand Chelem à l’Open d’Australie, elle s’est métamorphosée en cru particulièrement savoureux au fil des mois, grâce à six autres titres dont trois Masters 1000 (Miami, Cincinnati et Shanghai) et un autre Majeur (US Open), rien que ça. Confortablement installé sur un trône qui lui va si bien depuis le 10 juin, il a abordé son dernier rendez-vous étoilé en pleine confiance et avec beaucoup d’envie. "Je sais tout ce que j'ai accompli au cours de cette année, alors j'essaie d'entrer sur le court avec un très bon état d'esprit, a-t-il expliqué hier soir à l’issue de son dernier succès. J'ai de belles personnes autour de moi qui me soutiennent au quotidien, ce qui est très important et je profite du temps que je passe sur le terrain. L'atmosphère ici est incroyable et j'essaie juste de jouer un bon tennis cette semaine. On verra ce qui nous attend au prochain tour."
Travail, évolution et adaptation
Peu importe l’adversaire qui se présentera de l’autre côté du filet en demies ce samedi (Zverev, Alcaraz, Ruud et Rublev peuvent encore tous se qualifier, via des scénarios plus ou moins complexes), le finaliste de la précédente édition sera assurément le favori et ce, même avec un bilan défavorable face aux deux premiers joueurs cités. Une situation qui s’explique par sa forme actuelle et sa constance donc, mais aussi par sa capacité à affronter toutes les difficultés.
Et nul besoin d’aller chercher très loin pour en avoir la preuve, il suffit par exemple d’analyser sa très récente sortie contre Daniil Medvedev (6/3, 6/4 en 1h13). Après un round d’observation de six jeux, l’élève de Simone Vagnozzi et Darren Cahill a su appuyer sur l’accélérateur pour glaner 12 des 13 derniers points de la première manche et virer en tête. Il a également pu tester sa capacité de réaction dans le deuxième acte lorsque "Meddy" – pourtant distancé sur le papier – est revenu à la charge. Mais au-delà de cette troisième victoire en autant de rencontres dans le groupe Ilie Nastase (Taylor Fritz et Alex de Minaur se sont également inclinés en deux sets face à l’Italien), c’est l’évolution de la dynamique du face-à-face global avec son vis-à-vis qui interpelle.
Au sortir de la finale du Masters 1000 de Miami en avril 2023, Daniil Medvedev était la véritable bête noire de Jannik Sinner et comptait six victoires en autant de matchs. Hier soir – soit un an et demi plus tard – le n°1 mondial a officiellement viré en tête dans leurs confrontations (8-7, il s’était incliné en quarts de finale de Wimbledon). Le symbole d’un travail acharné et d’une insatiable quête d’adaptation et de solutions. "J’essaie toujours de trouver de nouvelles façons de m’améliorer en tant que joueur et de gagner autant de matchs que possible, a confirmé le principal intéressé. Daniil et moi, nous nous connaissons très bien donc à chaque fois que nous entrons sur le court, nous nous efforçons de changer quelques détails sur le plan tactique. Aujourd’hui, je me sentais prêt à voir ce qu’il allait faire."
Déçu de sa prestation, l’actuel n°4 mondial a reconnu la supériorité de son bourreau et ne l’imagine pas tomber de son piédestal de sitôt. "C'est sans doute l'un des meilleurs joueurs que j'ai affrontés, a-t-il admis. J'ai bataillé avec les membres du Big 4 quand ils étaient un peu plus âgés, et peut-être que leur vitesse n'était pas la même. Peut-être qu'à un moment donné, il perdra sa confiance et commencera à rater des balles. Dans le cas contraire, tout le monde, et pas seulement moi, s'attend à des années très, très difficiles parce qu'il est jeune […] Si vous voulez gagner un titre, vous l'affronterez à un moment ou à un autre et il n'est pas facile à battre. Beaucoup de gens essaient, beaucoup échouent."
Les futurs adversaires de celui qui pourrait devenir le troisième joueur de l’histoire à remporter l’Open d’Australie, l’US Open et les Finales ATP sont prévenus.