Roland-Garros 2022 : les matchs marquants du tableau messieurs

Alors que le tournoi 2022 s’est achevé dimanche 5 juin par le 14e sacre de Rafael Nadal, retour sur les meilleures rencontres du tableau simple messieurs.

Novak Djokovic & Rafael Nadal / Quart de finale Roland-Garros 2022©Amélie Laurin / FFT
 - Romain Vinot

Du spectacle, des émotions, des surprises et des confirmations : ce Roland-Garros a tenu toutes ses promesses dans le tableau messieurs. Un peu plus d’une semaine après le retour du roi de la terre battue sur son trône parisien, focus sur quelques matchs marquants de cette édition très réussie.

Le plus émouvant : Tsonga – Ruud (1er tour)

Programmée plusieurs semaines avant le début des hostilités Porte d’Auteuil, la fin de l’histoire d’amour entre Jo-Wilfried Tsonga et le tennis a connu un magnifique dernier chapitre. Opposé à la tête de série n°8 du tournoi et futur finaliste Casper Ruud, le Manceau a suscité l’admiration avant de tirer de chaudes larmes aux nombreux spectateurs présents pour l’événement. Car si l’affiche pouvait paraître déséquilibrée, "Jo" a fait bien mieux que résister pendant 3h50, obligeant le Norvégien à disputer trois tie-breaks (6/7(6), 7/6(4), 6/2, 7/6(0)). Surtout, il a retrouvé sa mise en jeu (aucun break concédé dans le premier set) et son coup droit fusil, armes qui lui ont permis de côtoyer le gratin mondial tout au long de sa carrière.

Les encouragements d’un court Philippe-Chatrier qui a longtemps cru en l’exploit lui ont donné des ailes avant que son épaule ne le ramène finalement sur terre. Blessé et ému, le roc a fini par fendre l’armure, ovationné comme il se doit par un public français reconnaissant et conscient d’avoir assisté au dernier gros combat de l’un de ses meilleurs représentants. Le niveau de jeu des deux hommes et la forte charge émotionnelle entourant la rencontre ont fait de ce rendez-vous un immanquable de l’édition 2022.

Le plus intense : Nadal – Djokovic (1/4 de finale)

Attendu dès le soir du tirage au sort, c’est peu dire que le sommet de tennis entre Rafael Nadal et Novak Djokovic a tenu toutes ses promesses. Dans la nuit électrique parisienne, les plus grands rivaux de l’histoire – qui ne s’étaient plus croisés sur un court depuis leur demi-finale Porte d’Auteuil l’an passé – ont livré une 59e partition d’anthologie dans leur symphonie commune, la 18e en Grand Chelem et la 10e à Roland-Garros. Oubliées la blessure au pied pour l’un et la saison en demi-teinte pour l’autre, ce "Djokodal" a offert des rallyes à couper le souffle et des coups gagnants ahurissants dont seuls ces deux monstres ont le secret.

Au début de match stratosphérique de "Rafa" (6/2, 3-0 double break), "Djoko" a répondu par une défense héroïque et des prises de risques calculées pour revenir à une manche partout après 2h16. Si la légitime question de la condition physique du Majorquin pouvait alors se poser, ce dernier a pris les observateurs à contre-pied en réaccélérant pour s’offrir le troisième set. Une réaction salvatrice qu’il est parvenu à reproduire lorsque le Serbe a eu la possibilité de transformer le sommet en un monument en cinq sets. Un tie-break a finalement conclu le plus beau duel nocturne de la quinzaine, sous les hourras de spectateurs conquis par ce chef d’œuvre en quatre actes (6/2, 4/6, 6/2, 7/6(4) en 4h12) qui tiendra à coup sûr une place particulière dans la légende écrite par ces deux joueurs depuis tant d’années.

Le plus imprévisible (et frustrant) : Nadal – Zverev (1/2 finale)

Un niveau phénoménal, un jeu décisif à couper le souffle puis des breaks en pagaille : que serait devenue l’incroyable rencontre entre Rafael Nadal et Alexander Zverev sans l’abandon de ce dernier, à 6-6 dans la deuxième manche alors que l’horloge affichait déjà plus de 3h de jeu ? Une question sans réponse mais un match qui trottera longtemps dans la mémoire des observateurs, de par sa qualité, son imprédictibilité et sa dramaturgie.

Tantôt génial et dominateur, tantôt fébrile et imprécis, le désormais n°2 mondial a longtemps semblé avoir les cartes en main durant cette demie face à un adversaire dont l’intelligence tactique et les changements de rythme l’ont maintenu à flot. Injouable dans le début du tie-break de la première manche jusqu’à mener 6-2, l’Allemand a fini par craquer sous la pression et deux passings monumentaux du futur champion (7/6(8)). Un match fabuleux puis surréaliste, marqué par une deuxième manche décousue qui a vu les deux protagonistes glaner huit breaks en douze jeux ! De quoi rendre l’issue totalement incertaine, à l’image des trois doubles fautes de Sascha à 5-3 alors que le set lui tendait les bras.

Seulement la blessure à la cheville de ce dernier sur un coup droit en bout de course pour tenter d'écarter une balle de 6-6 a mis brusquement fin à cette enthousiasmante partie. L’inquiétude et la tristesse ont ensuite laissé place à une vibrante ovation méritée pour un Zverev revenu saluer le public du Chatrier en béquilles. Sans aucun doute l’une des images fortes de cette édition.

Le plus prometteur : Zverev – Alcaraz (1/4 de finale)

Si on évoque le niveau de jeu exceptionnel d’Alexander Zverev durant ce Roland-Garros, difficile de passer à côté de son quart de finale face à Carlos Alcaraz. Certes, le Murcien – pourtant épatant contre Sébastian Korda puis Karen Khachanov – a manqué son entame de rencontre mais ses nombreuses fautes sont aussi à mettre au crédit de la solidité de son adversaire (six petits points concédés derrière sa mise en jeu dans le premier set). Le choc entre ces deux ambitieux aurait pu faire pschitt mais à 6/4, 6/4 après 1h34 de jeu, le chouchou du public ne s’est pas démobilisé, parvenant enfin à lâcher ses plus beaux coups.

L’intensité est montée crescendo au cours des deux sets suivants jusqu’à atteindre son paroxysme lorsque l’Espagnol s’est offert un dernier sursis en balayant les lignes alors que son vis-à-vis servait pour le gain de ce quart de finale. Direction un tie-break étouffant durant lequel les deux protagonistes ont continué de côtoyer le sublime et tout tenté, laissant de côté l’enjeu. Malgré une balle d’égalisation à deux manches partout qui aurait pu faire basculer cette rencontre dans la folie pure, c’est bien le plus expérimenté des deux joueurs qui a crié sa joie à l’issue d’un combat très prometteur de 3h18 (6/4, 6/4, 4/6, 7/6(7)). Il ne reste plus qu’à espérer que cette affiche devienne un classique, nouvelle(s) génération(s).

Le plus enthousiasmant : Nadal – Auger-Aliassime (1/8 de finale)

L’histoire autour de ce huitième de finale était déjà incroyable, Rafael Nadal et Félix Auger-Aliassime ont rendu le moment mémorable. Toni – installé en tribune présidentielle jusqu’au 5e set – a vu son neveu et son nouveau protégé se livrer un bras de fer équilibré et peut-être quelque peu inattendu. En effet, si FAA confirme les grands espoirs placés en lui à chaque tournoi, son premier tour difficile face au qualifié Juan Pablo Varillas et la perspective d’affronter pour la première fois le roi de la terre battue en Grand Chelem pouvaient laisser penser que la marche était trop haute. Que nenni, le Canadien est entré tambour battant dans sa rencontre, profitant de la timidité et de la maladresse du Majorquin pour s’adjuger la première manche (6/3).

Une petite douche froide qui a eu pour effet de réveiller le maître des lieux, beaucoup plus incisif et percutant pour s’offrir les deux sets suivants, malgré une belle résistance adverse. Difficile alors de croire aux chances de Félix mais c'est là, au contraire, que ce dernier a été grand, faisant étalage de sa puissance, sa précision, sa force mentale… bref de ses énormes progrès réalisés sur tous les plans depuis un an. De quoi devenir le troisième joueur (seulement !) à pousser Nadal au 5e set à Roland-Garros après John Isner en 2011 et Novak Djokovic en 2013.

S’en est suivi un spectacle magnifique et indécis jusqu’à 3-3, avant que le Majorquin ne fasse parler son expérience et son génie à l’image de ce petit passing de revers glissé en bout de course pour ramener une volée amortie de son adversaire et réaliser le break. Héroïque pendant une grande partie du match, Auger-Aliassime a fini par plier (3/6, 6/3, 6/2, 3/6, 6/3) méritant grandement les applaudissements nourris qui ont accompagné sa sortie du court.

Et les autres (parce qu’on ne va pas se mentir, il était bien difficile de choisir au vu de la grande qualité de cette édition 2022…) :

Le plus indécis : Cilic - Rublev (1/4 de finale)

La surprise du chef : Rune – Tsitsipas (1/8 de finale)

Le plus réjouissant : Gaston – De Minaur (1er tour)

Le plus inattendu : Simon – Carreño Busta (1er tour)

Le plus décousu : Ugo Carabelli – Karatsev (1er tour)